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En Syrie, l’accès à l’aide humanitaire est de plus en plus difficile

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JOL Press : Comment Médecins du Monde parvient-il à mener des actions humanitaires sur le territoire syrien ?
 

Léa Gibert : Nous travaillons en Syrie selon deux modes opératoires différents. En intervention directe d’abord, grâce à des centres de santé qui sont situés dans le nord du pays, essentiellement dans des zones de déplacements importants de populations.

Dans les camps qui accueillent la population, nous avons installé des centres de santé qui délivrent des soins de santé primaires, et de santé sexuelle et reproductive. Dans le premier cas, il s’agit de consultations de base, généraliste ou pédiatrique et dans le deuxième cas, de consultations à destination des femmes, obstétriques, de planning familial.

Nous intervenons également indirectement, à travers l’appui de partenaires syriens et des structures de santé sur tout le territoire syrien en médicaments, consommables et équipement médical.

Nous menons également des opérations d’appui en eau et en en biens non-alimentaires, c’est à dire des kits d’hygiènes, des couvertures, du savon etc.

JOL Press : Le nord de la Syrie est une région particulièrement difficile d’accès…
 

Léa Gibert : C’est effectivement une zone occupée par un certain nombre de groupes d’opposition. Il y a donc beaucoup de combats qui entraînent de nombreux déplacements de population qu’il est souvent difficile de suivre.

L’insécurité est particulièrement importante et les difficultés sont grandes pour nos équipes sur place.

Les mouvements de population les entraînent parfois dans des zones très proches du front et il est parfois impossible de les atteindre.

JOL Press : Depuis plusieurs mois, le nord est également le théâtre de combats entre groupes rebelles dans lesquels les opposants armés au régime affrontent des groupuscules djihadistes. Cette situation augmente-t-elle la difficulté d’action pour vos équipes ?
 

Léa Gibert : Ces affrontements compliquent en effet l’accès aux populations auxquelles nous souhaitons venir en aide. Ces combats entraînent des déplacements de population plus nombreux et provoquent une augmentation du nombre de blessés.

La population mais également les hôpitaux et les centres de santé sont visés dans ces combats et les civils ont donc de plus en plus de difficultés d’accès à des soins de santé primaires dans les zones de combat.

JOL Press : Depuis le début du conflit, il y a bientôt trois ans, observez-vous une évolution de la situation sur place en termes d’accès à l’aide humanitaire ?
 

Léa Gibert : La situation humanitaire se détériore, tout comme les conditions de vie des populations déplacées. Lorsqu’elles se déplacent, les populations civiles n’emportent que quelques affaires et peu de ressources qui s’épuisent ensuite rapidement. Les deux hivers successifs, qui ont été assez rigoureux, ont été très difficiles pour ces populations qui, aujourd’hui, n’ont plus que le minimum vital pour survivre.

D’autre part, la sécurité se détériorant, l’accès humanitaire est plus difficile et nous rencontrons de nouvelles difficultés à envoyer sur place des médicaments et des équipements.

JOL Press : Espérez-vous, depuis le début des négociations entre le régime syrien et l’opposition à Genève, une amélioration de l’accès humanitaire en Syrie ?
 

Léa Gibert : La première partie de ces négociations n’a permis aucune amélioration de la situation. Il n’y a d’ailleurs même pas eu de trêve humanitaire pendant les discussions et les combats se sont poursuivis sur le terrain. Cette situation est particulièrement marquée à Alep où nous observons toujours des bombardements au baril de TNT, durant lesquels les populations civiles et militaires sont touchées, sans distinction.

Nous attendons de voir ce qui pourra découler des prochaines phases de négociations à Genève mais pour le moment, les faits ne nous ont pas laissé espérer une quelconque amélioration et la situation humanitaire et sécuritaire ne fait que se détériorer.

JOL Press : Depuis bientôt trois ans, la question humanitaire est un enjeu important du conflit syrien. Pourquoi, en comparaison avec d’autres conflits, l’accès des ONG sur place est-il si difficile à mettre en place en Syrie ?
 

Léa Gibert : Le conflit syrien revêt un caractère complexe tout à fait particulier, notamment en raison de l’aspect régional que revêt cette guerre.

Nous avons tendance à dire que le monde entier se bat en Syrie et la grille de lecture de ce conflit en est d’autant plus complexe. C’est ce qui rend notamment l’acheminement de l’aide humanitaire sur place beaucoup plus difficile qu’elle ne l’aurait été dans une autre situation.

Ailleurs, nous serions sans doute parvenus à trouver une solution pour aménager nos actions. Mais dans le cas du conflit syrien, l’aide humanitaire est instrumentalisée. Cette aide est détournée, elle fait face à de nombreux obstacles administratifs qui rendent difficile son acheminement vers les populations dans le besoin. Sans doute plus qu’ailleurs, les acteurs humanitaires rencontrent eux-aussi des difficultés pour travailler en toute liberté, et ce quelles que soit les zones d’intervention.

Propos recueillis par Sybille de Larocque

 

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