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La guerre des églises fait rage en Ukraine

Depuis le début de la guerre, les églises orthodoxes affiliées aux patriarcats de Moscou et de Kyiv se livrent à une guère d’influence en Ukraine, l’une pour conserver ses fidèles, l’autre pour les faire venir en son sein. 

Politisation du conflit

Cette guerre d’influence pourrait prochainement prendre une nouvelle dimension, suite à la décision de Volodymyr Zelensky de « rendre impossibles  les activités en Ukraine des organisations religieuses affiliées aux centres d’influence en Russie  ». Une politisation dangereuse, selon l’archiprêtre Mikolaï Danilevych, chef adjoint du département des relations extérieures de l’Église orthodoxe ukrainienne, affiliée au patriarcat de Moscou.

« Nous faisons partie du peuple ukrainien et nous rejetons les accusations de trahison lancées contre nous, explique le religieux. Les services secrets ukrainiens ont perquisitionné nos églises et nos monastères, mais qu’ont-ils trouvé ? Est-il interdit de lire des livres écrits en russe ? Les attaques que nous subissons divisent la société et donnent des arguments au président russe pour affirmer qu’il défend les orthodoxes d’Ukraine ».

De son côté le SBU (services secrets ukrainiens) admet avoir conduit des « mesures de contre-espionnage » dans visé 19  monastères, cathédrales et églises le 14  décembre dernier. « Des passeports russes, de la littérature de propagande et des laissez-passer » ont été trouvés lors de ces opérations, indique le SBU. « Dans ces publications, les représentants de la Russie nient l’existence du peuple ukrainien, de sa langue et de sa culture, et remettent en question l’État ukrainien ».

Des accusations vivement critiquées par Mikolaï Danilevych. « Il n’y a pas plus de collaborateurs au sein de notre Église que dans le reste de la population, sans même parler de l’administration et des services secrets, proteste l’archiprêtre. Les responsabilités doivent être individuelles, et si certains des membres de notre communauté sont coupables, ils doivent être condamnés par la justice et non par des décrets du pouvoir. Il est impossible de vouloir protéger la liberté de conscience et de punir dans le même temps toute une communauté ».

Guerre des élites ?

Certains experts estiment que ce conflit se joue plutôt dans les hautes sphères, et serait éloigné des préoccupations de l’Ukrainien moyen. « Dans beaucoup de villages, les gens ne savent même pas si leur église dépend du patriarcat de Moscou ou du patriarcat de Kyiv, ils se contentent d’écouter ce que disent les prêtres », assure Dmytro Horyevoy, journaliste spécialiste des questions religieuses.

Mais les témoignages prouvent le contraire. « Après le départ des soldats du Kremlin, les fidèles sont venus me voir et m’ont demandé pourquoi je restais attaché au patriarcat de Moscou, raconte le père Anatole, prêtre de l’église de la Résurrection de Zazymie. Comme 400 autres prêtres, y compris certains officiant dans les régions occupées, j’ai donc signé une pétition demandant la création d’un tribunal ecclésiastique pour juger le patriarche Kiriil. Mais notre hiérarchie en Ukraine ne nous a pas écoutés. J’ai donc su qu’il était temps pour moi de rejoindre le patriarcat de Kyiv ».

«  Durant tout l’été, nous avons prié à l’extérieur du bâtiment, se souvient le père Anatole. En effet, « le 17 juillet, 780 des 800 fidèles de notre communauté ont voté pour rejoindre le patriarcat de Kyiv, mais un autre prêtre avait été nommé à ma place au printemps et celui-ci avait confisqué les clés. Le 17  septembre, nous avons reçu tous les papiers nécessaires et les policiers ont dispersé les protestataires qui voulaient nous bloquer le passage. Ils n’étaient qu’une cinquantaine, et certains d’entre eux venaient des villages des environs».

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