Site icon La Revue Internationale

La Turquie change de nom à l’international

TurquieTurquie

Suite à la demande déposée en janvier par le président turc Recep Tayyip Erdogan, l’ONU a accepté le changement international du nom de la Turquie. Celle-ci sera désormais appelée selon son nom turc «Türkiye », et plus d’après son nom anglais « Turkey », qui veut également dire dinde. 

Manoeuvre politique 

Türkiye « représente et exprime au mieux la culture, la civilisation et les valeurs de la nation turque », s’est expliqué Erdogan début juin pour justifier son souhait que la Turquie « porte ce nom à l’international ».

Mais cette rebaptisation est avant tout une manœuvre politique, pour redorer l’image de la Turquie à l’international, et surtout pour redorer celle du président au sein même de son pays. « La question n’est pas linguistique, mais politique. Il s’agit pour la Turquie d’imposer sa façon de se définir et de se nommer », estime Bayram Balci, directeur de l’Institut français d’études anatoliennes (Ifea).

« Depuis que le parti d’Erdogan a formé une coalition avec le MHP, il affiche une posture plus nationaliste qui s’exprime dans tous les domaines, y compris l’industrie et l’armement. Cette rectification de nom à l’international s’inscrit dans cette même tendance », ajoute Sonel Bosnali, professeur de turc à l’université Nazarbaïev, au Kazakhstan. 

Erdogan cherche ainsi à faire oublier que « la livre turque est en chute libre. La population peine à joindre les deux bouts (…) Pour la première fois en quinze ans, l’AKP est passé en dessous des 30 % dans les sondages d’opinion », comme le rappelle le journal turc Cumhuriyet.

« Certains peuvent trouver ce changement de nom idiot, mais cela place Erdogan dans le rôle du protecteur et de la sauvegarde du respect international à l’égard du pays », analyse Mustafa Aksakal, professeur d’histoire à l’université Georgetown de Washington.

Désordre linguistique

Mais ce mot, qui « exprime au mieux la culture, la civilisation et les valeurs de la nation turque » selon Erdogan, ne la représente pas si bien que cela. En effet, « le paradoxe, c’est que d’un point de vue étymologique, le mot Türkiye n’est pas turc ! , explique Sonel Bosnali. C’est à l’issue du démantèlement de l’Empire ottoman, en 1923, que le mot Türkiye, autrefois utilisé pour désigner l’aire géographique où se trouve la Turquie actuelle, devint l’appellation officielle du pays ». Le linguiste rappelle également que la langue turque est le résultat d’un immense brassage et qu’ « aujourd’hui le turc est pétri de mots d’origine française, grecque, arménienne, caucasienne ou encore russe, sans que personne ne s’en émeuve ».

« C’est une initiative d’amour-propre qui risque de créer quelques complications plus qu’une clarification », estime pour sa part Michel Bozdémir, professeur de turc à l’Inalco. « Sur le plan phonétique, tous les pays ont-ils l’usage du tréma sur le “u” ? Si l’on ne respecte pas l’orthographe turque, on risque d’avoir la déformation disgracieuse en turc de Turkiye », prévient le linguiste.

C’est d’ailleurs le mot anglais turkey qui vient du mot turc, et non l’inverse, les anglophones n’ayant bien sûr pas voulu traiter la Turquie de dinde. C’est « une histoire rocambolesque ! », s’esclaffe Michel Bozdémir, trop heureux de pouvoir rétablir cette vérité historique : « La patrie de la dinde est l’Amérique précolombienne, mais les conquistadors espagnols appelèrent la bestiole “poule d’Inde”, parce qu’ils pensaient découvrir les Indes qu’ils cherchaient en traversant l’Atlantique… Alors que les Américains et les Anglais l’appellent « poule de Turquie », la confondant avec la pintade venue de Turquie en Europe ». Voilà tout !

Quitter la version mobile