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Au Liban, les réfugiés syriens n’ont rien pour affronter l’hiver

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Le Liban est le pays qui accueille le plus de réfugiés en provenance de Syrie. Quelle est la situation sur place ?
 

Violaine Gagnet : Actuellement, le Haut-commissariat aux réfugiés a décompté 1,3 million de réfugiés syriens au Liban, sans compter toute cette partie de la population qui n’a jamais été enregistrée.

Parce que leurs situations sont différentes, on distingue deux types de réfugiés. D’abord ceux qui sont arrivés depuis plusieurs années, puis ceux qui viennent tout juste d’entrer sur le territoire libanais.

Les réfugiés qui vivent au Liban depuis quelques temps arrivent désormais au terme de leurs ressources financières. Ils ont dépensé toutes les économies qu’ils avaient emportées avec eux et leur situation devient donc extrêmement compliquée car ils n’ont plus les moyens de payer leur logement et leur nourriture.

Les nouveaux réfugiés sont souvent des personnes qui ont fui très rapidement la Syrie. Ils n’ont rien pris avec eux et arrivent avec les seuls vêtements qu’ils portent, sans aucune économies. C’est un cas vraiment désespéré puisqu’ils n’ont même pas les moyens de trouver un logement et de quoi se nourrir.

Les Syriens, notamment les hommes, arrivaient jusqu’ici à trouver des emplois dans l’agriculture. Mais le Liban est un petit pays de 4 millions d’habitants et les réfugiés représentent donc un quart de cette population. Cette pression exerce une véritable tension dans la société entre les Libanais et les réfugiés et il devient de plus en plus difficile pour les Syriens de trouver un emploi et d’assurer leurs besoins de base.

L’hiver arrive et vous vous inquiétez car les réfugiés n’ont pas les moyens d’affronter cette rude saison. Quelles sont vos prédictions ?
 

Violaine Gagnet : Comme l’année dernière et l’année précédente, les hivers sont extrêmement rigoureux dans cette région entre mer et montagnes. Nous savons donc que cette situation sera difficile. Les ressources financières des populations sont très limitées et de nombreuses personnes n’ont pas les moyens d’acheter des vêtements chauds ou tout ce qui pourrait permettre de réchauffer leur logement.

Certains vivent sous des tentes, d’autres dans des appartements insalubres. Ils sont nombreux à vivre dans des pièces d’à peine 10m² sans fenêtre, où ils s’entassent à 6 ou 7. Ces personnes n’ont même pas les moyens de s’acheter ne serait-ce que du carton pour s’isoler du froid et encore moins des moyens de chauffage.

Il y a également au Liban un gros problème d’accès à l’eau ou à l’électricité. Ce problème existait déjà au Liban, un pays peu développé, mais l’afflux de réfugiés sur le territoire a largement amplifié cette complication. L’hiver s’annonce donc extrêmement dur pour les populations syriennes.

L’appel de fonds lancé par les Nations unies, d’un montant de 5 milliards de dollars, n’a été financé qu’à moitié. Comment expliquez-vous cette situation ?
 

Violaine Gagnet : En raison de la crise économique mondiale, nous observons une diminution de tous les financements des bailleurs de fonds. Même pour la crise syrienne, pourtant considérée comme une priorité puisqu’il s’agit de la plus importante crise humanitaire depuis plus de vingt ans, les financements ont baissés.

Cette année, nous n’avons financé qu’à 50% le plan des Nations Unies. L’année dernière, ce dernier l’avait été à 70%. Les conséquences pour les populations sont une aide beaucoup plus limitée où les critères de sélection des bénéficiaires vont devoir être encore plus réduits. Nous allons donc agir en priorité pour les plus vulnérables des plus vulnérables quand toute une partie de la population n’aura rien, ou très peu.

Un exemple assez flagrant que nous observons au Liban est que certaines familles diminuent leurs repas à un par jour pour pouvoir garder un peu d’argent pour les jours à venir. Les ONG n’ont même plus les moyens d’apporter une aide alimentaire.

Pensez-vous qu’il y a un manque de mobilisation internationale ?
 

Violaine Gagnet : Il n’y a pas assez d’argent, que ce soit au Liban, en Syrie ou dans les autres pays limitrophes qui accueillent également des réfugiés comme en Turquie ou en Jordanie. Nous avons un grand problème de financement.

Des moyens supplémentaires sur la réponse à cette crise pourraient être débloqués. Les difficultés liées à l’hiver sont prévisibles et devraient être anticipées. Nous savons ce qu’il faut faire mais nous n’avons pas les financements supplémentaires pour, au moins, offrir les conditions minimales aux réfugiés pour vivre et survivre dans les mois à venir.

Cette situation n’est pas spécifique au Liban. Que se passe-t-il dans les autres pays qui accueillent également des réfugiés syriens ?
 

Violaine Gagnet : Qu’il s’agisse des conditions de vie ou des besoins des populations, les situations sont similaires au Liban, en Jordanie ou en Turquie.

Le manque de suivi psycho-social est également un problème commun à tous ces pays. Toutes les personnes qui ont vécu des traumatismes en Syrie ou lors de leur fuite, arrivent avec un besoin de parler et d’exprimer ce qu’ils ont vécu. Si cela n’est pas pris en charge, ces personnes gardent en eux une certaine violence qui se répercute car lorsque l’on vit quelque chose de très difficile, on est souvent poussé à le reproduire.

Au Liban, contrairement à la Jordanie ou à la Turquie, il n’y a pas de camp de réfugiés officiel. Or ces camps organisés permettent de mieux cibler la population et de faciliter la distribution d’aide. Les personnes sont alors dispersées dans le pays et c’est une source de difficultés pour les humanitaires qui auront du mal à identifier les réfugiés pour leur apporter de l’aide.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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