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Turquie: Erdogan continue de faire le ménage au sein des forces de l’ordre

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Accusées d’avoir instrumentalisé le scandale de corruption touchant plusieurs proches du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, les forces de l’ordre turques ont connu ces derniers jours de sévères coupes dans leurs rangs.

Nouvelle purge dans la police

Après avoir déjà démis de leurs fonctions des centaines de hauts gradés ou simples officiers au mois de décembre, le gouvernement turc a lancé mardi 7 janvier une nouvelle purge dans la police. Le ministre de l’Intérieur, Efkan Ala, a renvoyé pas moins de 350 policiers de la capitale, Ankara, dont certains chefs des services de lutte contre les crimes financiers et le crime organisé.

Suspectés d’avoir participé à un complot contre le gouvernement, trois mois avant les élections municipales du 30 mars, seize autres hauts gradés de la police ont été congédiés mercredi, dont le chef adjoint de la sûreté nationale et ceux des grandes villes clés de Turquie : Ankara, Izmir, Antalya ou Diyarbakir. 

Cette nouvelle opération porte à 700 le nombre de policiers démis de leurs fonctions depuis la première purge lancée mi-décembre.

Le « grand nettoyage »

Un des principaux procureurs d’Istanbul, Zekeriya Öz, qui était en charge de l’enquête sur l’affaire de corruption qui touche de près le gouvernement, a par ailleurs été dessaisi du dossier et placé en disponibilité mercredi. Selon les médias turcs qui ont rapporté l’information, le magistrat est accusé par le gouvernement d’avoir passé des vacances à Dubaï aux frais d’un magnat de l’immobilier inculpé dans l’enquête sur le scandale de corruption.

Cette mise en disponibilité du magistrat fait notamment suite à la décision du gouvernement de « s’attaquer » à certaines instances judiciaires, et notamment au Haut Conseil des juges et procureurs. Cette institution judiciaire a annoncé mardi l’ouverture d’une enquête sur les pressions exercées par des membres du gouvernement sur certains magistrats en charge du dossier sur la corruption.

Qualifiée de « grand nettoyage » par les médias, cette vaste purge, commencée il y a quelques semaines, fait suite au scandale financier sans précédent qui a éclaté en décembre, frappant de plein fouet le gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan, et poussant ce dernier à effectuer un remaniement ministériel. La justice turque avait en effet épinglé plusieurs hommes d’affaires et fils de ministres du gouvernement, mis en causes dans cette affaire de corruption de grande ampleur.

La confrérie Gülen en ligne de mire

Déjà fragilisé par la vague de manifestations anti-gouvernementales survenue il y a six mois, et qui a connu ces dernières semaines de nouveaux soubresauts, le Premier ministre turc doit faire face en ce début d’année à ce qu’il estime être « une conspiration à grande échelle » menée contre son gouvernement et contre son parti, l’AKP (Parti pour la justice et le développement).

Et à la tête de ce « complot », un homme, Fethullah Gülen, intellectuel et prédicateur musulman influent, qui dirige sa confrérie depuis les États-Unis où il vit en exil. Officiellement apolitique, cette confrérie, qualifiée « d’État dans l’État » par Erdogan, agit notamment dans le domaine éducatif, visant à donner aux nouvelles générations une éducation pieuse tout en étant ancrée dans la mondialisation. Elle bénéficie de nombreux relais politiques influents en Turquie.

Au départ considérée comme une des principales alliées de l’AKP, la confrérie s’est cependant détachée ces derniers mois du pouvoir d’Erdogan, notamment lors des manifestations de juin 2013. En décembre, la volonté du gouvernement de fermer certains établissements de soutien scolaire privés – gérés et contrôlés pour la plupart par la confrérie Gülen – aurait poussé la confrérie à révéler les scandales de corruption et fait déborder la coupe déjà pleine des querelles intestines.

Querelles qui risquent d’affaiblir le pouvoir déjà fragile d’Erdogan, alors même que le calendrier électoral en Turquie s’annonce chargé pour les deux ans venir.

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