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Opposition en Ukraine: le rôle des nationalistes d’extrême droite

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Crédit Photo: Mykhaylo Palinchak / Shutterstock.com

Début décembre, quelques jours à peine après le début du mouvement de protestation en Ukraine, certains observateurs remarquaient, dans les rangs des manifestants pro-européens, à Kiev, un certain nombre de nationalistes d’extrême-droite.

Une opposition fragmentée

L’opposition apparaissait ainsi divisée en plusieurs composantes. D’une part, les partisans du parti nationaliste Svoboda (« Liberté »), qui se défend d’être un parti fasciste et antisémite, mais qui historiquement a entretenu, par le biais de la branche armée de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), des liens avec les nazis pendant la Seconde guerre mondiale.

Et d’autre part, les deux partis libéraux : le parti de l’opposante Ioulia Timochenko, Batkivchtchina (qui signifie « Patrie »), et l’Alliance démocratique ukrainienne pour les réformes – Oudar en ukrainien, qui signifie « coup de poing » –, parti dirigé par l’ex-boxeur Vitali Klitschko, une des figures de proue de l’opposition.

Derrière EuroMaidan

Gulliver Cragg, envoyé spécial de France 24 à Kiev, déclarait à ce propos : « dimanche [1er décembre] a été un mauvais réveil pour beaucoup d’Ukrainiens pro-européens libéraux car ils se sont aperçus que dans leur mouvement se trouvent des groupes de l’extrême-droite radicale qui n’hésitent pas à utiliser la violence. […] On a compris que parmi la frange plus extrême de ce parti Svoboda, il y a des personnes qu’un mouvement paisible et libéral n’a pas très envie de voir en son sein ».

Fin janvier, un regain de violence a frappé la place de l’Indépendance, symbole de la contestation pro-européenne rebaptisée « EuroMaidan », ainsi que la rue Grouchevski, située à quelques centaines de mètres de la place, et qui abrite le Parlement ukrainien et le siège du gouvernement. Les événements ont fait découvrir un nouveau visage de l’opposition. Celui, caché derrière des cagoules noires ou des casques, des manifestants nationalistes.

Le « Secteur droit » en ligne de mire

Les projecteurs européens se sont ainsi braqués sur un petit groupe d’extrême-droite, le Pravyi Sektor (« Secteur droit » en français), dont les militants casqués ou masqués, pour la plupart munis de matraques, pavés et autres cocktails Molotov, tiennent violemment tête aux forces de l’ordre déployées dans la capitale.

Organisation autonome, sans véritable dirigeant ou adhésion politique formelle, le Pravyi Sektor mène des opérations spontanées, même si les militants « se préparaient à participer à des actions violentes depuis le début des manifestants », explique Neil Khasevych, l’un des militants du mouvement nationaliste, à la BBC.

Anti-Russie et anti-UE

« L’épine dorsale de l’organisation est formée par des hooligans russophones partageant des points de vue nationalistes », note la BBC. « Pour communiquer avec ses partisans, le « Secteur droit » utilise le site web de l’organisation nationaliste Trident, a créé des pages sur Facebook et sur le réseau social russe Vkontakte ».

La plupart des militants sont contre le gouvernement russe et contre le fait que l’Ukraine rejoigne l’Union douanière proposée par la Russie. Mais contrairement à d’autres manifestants mobilisés place de l’Indépendance, la plupart de ces militants nationalistes ne soutiennent pas non plus l’idée de rejoindre l’Union européenne, qu’ils considèrent comme un « oppresseur des nations européennes », indique encore la BBC.

Construire un nouvel État

L’organisation nationaliste, qui estime que la situation actuelle est une occasion de « détruire le squelette de l’État » ukrainien, espère ainsi commencer la construction d’un nouvel État. Un des militants, interrogé par Le Nouvel Observateur, explique qu’ils se battent avant tout « pour la mise en place d’un gouvernement libre et nationaliste, sans la mafia au pouvoir ».

L’organisation rejette également les partis politiques dont l’action est, selon elle, « inefficace » et « contre-productive »

Les héritiers du nationaliste Stepan Bandera ?

Pour ces militants nationalistes dont le nombre exact n’est pas connu, une figure de référence émerge : celle de Stepan Bandera, dont ils se considèrent les héritiers. Ce nationaliste ukrainien, dirigeant de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) dans les années 30, est une figure controversée.

Il aurait notamment participé à la création de deux bataillons ukrainiens au sein de l’armée nazie – sans y prendre part – avant d’être finalement envoyé en camp de concentration après avoir fait partie du nouveau gouvernement ukrainien en 1941, non-reconnu par Hitler.

Libéré ensuite par les nazis, il restera à la direction du groupe révolutionnaire de l’OUN jusqu’à son empoisonnement par un agent du KGB en 1959. Si certains le considérent comme un héros national, d’autres le voient comme un collaborateur nazi. Il représente aujourd’hui, pour ces militants nationalistes, le symbole de la lutte pour l’indépendance de l’Ukraine, écartelée entre l’Europe de l’Ouest et la Russie.

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