Site icon La Revue Internationale

Rapprochement indo-russe

Inde, RussieInde, Russie

Alors que le bloc occidental boycotte la Russie, il n’en est rien de l’Inde, qui compte bien profiter de la situation d’urgence dans laquelle se trouve la Russie. Moscou offre également de nouvelles débouchées pour les produits indiens. 

Dépendance au pétrole russe

Bien que la guerre en Ukraine soit jugée « déplorable » par l’Inde, celle-ci ne peut se permettre de renoncer au pétrole russe. New Delhi s’est même approprié les parts de l’Europe, en passant de 1 % à 18 % des exportations de pétrole russe, compensant la baisse des ventes à l’Union européenne. 

New Delhi jugerait même l’occident en partie responsable de ses difficultés actuelles. « Les sanctions sont responsables de l’inflation mondiale et affectent aussi l’Inde, estime Kanwal Sibal, ancien secrétaire aux affaires étrangères puis ambassadeur en Russie. Nous importons 85 % de nos énergies fossiles. Nous ne pouvons nous permettre de payer 120 dollars le baril ». L’Inde est d’ailleurs en discussions avec Moscou pour déterminer le prix du baril de brut, qui devrait s’établir à environ 70 dollars, selon plusieurs sources.

« Derrière une indignation de façade, l’Europe et les USA comprennent notre position », assure P. S. Raghavan, ancien ambassadeur en Russie puis conseiller à la sécurité nationale. Car « si nous arrêtons d’acheter le pétrole russe, les pays du Golfe feront monter encore les prix ».

Partenaire commercial 

Outre des exportations de pétrole accrues, les sanctions occidentales offrent également à l’Inde l’occasion de s’implanter sur le marché russe« À la suite des sanctions occidentales, le marché russe souffre de pénuries, explique Biswajit Dar, spécialiste du commerce mondial à l’université JNU de New Delhi. Or l’Inde dispose d’un secteur manufacturier très divers. Elle pourrait en particulier pallier le manque dans le secteur des médicaments mais aussi des équipements électroniques et du textile. »

Les sanctions ont également contribué au développement du corridor reliant l’Inde à la Russie. « L’Inde, la Russie, l’Iran et d’autres pays discutent de longue date d’un corridor Nord-Sud pour expédier des marchandises russes vers l’Inde », et la « guerre en Ukraine a indéniablement contribué à accélérer le projet », estime Nandan Unnikrishnan, de l’Observer Research Foundation.

« En réalité, un grand nombre de secteurs russes ne sont pas couverts par les sanctions, comme le blé. Mais le problème est que l’Europe a fermé son espace maritime aux cargos russes », précise P. S. Raghavan.

Partenaire stratégique 

La relation qui allie Moscou à New Delhi est commerciale, mais surtout militaire. « Sur les dix dernières années, 19 contrats ont été passés entre l’Inde et la Russie dans le secteur de la défense, avec production sur le sol indien et transfert de technologie, en accord avec l’ambition d’autonomie industrielle affichée par le gouvernement Modi », explique Biswajit Dar.

« Depuis l’URSS, la Russie a été une alliée sur le nucléaire indien et la sécurisation de nos frontières avec l’Asie centrale et la Chine », rappelle P. S. Raghavan. Or, « si l’Inde s’aligne sur les sanctions occidentales, nous allons pousser la Russie dans les bras de la Chine. Tout le monde y serait perdant ».

L’occident devrait « sortir de la mentalité selon laquelle ses problèmes sont les problèmes du monde », résume le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar. « Nous avons fait un calcul pragmatique de nos intérêts entre s’aligner avec les USA ou maintenir nos relations avec la Russie. Il est faux de dire que l’Inde bénéficie de cette crise, mais elle tente de s’y adapter », conclut Kanwal Sibal.

Quitter la version mobile