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Négociations politiques en Belgique : « Le feuilleton de l’été »

By Hans Verreyt - Wikiportret.nl, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=35263251

Un vent brun souffle sur le nord de la Belgique alors qu’une vague rouge et verte déferle dans le sud. Les élections fédérales et régionales du 26 mai ont totalement chamboulé le paysage politique belge. L’extrême droite domine la Flandre quand l’extrême gauche et le parti écologiste progressent dans les régions francophones. L’addition de ces résultats ne facilite pas les coalitions entre partis et les négociations risquent de prendre du temps.

Aux élections régionales, la Flandre a fait le choix de l’autonomie. La Nieuw-Vlaamse Alliantie, parti indépendantiste flamand, devance Vlaams Belang, arrivé en deuxième position avec 18,5 % des voix. Le parti d’extrême droite Vlaams Belang enregistre son deuxième meilleur score depuis 2003. Ce sont donc deux partis indépendantistes qui arrivent en tête dans la région flamande.

Si la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) est en perte de vitesse, elle reste le plus grand parti belge. « La N-VA n’est pas un parti d’extrême droite. C’est un parti démocratique mais qui est indépendantiste, explique Régis Dandoy, politologue et chercheur à l’université de Gand. Vlaams Belang est non seulement d’extrême droite, mais aussi sécessionniste. Aujourd’hui, les deux plus grands partis belges souhaitent l’indépendance de la Flandre. »

Alors que la droite indépendante est la première force en Flandre, l’extrême gauche et les écologistes triomphent dans la région francophone. A Bruxelles, le parti écologiste Ecolo recueille 19,1% des voix, se plaçant en deuxième position derrière le Parti Socialiste. L’extrême gauche, le Parti du travail de Belgique (PTB), arrive quatrième en Wallonie et cinquième à Bruxelles, passant de deux à douze sièges au parlement fédéral. Pour la première fois de son histoire, la formation est représentée dans toutes les régions du pays.

Perte de confiance des électeurs

Le succès de l’extrême droite en Flandre et de l’extrême gauche dans les régions francophones bouleverse le paysage politique belge. Cette fragmentation est due à une perte de confiance des électeurs face aux partis « classiques ».

« Depuis vingt ou trente ans, le vote se déplace vers des partis alternatifs.»

Régis Dandoy, politologue

Trois formations traditionnelles belges du côté francophone se partagent le pouvoir depuis 150 ans : le Mouvement réformateur (MR), de droite et centre droit, le Parti socialiste (PS), parti social-démocrate et le Centre démocrate humaniste (Cdh), parti centriste. « Depuis vingt ou trente ans, le vote se déplace vers des partis alternatifs, le parti écologiste entre autres, explique le politologue. Toute la vague de mobilisation pour le climat a favorisé le parti vert et les électeurs ont décidé de donner leur chance à d’autres partis. »

L’émergence des partis alternatifs ne facilite pas les coalitions. Vlaams Belang et le PTB ne feront pas parti du jeu des alliances en raison du « cordon sanitaire » : par choix éthique, les partis politiques belges (les partis traditionnels comme le MR, PS ou Cdh ndlr) ont décidé de ne jamais s’allier avec un parti d’extrême droite. « Jusqu’à présent le cordon sanitaire ne s’appliquait qu’à l’extrême droite mais en 2019, pour la première fois, on a un parti d’extrême gauche qui est très puissant, précise Régis Dandoy. Il obtient 12 sièges, ce qui n’est pas négligeable. C’est plus que certains partis traditionnels. »

Depuis le début des négociations, plusieurs formations politiques ont déclaré refuser de gouverner avec le PTB et Vlaams Belang, élargissant ainsi le cordon sanitaire à un parti d’extrême gauche. « Il y a déjà deux partis qui ne font pas partie du calcul. A eux deux, ils représentent un cinquième des sièges. Cela devient très compliqué de former des coalitions. »

Des solutions contre la crise politique

Six ou sept partis devront s’allier pour obtenir une majorité absolue au parlement. « Trouver un accord et un programme de gouvernement prend beaucoup de temps. On est peut être parti de nouveau pour une nouvelle saison avec plein d’épisodes, un feuillons de l’été, voir de l’année, en Belgique pour former un gouvernement fédéral. »

En 2010 et 2011, la Belgique est restée 541 jours avec un gouvernement d’affaires courantes, faute d’accord. Ce scénario est improbable en 2019 car les mouvements politiques ne veulent pas se retrouver dans la même situation.

Créer plus de dialogue entre les groupes linguistiques, partis flamands et francophones

Pour mettre fin au casse-tête, des solutions existent. « L’une d’entre elles serait de créer un gouvernement d’union nationale qui décide de se former rapidement et de gérer les problèmes au moment où ils viennent », explique le politologue.

L’autre solution est de créer plus de dialogue entre les groupes linguistiques, partis flamands et francophones. « Ils ne discutent quasiment jamais ensemble et donc ne se connaissent pas, explique Régis Dandoy. Il faudrait changer un peu le système. Par exemple, créer des lieux de rencontres institutionnalisés où ces partis pourraient se rencontrer. Ils ne seraient plus des étrangers au moment des négociations. »

Crédit photo : By Hans Verreyt – Wikiportret.nl, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=35263251

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