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La crise politique au Liban s’enlise

Du jamais vu depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Depuis que le mandat de Michel Sleimane a expiré, il y a tout juste un an, les députés libanais ne sont pas parvenus à désigner un nouveau chef d’Etat. A vingt-trois reprises, le Parlement a tenté de réunir le quorum nécessaire pour son élection, sans succès. D’après la Constitution, le président doit être élu par deux tiers du parlement, qui compte 128 sièges, au premier tour et par une majorité simple les tours suivants. Sans cela, c’est le gouvernement qui dirige le pays. Dans l’hémicycle du Parlement le même scénario se répète depuis un an : les députés attendent qu’on annonce le report de la séance d’élection du président, dans une résignation qui agace la population.

Si depuis la fin de la guerre civile, la communauté chrétienne autrefois toute-puissante, a été sensiblement affaiblie, son poste reste toutefois important dans le difficile partage du pouvoir dans le pays multiconfessionnel. En effet, traditionnellement, le chef de l’Etat libanais doit être un chrétien maronite selon le système confessionnel en place, cas unique dans le monde arabe. Profondément divisés entre partisans et opposants au régime en Syrie – le pays est notamment directement impliqué dans la crise voisine, où le Hezbollah libanais combat aux côtés des forces du président Bachar Al-Assad – les députés ne parviennent pas à se mettre d’accord. Le Liban est divisé entre la coalition menée par le puissant Hezbollah chiite, soutenue par Damas et Téhéran, et celle de l’ex-Premier ministre sunnite Saad Hariri, appuyée par Washington et Ryad.

Le Hezbollah et du Mouvement Patriotique Libre du député Michel Aoun, aussi appelés le camp du 8-Mars, boycottent toute autre formation que celle de son candidat au poste de président. La coalition du 14-Mars, elle dirigée par l’ex-premier ministre sunnite Saad Hariri, défend la candidature de Samir Geagea, le leader des Forces libanaises. Tant que le dialogue ne sera pas ouvert pour atteindre un compromis, la situation ne pourra avancer au Liban, car il sera également impossible de tenir élections parlementaires afin de réorganiser la répartition des députés – pour ce faire il faudrait qu’ils se mettent d’accord sur les modalités de ces nouvelles élections, chantier aussi clivant que le choix d’un président.

Les députés libanais ont décidé, mercredi 5 novembre 2014, de proroger une nouvelle fois leur mandat en raison de cette paralysie. Un premier délai avait été voté le 31 mai 2013, prolongeant le mandat des députés jusqu’au 20 novembre 2014. Bénéficiant d’un mandat de quatre ans, l’actuelle législature aurait dû se terminer le 20 juin 2013. Les députés n’ont pas pour autant réussi a trouver un point d’accord, et ils continuent à se réunir pour brasser de l’air et à toucher leur salaire, au grand dam de la société civile. Ce blocage de deux des trois organes institutionnels centraux laisse le gouvernement seul aux manettes. Mais le vide présidentiel affecte directement l’action de ce dernier, car toutes les décisions doivent être approuvées à l’unanimité par les 24 ministres. Celui-ci, réunissant des ministres des deux bords, peine à surmonter les clivages et à faire passer les projets de loi, les nominations et les budgets.

« Le vide au sommet de l’Etat a miné la capacité du Liban à relever les défis sécuritaires, économiques et sociaux croissants que connaît le pays, s’est inquiété lundi 25 mai le Bureau du coordinateur spécial des Nations unies pour le Liban. Il a contribué à la polarisation politique du pays à un moment où le Liban doit faire un effort pour préserver le pays de l’impact de la crise syrienne. »

Depuis le retrait des troupes syriennes du territoire libanais en 2005, la population, n’a pas été capable d’organiser une vraie présidentielle ou de se choisir un candidat consensuel. Après le départ d’Emile Lahoud, en 2007, le pays était resté 184 jours sans président. Il a fallu une médiation du Qatar pour mettre fin à de sanglants affrontements confessionnels et élire M. Sleimane. Au terme du mandat d’Amine Gemayel, il avait fallu 408 jours pour désigner un nouveau chef de l’Etat. « Il est honteux de constater que nous n’avons pas atteint l’âge adulte », confessait à l’AFP Dory Chamoun, député de la coalition dirigée par M. Hariri. « Nous avons encore besoin d’une intervention extérieure pour nous rappeler nos devoirs. » Tandis qu’Ayyoub Hmayed, du camp rival, déplorait  « Il est triste de constater que nous attendons le mot d’ordre de l’étranger, mais l’étranger est occupé ailleurs. »

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