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Comment sont surveillés les djihadistes français revenus de Syrie?

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(Photo : Oleg Zabielin/Shutterstock.com)

184 Français djihadistes revenus de Syrie seraient actuellement sur le territoire français. Sont-ils tous sous haute surveillance ?
 

Alain Rodier : Non. Ce n’est pas possible, techniquement parlant, de garder autant de monde sous surveillance 24H/24. En effet, pour ce faire, il faudrait une quarantaine de fonctionnaires de police ou de gendarmerie par suspect en permanence… Cela dit, tous ceux qui ont pu être identifiés sont convoqués et interrogés par les services spécialisés. Cet interrogatoire permet d’en savoir un peu plus sur leur parcours, leurs motivations et leur dangerosité. Si certains sont en infraction avec la loi, ils peuvent être déférés devant un juge d’instruction qui décide de la suite à donner.

Comment l’Etat français parvient-ils à garder ces personnes sous contrôle ?
 

Alain Rodier : Heureusement, toutes ces personnes ne représentent pas un risque pour la sécurité du pays. En effet, beaucoup sont rentrées désabusées de leur « aventure ». Elles ont été confrontées à la réalité du terrain et aux horreurs de la guerre civile. Beaucoup sont revenues sur leurs convictions. Il faut d’ailleurs prendre garde à ne pas stigmatiser tous ces individus. Cela ne ferait que les rejeter dans la clandestinité. Cela dit, les programmes de réinsertion, là où ils sont appliqués comme en Arabie saoudite, sont loin d’être fiables. 

184 sont connus des services de sécurité, mais est-il possible qu’ils soient en fait beaucoup plus nombreux ?
 

Alain Rodier : Le chiffre 184 ne comporte effectivement que les individus clairement identifiés. Il est probable qu’il y en ait d’autres non connus des services de police. Aucune estimation sérieuse ne peut être avancée car les statistiques ne prennent pas en compte les clandestins.

Les moyens déployés pour surveiller ces Français permettent-ils d’écarter un éventuel épisode Mohamed Merah ou Mehdi Nemmouche ?
 

Alain Rodier : Bien sûr que non. Mais, ce n’est pas pour cette raison qu’il faut baisser les bras. Nemmouche a pu être interpellé lors d’un contrôle de routine portant sur un autre sujet : le trafic de drogue. Les contrôles de ce type sont donc très utiles, même s’ils ne sont pas la panacée. C’est le cas du plan Vigipirate. Pour prendre une image, c’est un peu comme les gardes du corps. Si un attentat a lieu, il semble qu’ils ne servent à rien car la cible est généralement atteinte (et eux en premier). Par contre, aucune statistique ne peut dire combien d’attentats non pas été exécutés du fait de la présence dissuasive de ces mêmes gardes du corps.

D’autre part, la France bénéficie d’un maillage du territoire que beaucoup nous envient : la gendarmerie dans les campagnes, la police dans les villes et les douanes partout sur l’ensemble du pays. Bien sûr, toute défense peut être contournée mais la tâche n’est pas aussi facile que cela pour les aspirants terroristes. C’est moins le cas pour les bandes criminelles qui gèrent leurs différents trafics dont le plus rémunérateur est celui de la drogue. Cela dit, ces délinquants n’ont aucun intérêt à ce que des terroristes se mêlent à eux car cela pourrait gravement nuire à leurs affaires. En effet, la discrétion est leur gage de prospérité.

Si ces personnes sont si dangereuses, ne vaudrait-il pas mieux ne pas les laisser entrer sur le territoire français à leur retour ?
 

Alain Rodier : La France est une Démocratie et un État de droit. Le piège tendu par les terroristes serait de s’affranchir de ces conditions. Or, ces principes sont ceux que nous défendons et que les terroristes de tous poils veulent abattre. Gardons notre avantage moral. Je précise que leur vision de l’Islam est complètement dévoyée (quand elle est sincère, et c’est loin d’être le cas pour la majorité d’entre eux). En fait, ils se révoltent contre l’« autorité », qu’elle soit étatique ou religieuse. Les imams de l’Islam de France connaissent bien le problème. L’un m’a même déclaré : « ils veulent m’apprendre l’Islam alors qu’ils ne connaissent ni la langue arabe ni le Coran ».

Pour terminer sur une conclusion personnelle : ne stigmatisons personne et faisons preuve d’esprit de résilience. La bataille se gagnera sur le plan des idées mais il faut aussi faire preuve de courage. Enfin, pas de panique. Les terroristes cherchent à terroriser. Ne leur offrons pas ce plaisir.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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