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Nouvelles fuites Wikileaks sur l’Arabie saoudite

Inutile de pésenter Wikileaks, site web créé par l’impétueux et sulfureux Julian Assange  publiant des documents pour la plupart confidentiels et se voulant une plateforme se basant sur la liberté d’expression et la libre circulation de l’information. Au travers l’opération « Saudi cables », Wikileaks a publié vendredi 19 juin 60.000 documents diplomatiques qui proviennent de l’Arabie Saoudite. Le site annonce que plus de 400.000 câbles supplémentaires devraient être révélés dans les prochains jours. Ces mémos en arabe, s’étalant sur plusieurs années, présentés comme des communications confidentielles authentiques de la diplomatie saoudienne à travers le monde.

Ces documents montrent les dessous pas très honorables de la politique internationale de la  pétromonarchie wahhabite, qui règne en maître sur la sphère sunnite du monde arabe. « Saudi Cables a mis en lumière une dictature qui devient de plus en plus imprévisible. Cette année, elle a non seulement célébré sa 100e décapitation, elle est aussi devenue une menace pour ses voisins ainsi que pour elle-même », a indiqué Julian Assange, réfugié dans l’ambassade d’Équateur à Londres depuis exactement trois ans, dans un communiqué de presse rendu public vendredi. D’autres câbles traitent des questions régionales (Yémen) et des défis posés par le printemps arabe, qui a affolé Riyad. On apprend par exemple que l’Arabie saoudite a tenté de négocier avec les Frères musulmans d’Égypte la liberté de l’ancien président Hosni Moubarak contre la somme de 10 milliards de dollars.

Des révélations de taille intéressent la Tunisie dans ce flot d’informations confidentielles. Ainsi, une correspondance datant de 2012, du temps  du gouvernement de Hamadi Jebali, indique que l’Arabie Saoudite avait contacté ce même gouvernement dans le but de réconcilier l’ancien président de la République, Zine El Abidine Ben Ali, avec l’Etat tunisien. On apprend que le président déchu avait informé les autorités saoudiennes que le gouvernement de l’époque pensait à trouver une solution avec le parti de Ben Ali, en l’occurrence le RCD, et d’ouvrir un dialogue avec lui.

Un autre document fuité, des plus compromettants, montre que l’ambassadeur de Tunisie au Bahreïn avait présenté à son homologue saoudien, des documents faisant état de la découverte d’un champ pétrolier, alors que les autorités tunisiennes n’avaient pas encore annoncé officiellement son existence. Classé secret, le câble révèle que le diplomate tunisien savait pertinemment que les données et les chiffres du rapport étaient strictement confidentiels – ce qui revient en clair à un diplomate qui divulgue des informations classées secrètes par son pays. On apprend aussi que le ministère saoudien, grâce à ses moyens financiers, fait en sorte de s’assurer de l’allégeance des médias internationaux, en versant des sommes d’argent consacrés aux abonnements dans plusieurs journaux. Le moyen de pression : pas de renouvellement des abonnements si les publications portent atteinte à l’Arabie Saoudite. Une sorte de chantage, qui obligerait les journaux à retourner la faveur et qui garantit une presse complaisante, ou du moins, neutre, servant dans tous les cas les intérêts du royaume wahhabite.

Ces révélations ont été réalisées avec le concours du quotidien libanais Al-Akhbar, l’un des organes de la presse arabe les plus hostiles à la monarchie saoudienne. L’ensemble donne un aperçu de la manière dont Riyad s’est acheté un réseau d’obligés au pays du Cèdre. Le royaume saoudien sait se montrer généreux avec ceux qui défendent ses intérêts. On apprend par exemple que Samir Geagea, un ténor de la droite chrétienne, a sollicité les faveurs sonnantes et trébuchantes du royaume en 2012. Selon les « Saudi Cables », trois autres responsables politiques libanais, tous chrétiens, de droite, et membres de la coalition dite du 14-Mars, opposée à Damas et Téhéran, se sont livrés à des démarches similaires, en vue des législatives de 2013, entre-temps reportées à 2017 : Elias Murr, un ex-ministre de l’intérieur, propriétaire du quotidien Al-Joumhouria ; l’avocat Boutros Harb, candidat malheureux à la présidence de la République ; et Dory Chamoun, le président du Parti national libéral.

Pour limiter l’écho et prévenir les dommages que pourraient produire ces révélations, les autorités saoudiennes ont mis en garde, samedi, contre la diffusion de « documents qui pourraient être des faux ». L’avertissement a été diffusé par le ministère des Affaires étrangères sur son compte Twitter. Dans un communiqué diffusé dimanche, le porte-parole du ministère, Ossama Naqli, prévient que l’Arabie saoudite « ne permettra pas aux ennemis de l’État (…) de partager ou publier » les documents, dont « beaucoup ont été fabriqués de manière très grossière ». Sur place, une enquête a été ouverte et le ministère a prévenu qu’il engagera des poursuites contre les personnes impliquées dans cette fuite.

 

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