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La Syrie perd son sang, Bachar al-Assad gagne du terrain

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15 mars 2011. Alors que le Printemps arabe se propage dans la majorité des pays arabes, des mouvements de contestation contre le gouvernement syrien éclatent en Syrie. Suite aux répressions du régime, l’insurrection s’organise et le conflit oppose rapidement deux camps armés qui, depuis trois ans, plongent le pays et ses 22 millions d’habitants dans un chaos sans nom.

Près de 140 000 morts depuis trois ans

À la crise politique s’ajoute ainsi une grave crise humanitaire : près de 140 000 personnes ont déjà trouvé la mort dans les violents combats opposant l’armée syrienne et les multiples formations rebelles, dont une grande partie est gangrenée par le terrorisme.

Les bombardements, tueries, pillages et autres atrocités ont poussé plus de 2,4 millions de Syriens – des observateurs avancent le chiffre de 3 millions – à fuir leurs maisons, certains traversant la frontière pour rejoindre le Liban voisin, dans l’espoir incertain d’y trouver la sécurité.

De guerre lasse…

Si la chute de Bachar al-Assad semblait inévitable pour certains experts il y a un an face aux avancées rebelles, elle ne semble plus d’actualité aujourd’hui. Alors que le pays se vide de son sang, le régime syrien gagne du terrain, appuyé par les combattants du Hezbollah, mouvement chiite libanais pro-Assad, et par les chiites irakiens, enrôlés par les troupes iraniennes.

« Il y a maintenant des opposants qui, de guerre lasse, déposent les armes, et à qui le régime demande de hisser le drapeau syrien », explique Frédéric Pichon, historien spécialiste de la Syrie, à JOL Press. « C’est une stratégie assez cynique : lorsque vous hissez le drapeau syrien dans votre quartier, vous devenez la cible des bombardements des brigades rebelles, et cela vous oblige donc à prendre parti », ajoute-t-il.

Assad, le « moins pire » ?

Après avoir avancé ses troupes dans le sud de Damas, puis dans la région montagneuse de Qalamoun, au nord de la capitale, Bachar al-Assad, qui continue dêtre soutenu par la Russie, progresse maintenant au nord d’Alep.

« Le régime syrien ne tombera pas », indique Fabrice Balanche, géographe spécialiste de la Syrie, à JOL Press. « Il est considéré par une partie de la population syrienne comme le meilleur garant de la sécurité […]. Les Syriens préfèrent le « moins pire », c’est-à-dire le régime, parce que les zones tenues par le régime sont beaucoup plus sûres que celles tenues par l’opposition », explique encore ce spécialiste.

La rébellion divisée

Car en face du camp Assad, la rébellion née en 2011 est plus que jamais déchirée. Infiltrée par des groupes djihadistes, ceux-ci se livrent à une véritable guerre de clans qui ne fait que fragiliser l’opposition et renforcer le régime syrien.

« L’État islamique en Irak et au Levant (EEIL) réunit contre lui de nombreuses factions islamistes qui se sont regroupées au sein du Front Révolutionnaire Syrien et de l’Armée des Mujahidin », notait Fabrice Balanche il y a quelques mois déjà. « Ils sont composés de différents groupes, en majorité salafistes », comme le Front al-Nosra, un groupe de rebelles armés affilié à Al-Qaïda.

Les jihadistes étrangers viennent grossir les rangs

À ces groupes terroristes qui empoisonnent la Syrie viennent en plus se greffer des jihadistes étrangers, souvent venus d’Europe, qui viennent grossir les rangs des islamistes insurgés. Ils seraient ainsi de 10 à 20 000 combattants étrangers, dont plusieurs centaines de Français, partis mener une « guerre sainte » dans un pays qui leur est souvent inconnu.

« Pour un jihadiste français, quitter la terre de mécréance, qui n’est pas une terre d’islam, est une obligation pour tout musulman, parce que vivre en terre de mécréance souille le musulman et l’empêche d’accéder à terme au paradis », nous explique David Thomson, journaliste qui vient de mener une enquête sur ces jihadistes français qui partent combattre en Syrie.

Une partition du pays ?

Si Bachar al-Assad semble gagner du terrain, il ne pourra cependant probablement jamais reconquérir l’ensemble du territoire syrien, aujourd’hui extrêmement fragilisé. On assisterait alors à une partition de facto du pays : « l’est de la Syrie serait tenu par des groupes islamistes qui resteraient indépendants du régime syrien, la zone kurde se détacherait et le gouvernement de Damas continuerait à contrôler la partie ouest du pays », estime M. Balanche.

Mais si certains experts américains tablent déjà sur une prolongation du conflit pendant dix ans, d’autres observateurs préfèrent ne pas faire de projections aussi lointaines, tant les paramètres géopolitiques sont mouvants.

Des facteurs extérieurs à prendre en compte

« La Russie va-t-elle conserver sa puissance ? Quelles vont être les conséquences de la baisse des prix du pétrole et du gaz pour les dix prochaines années ? Comment vont évoluer les relations entre l’Iran et les États-Unis ? L’Arabie saoudite aura-t-elle toujours les moyens et l’envie de financer les rebelles syriens ? Les clés du conflit échappent en grande partie aux Syriens », explique encore le géographe.

« Cela va vraiment dépendre de facteurs extérieurs même si le régime est aujourd’hui dans une dynamique de victoire sur le terrain et de consolidation de sa ligne de force ».

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