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Etat Islamique: l’intervention au sol des Occidentaux est-elle inévitable?

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(Photo : Michael Wick/Shutterstock.com)

Quel bilan peut-on tirer des opérations aériennes menées par la coalition internationale contre l’Etat Islamique ? Peut-on déjà parler de succès ?
 

Général Vincent Desportes : Le bilan est positif. La poussée de Daesh a été arrêtée et il semble même qu’aujourd’hui, la combinaison des frappes aériennes et des attaques au sol menées par l’armée irakienne, les forces syriennes et les Peshmergas ait permis de faire reculer l’Etat Islamique à certains endroits, et en particulier à Kobané.

L’armée irakienne, les soldats syriens et les Peshmergas kurdes sont-ils aujourd’hui assez aguerris pour combattre l’Etat Islamique ?
 

Général Vincent Desportes : Il est très difficile d’émettre un jugement pour le moment. Le dernier combat frontal entre l’armée irakienne et les forces de Daesh, il y a quelques mois, a révélé les grandes faiblesses de l’armée irakienne. Or aujourd’hui, quelques succès sont à souligner. Toutefois, il est beaucoup trop tôt pour juger de manière définitive. C’est pour cela que la décision américaine d’envoyer 1 500 formateurs supplémentaires est essentielle.

Il serait très imprudent de parier désormais sur un retournement de situation. On dit que la guerre a des hauts et des bas, que les succès succèdent aux échecs, et réciproquement. Nous sommes actuellement dans une phase d’arrêt de Daesh. Mais l’Etat Islamique se renforcera sûrement, des djihadistes venant des pays occidentaux et d’ailleurs viendront sans doute renforcer leurs rangs, et il pourra repartir à l’attaque.

La solution à la victoire contre l’Etat Islamique passe-t-elle alors forcément par une intervention au sol des forces occidentales ?
 

Général Vincent Desportes : Je crois que non dans la mesure où aucun Etat occidental n’est en mesure de déployer des troupes au sol de manière sérieuse. Par manque de moyens ou par manque de volonté politique.

Les seules armées capables de remplir ce type de missions en Europe sont les Français et les Britanniques. Or les Britanniques n’ont plus d’armée, car celle-ci est trop usée à la suite de ses engagements en Irak et en Afghanistan, quant à l’armée française, elle est sur-déployée sur de multiples théâtres et est incapable de placer des contingents ailleurs.

Les Américains auraient évidemment la capacité de déployer quelques centaines de milliers d’hommes sur place, mais ils ne le feront pas car le président Obama n’a pas la solidité politique qui lui permette de le faire. D’autre part, les Américains n’ont globalement pas la volonté d’être réengagés dans des combats meurtriers.

Le ticket de sortie passe donc évidemment, et uniquement, par une reconquête au sol des contingents locaux.

La fin de cette guerre passe également par le retournement des tribus sunnites. L’armée irakienne est majoritairement chiite et ce conflit ressemble de très près à une opposition frontale entre une armée chiite et une armée sunnite. Tant que les tribus sunnites dans lesquelles  est installé l’Etat Islamique ne se soulèveront pas, il sera très difficile de remporter cette bataille.

C’est une mission du gouvernement irakien…
 

Général Vincent Desportes : Le gouvernement irakien s’y attèle actuellement. Il prend des mesures fortes, qui passent notamment par l’exclusion d’un certain nombre de généraux qui étaient des protégés de son prédécesseur, Nouri al-Maliki, de manière à envoyer des signes aux tribus sunnites pour que celles-ci prennent bien conscience que le pouvoir à Bagdad est désormais un pouvoir irakien et non pas un pouvoir chiite. 

Le retournement des tribus sunnites et l’envoi de formateurs pour les armées locales sont donc deux aspects fondamentaux de la solution contre l’Etat Islamique ?
 

Général Vincent Desportes : Il faut des conseillers, des formateurs sur place de manière à former les troupes et améliorer la coordination des combats au sol conduits par les contingents locaux et les frappes aériennes menées par la coalition.

La formation d’une armée peut-elle se faire rapidement ?
 

Général Vincent Desportes : Faire une armée prend vingt ans. Cependant, on ne part pas de rien en Irak et les délais envisagés par l’armée américaine sont d’ailleurs de 6 à 9 mois, minimum.

Cela fait  près de 8 ans que l’armée américaine forme l’armée irakienne, or au premier combat ils ont fui. Cette situation est comparable à celle du Mali. L’Union européenne a envoyé une mission, l’EUTM, pour former l’armée malienne, créer des bataillons etc. Le premier combat qui les a opposés aux séparatistes touaregs a vu leur déroute.

Former une armée prend du temps. D’autre part, une armée n’existe que par la foi qu’elle a dans la cause qu’elle défend. Il faut donc un attachement à la nation et cela est extrêmement long. S’il est très rapide de casser une armée, il est très long d’en refaire une.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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