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Sommet de l’Otan: la crise ukrainienne au menu des discussions

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Le sommet de l’Otan s’ouvre jeudi 4 septembre à Newport au Pays de Galles (Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : Quels sont les enjeux du sommet de l’Otan ? 
 

Jean-Pierre Maulny : Initialement, les discussions devaient notamment porter sur la stratégie en Afghanistan après le retrait des troupes de l’Otan fin 2014. La crise ukrainienne a bien évidemment modifié l’ordre du jour. Un des objectifs de cette réunion sera de marquer la réassurance de l’Otan pour les Etats membres de cette organisation qui se sentent menacés par la Russie : Etats baltes et Pologne.

Il sera demandé aux Etats membres de l’Alliance d’augmenter leur budget militaire. Un déploiement de troupes dans les pays d’Europe centrale pourrait aussi être annoncé. Cela marquerait le retour des Américains en Europe si ceux-ci décidaient de contribuer à ce renforcement. Ce serait un véritable bouleversement dans la mesure où les troupes américaines s’étaient retirées d’Europe à la fin de la Guerre froide. 

JOL Press : Concrètement, que peut l’Otan face à la Russie ?
 

Jean-Pierre Maulny : Lors de ce sommet de l’Otan, il s’agira de se préparer à un éventuel conflit – à mon avis très hypothétique – avec la Russie. Je pense que l’Alliance se contentera de dissuader Moscou de toute action militaire en direction des Etats membres de l’Otan en renforçant sa présence dans les pays Baltes et en Pologne. Pour le moment, les mesures prises contre la Russie se limitent aux sanctions économiques. 

JOL Press : Où en est l’Otan en matière d’intégration militaire ? 
 

Jean-Pierre Maulny : Sur ce plan, l’Otan est une organisation en perpétuelle évolution. Elle est principalement constituée de forces nationales et comporte peu de forces intégrées. Mais l’Otan cherche constamment à améliorer l’efficacité de ses opérations multinationales – le retour d’expérience de l’intervention en Afghanistan va beaucoup compter dans les années à venir. 

Lors de l’élaboration du concept stratégique de l’Otan en 2010, la question principale était : L’Alliance transatlantique doit-elle mener davantage d’opérations de maintien de la paix ? Ou bien l’organisation doit-elle se recentrer sur sa mission première, à savoir assurer la sécurité collective et porter assistance à un Etat membre en cas d’agression (voir l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord). Lors du sommet de l’Otan on assistera sans doute à une réaffirmation très forte de la prééminence de la mission de sécurité collective.

JOL Press : Le rôle que pourrait avoir l’Otan dans le cadre de la crise ukrainienne pourrait-il marquer un retour à ce qu’était le rôle de l’organisation pendant la Guerre froide ?
 

Jean-Pierre Maulny : C’est la question qu’on peut se poser, en effet. Il est sans doute trop tôt pour y répondre de manière catégorique. Toutefois, si on ne trouve pas de solution à la crise ukrainienne et si la situation continue de s’envenimer, il est évident que l’Otan retrouvera la posture qui était la sienne pendant la Guerre froide. Pour l’heure, c’est la logique qui prévaut.

JOL Press : Quels sont les rapports de force au sein de l’Otan ?
 

Jean-Pierre Maulny : Il faut garder à l’esprit que l’Otan est une organisation politique et militaire. D’un point de vue militaire, les Etats-Unis – qui représentent 60% des dépenses militaires de l’Otan – pèsent lourd au sein de l’Alliance. La réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Otan, en 2009, a marqué un retour en force de notre pays dans l’organisation militaire où nous jouons désormais un rôle équivalent à celui des Britanniques.

D’un point de vue politique, on observe actuellement des divergences stratégiques entre, d’une part les pays d’Europe du nord, d’Europe centrale, les Etats baltes et les Etats-Unis – qui souhaitent que l’Otan prenne une position très forte contre la Russie – et d’autre part, la France et l’Allemagne qui, tout en faisant pression sur Moscou, privilégient une solution diplomatique.

En outre, à chaque fois que l’Otan fait un pas en avant en matière d’intégration militaire, cela se fait au détriment de l’Europe de la défense. Cet effet de vases communicants est un peu contraire aux aspirations de la France qui souhaiterait voir l’Europe prendre plus d’autonomie mais également assumer mieux ses responsabilités.

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