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Ukraine, Proche-Orient… La diplomatie européenne a-t-elle son mot à dire?

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(Crédit photo: Shutterstock.com)

JOL Press : Il y a eu beaucoup de cacophonie au sein des États européens concernant la crise ukrainienne. L’Union européenne a-t-elle les moyens de parler ?

François Lafond : Je ne sais pas si l’on peut utiliser le terme de cacophonie. Simplement, la position de départ d’un certain nombre de grands États européens était différente. 

Malgré ces différences, à la fois pour des raisons d’intérêts commerciaux, économiques ou d’histoire, l’Union européenne est arrivée à exprimer des positions assez communes, que ce soit il y a quelques semaines ou même auparavant, concernant la proposition de coopération avec lUE lors du Sommet de Vilnius en novembre 2013. L’Europe parlait d’une seule voix et proposait quelque chose qui était pris d’un commun accord entre les 28 États membres.

JOL Press : Dans cette aggravation de la crise suite au crash du vol MH17 abattu en Ukraine, la diplomatie européenne a-t-elle un rôle à jouer face à la Russie ?

François Lafond : Oui. La position européenne va de toute façon évoluer. Il est clair que le président russe a une attitude plutôt ambiguë depuis deux mois, c’est le moins que l’on puisse dire. Un certain nombre de certitudes autour des raisons de ce crash vont émerger dans les jours qui viennent et fragiliseront d’une certaine manière la position du président russe. Cela facilitera par conséquent le positionnement de l’Union européenne face à la Russie et à la situation en Ukraine, c’est évident.

JOL Press : Comment analysez-vous l’attitude de l’UE depuis le début de la crise entre Israël et le Hamas à Gaza ? Quelle attitude l’UE pourrait-elle adopter face à ce conflit ?

François Lafond : L’Union européenne n’a jamais eu un rôle primordial dans cette région. Ce sont jusqu’à présent plutôt les États-Unis qui ont joué un rôle de leader ou qui ont essayé en tout cas d’avoir un leadership sur la question du Proche-Orient.

Pour le moment, c’est vrai que la posture de l’Union européenne est plutôt discrète et je ne vois pas en quoi l’UE aurait beaucoup de choses supplémentaires, complémentaires ou différentes à dire des États-Unis, et en quoi nous serions capables d’apporter des solutions immédiates. C’est une position qui n’est pas forcément de force, mais qui n’est pas non plus de faiblesse.

L’après Ashton

JOL Press : La diplomatie européenne a-t-elle encore un poids sur la scène internationale ?

François Lafond : Elle est un peu dans une phase de transition, puisqu’elle essaie actuellement de trouver un ou une remplaçante à Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, après la fin de son mandat. Une nouvelle personnalité doit être trouvée et aura un rôle important à jouer. 

Malgré cette difficulté de passage, je crois que la diplomatie européenne, notamment avec la mise en place du service européen d’action extérieure, est en train de prendre sa place sur la scène internationale et d’élaborer une politique étrangère néanmoins longue à se mettre en place.

Il faut en effet que les États-nations acceptent de partager de plus en plus des « morceaux de souveraineté » face à des situations internationales pas toujours simples à interpréter et à comprendre, que ce soit au Proche-Orient ou à l’intérieur de nos frontières européennes.

JOL Press : On parle beaucoup de la succession de Catherine Ashton à la tête de l’UE. Quel bilan dressez-vous d’elle depuis son accession au poste en 2009 ? Qui serait à même de lui succéder ?

François Lafond : Concernant son bilan, Mme Ashton a été critiquée pendant longtemps, peut-être à cause de sa personnalité et de son absence d’expérience ministérielle, cela a pu jouer contre elle. Il y a eu récemment un ou deux succès à son actif, portant aussi bien sur la situation au Kosovo et en Serbie, que sur les négociations sur le nucléaire iranien par exemple.

Le deuxième élément à retenir de son bilan, c’est la mise en place du service européen d’action extérieure qui sera à son actif si son successeur aura la logique politique nécessaire pour faire en sorte que la diplomatie européenne prenne davantage de place dans l’espace international.

Je n’ai évidemment pas la réponse de la deuxième question : je sais qu’il y a un certain nombre de candidats à sa succession, et que cela évolue au cours du temps. Le président du Conseil italien a notamment souhaité remplacer Mme Ashton par Federica Mogherini, ministre des Affaires étrangères, mais cela a suscité un certain nombre d’oppositions.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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François Lafond est directeur d’EuropaNova, ONG de promotion du débat public et de lintérêt général européen. Il a été secrétaire général, membre du Directoire de l’Institut Aspen France (2012-13), directeur du bureau de Paris du German Marshall Fund of the United States (2008-2011), conseiller du Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères italien (2006-08), directeur adjoint de Policy Network à Londres (2003-06), chargé de mission puis Secrétaire général adjoint de Notre Europe à Paris, présidé par Jacques Delors (1999-2003), et chercheur au Centre Robert Schuman de l’Institut Universitaire Européen de Florence (1992-99).

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