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La fin des frappes de la coalition arabe au Yémen, résultat d’un ensemble d’alliances et de risques complexes.

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L’opération avait été lancée le 26 mars dernier. Les frappes aériennes visaient à endiguer la progression des miliciens Houthis (chiites) au Yémen. Mission accomplie, clame aujourd’hui l’Arabie Saoudite. Les hostilités ne sont pas terminées pour autant, et des combats se poursuivent toujours au sud du pays entre les rebelles et les partisans du président en exil, Abd Rabbo Mansour Hadi. « La coalition continuera d’empêcher les miliciens Houthis de se déplacer ou d’entreprendre des opérations à l’intérieur du Yémen », prévient le porte-parole de l’armée saoudienne, le général Ahmed Asseri.

Selon Al jazeera, le ministère de la Défense a assuré que les armes lourdes et les missiles balistiques appartenant aux Houthis avaient tous été détruits, et que les rebelles ne constituaient plus une menace sur les pays voisins du Yémen. Depuis son exil à Ryad, le président Hadi s’est félicité de ce succès. « Je voudrais, en mon nom et au nom du peuple yéménite, adresser des remerciements sincères aux frères arabes et musulmans et à nos partenaires de la coalition qui ont soutenu notre légitimité. »

L’annonce de l’arrêt de la campagne aérienne de la coalition a été saluée par Washington. De même, l’ancien président yéménite, Ali Abdallah Saleh, allié des rebelles, s’est félicité mercredi de la fin de ces raids. L’Iran, accusé depuis le début par Ryad de soutenir militairement les rebelles ce qu’il dément, a accueilli favorablement cette annonce, estimant que c’était un « pas en avant » vers une résolution politique du conflit. La diplomatie l’aurait-elle donc emporté?

Ce qui est certain, c’est que les tractations vont bon train au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – il regroupe les six monarchies arabes de la région (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar). Dans les cercles diplomatiques, certains parlent déjà du président yéménite, Hadi, au passé. L’investiture de son premier ministre, Khaled Bahah, au poste de vice-président, dimanche 12 avril à l’ambassade du Yémen à Riyad, est un signal en ce sens. Certains voient dans cette nomination le signe que Riyad considère désormais le président Hadi comme faisant partie du problème plus que de la solution politique.

Un autre motif pourrait bien avoir justifié ce volte-face, alors même que, lorsque le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, avait appelé lundi à un cessez-le-feu immédiat, le représentant saoudien Abdallah al-Mouallimi lui avait opposé une fin de non-recevoir. Les frappes laissent un pays au bord de la crise humanitaire. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en garde contre un effondrement imminent des systèmes de santé et de soins au Yémen. Ces derniers «font face à des pénuries de plus en plus grandes de médicaments qui sauvent des vies, à des interruptions fréquentes des générateurs» et au manque d’électricité

En outre, le conflit semble avoir largement bénéficié au groupe Al-Qaïda en péninsule Arabique (AQPA). En s’attaquant aux Houthis, principaux adversaires d’Al-Qaïda sur le terrain, la pétromonarchie a laissé les mains libres à la nébuleuse djihadiste pour accentuer son emprise sur l’est du Yémen. La division des forces armées entre unités fidèles au président Hadi et celles restées loyales à son prédécesseur, Ali Abdallah Saleh, allié aux houthistes, facilite la progression fondamentaliste. L’organisation djihadiste et son auxiliaire, Ansar Al-Charia, aidées par les tribus sunnites locales, se sont emparées sans résistance du chef-lieu de la province du Hadramaout – Moukalla, cinquième ville du pays – ainsi que de son terminal pétrolier, son aéroport et sa base militaire.

En 2012, AQPA avait échoué à garder le contrôle de régions conquises dans le sud-est du Yémen face à l’offensive de l’armée aidée des tribus locales qui s’étaient retournées contre elle. L’organisation djihadiste sunnite a profité de la confessionnalisation du conflit avec les Houthistes chiites pour rallier de nouveau des soutiens au sein des tribus sunnites locales. Un épouvantail chiite place de facto la pétromonarchie et l’organisation terroriste dans le même camp, alors qu’ils se livrent une lutte sans merci depuis plus d’une décennie. Ce jeu dangereux n’est pas pour plaire au plus grand allié de la pétromonarchie, Washington. Contraints d’apporter leur feu vert à l’initiative saoudienne (ils apportent un soutien logistique, NDLR), les États-Unis ne comptent pas poursuivre seuls leur combat contre Al-Qaïda au Yémen.

 

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