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Une première en trois ans, Bachar al-Assad rencontre son opposition

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Le rendez-vous n’était pas acquis d’avance mais après deux premières journées de conférence internationale, le régime syrien et l’opposition à Bachar al-Assad ont accepté de se rencontrer autour de la même table, à huis clos. Bien loin des grands auditoires qui ont accueilli les premières rencontres, les parties qui s’opposent en Syrie ne seront accompagnées que des représentants des Nations Unis.

Une première rencontre à huis clos

Les deux premières journées de la conférence de Montreux ont permis à la communauté internationale, si elle ne le savait pas, de constater l’aspect inextricable de la crise syrienne. En piste en Suisse, le ministre des Affaires étrangères syriennes, Walid Mouallem et le chef de la Coalition nationale syrienne, Ahmad Jabra.

Ces deux acteurs principaux ont témoigné de leurs divergences de fond mais également de leurs ambitions radicalement différentes lors de cette conférence. Les discours d’introduction en ont été les premiers révélateurs. Si l’opposition syrienne a accepté de se déplacer, c’est pour permettre la formation d’un gouvernement de transition en Syrie. Le régime a pour sa part une autre idée en tête. Fort de sa position, il refuse catégoriquement l’idée même de quitter le pouvoir mais tente d’alerter le monde sur les dangers du terrorisme qui se répand dans certaines régions syriennes.

« Il est regrettable pour moi et le peuple syrien que les représentants des Etats dans cette pièce soient assis ici alors qu’ils ont du sang syrien sur les mains, des pays qui ont exporté le terrorisme », a ainsi déclaré Walid Mouallem, en référence aux nombreux combattants étrangers agissant sur le sol syrien comme mercenaires à la solde des puissances opposées au régime syrien.

A ce discours, Ahmad Jabra a opposé ses propres visions sur le terrorisme et a condamné la stratégie d’alliances syriennes. « Nous sommes engagés dans notre lutte contre le terrorisme », a ainsi déclaré Ahmad Jabra, évoquant les combattants iraniens et du Hezbollah qui ont été envoyés en Syrie. « La situation est claire, la révolution fait face au terrorisme d’Assad et au terrorisme qu’Assad a laissé entrer en Syrie. Assad fait entrer les mercenaires tout en prétendant lutter contre le terrorisme », a ajouté Ahmad Jabra.

Le problème c’est Bachar al-Assad

Le véritable enjeu de cette première journée de rencontre à huis clos, qui pourrait être suivie de nombreuses autres, sera de déterminer quels sont les réels objectifs de Genève 2.

Le régime fait face à une opposition désunie et absolument pas reconnue sur le terrain syrien et n’aura pas à agir beaucoup pour détourner l’agenda des conversations.

L’opposition quant à elle devra, malgré le soutien de la communauté internationale, faire beaucoup d’efforts pour que Genève 2 se concentre sur son objectif principal, à savoir le respect des dispositions prises lors de Genève 1, en juin 2012.

Or ces dispositions impliquent le retrait de Bachar al-Assad de la vie politique syrienne et la composition d’un régime de transition.

Genève 1 sera-t-il respecté ? La plupart des observateurs semblent d’accord pour affirmer que c’est impossible.

« La conférence ne portera pas sur des questions de politique ou même de transition », explique ainsi Frédéric Pichon, spécialiste de la Syrie. « Les soutiens de l’opposition syrienne y ont renoncé et ces questions ont surtout déjà été résolues en septembre dernier lors de l’accord passé entre le secrétaire d’Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov : tout le monde doit se résigner à un maintien au pouvoir d’Assad ».

« La conférence pourrait au maximum permettre la mise en place de mesures relatives à ‘l’accès à l’aide humanitaire, un mode de traitement des détenus qui respecte les droits humains, la réforme du secteur de la sécurité et la cessation de l’utilisation illégale d’armes’, comme l’a formulé Human Rights Watch », estime pour sa part Karim Pakzad, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques, pour le site Affaires stratégiques. « Tout cela reste bien éloigné de l’objectif initial qui consistait à créer un gouvernement de transition sans Bachar Al-Assad… », ajoute-t-il.

Des enjeux bien plus importants

Il ne faut pas non plus oublier que l’enjeu syrien va bien plus loin que la résolution traditionnelle guerre civile. Derrière l’opposition comme derrière le régime syrien se cachent de grandes puissances et d’importants intérêts géopolitique et religieux.

« Il est évident qu’avec la durée du conflit syrien, celui-ci est devenu sur le plan politique le point de rassemblement de toutes les contradictions que le Moyen-Orient connait depuis quelques années, en premier lieu le conflit entre les chiites et les sunnites, conflit exacerbé par la rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran pour obtenir la suprématie dans la région », explique Karim Pakzad.

« La Syrie cristallise aujourd’hui à merveille cette rivalité. En soutenant l’opposition syrienne et en l’armant avec la bienveillance des pays occidentaux, les mouvements les plus radicaux liés à Al-Qaïda […] ont été renforcés, commettant des exactions ouvertement anti-chiites. Ils luttent ainsi contre le pouvoir chiite en Iran et le pouvoir alaouite en Syrie », ajoute encore cet expert. Cependant, indique-t-il, « malgré les sanctions et son isolement sur le plan international et surtout occidental, l’Iran a plusieurs longueurs d’avance sur l’Arabie saoudite. L’Iran a des attributs réels de puissance que son rival n’a pas » et « a une réelle influence culturelle et religieuse dans la quasi-totalité des pays de la région ».

De quoi rendre le débat syrien encore plus difficile qu’il ne l’est déjà.

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