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Les législatives de la dernière chance

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Pour beaucoup, ce sont les élections de la dernière chance et l’Europe retient son souffle à quelques jours des législatives grecques, anticipées le dimanche 17 juin.

Le mémorandum européen, facteur de nouveaux clivages politiques

Conséquences de l’incapacité des acteurs politiques à trouver un accord pour former une coalition gouvernementale après les élections du 6 mai dernier, ce scrutin sera sans doute déterminant pour le maintien de la Grèce dans la zone euro.

Ce 17 juin, les Grecs ne seront pas appelés à choisir, comme historiquement, entre un programme de gauche et un programme de droite, mais bien entre deux méthodes fondamentalement différentes d’assurer la survie de leur pays. Aux clivages traditionnels se sont substitués de nouveaux lignes de clivage, fondées sur la ligne politique que la Grèce devrait adopter face à l’Union européenne.

Combat d’idées entre les partis traditionnels et les extrêmes

D’un côté, les partis dits de gouvernement, favorables à une application du mémorandum sur lequel repose le plan de sauvetage européen de 130 milliards d’euros, accordé sous condition de l’adoption de nombreuses mesures d’austérité, et adopté lors du Conseil européen du 27 octobre 2011.

Le Pasok (gauche) d’Evangelos Venizelos et la Nouvelle Démocratie (droite) d’Antonis Samaras ont largement été désavoués le 6 mai dernier, recueillant 32,1% des voix à eux deux, contre 77,4% lors des élections de 2009. Et ce n’est que de justesse que le parti de droite modérée a décroché la prime de 50 députés attribués au parti arrivé en tête.

De l’autre côté de la scène politique, les extrêmes, de petits partis qui ont pris une place centrale depuis le 6 mai. En tête, le parti de gauche radicale, Syriza, dirigé par le jeune Alexis Tsipras. Dans le même temps, les Grecs Indépendants (AE), les néo-nazis d’Aube Dorée, les communistes du KKE et la gauche démocratique du parti Dimar, avaient également recueilli assez de voix pour siéger à l’Assemblée, empêchant ainsi l’émergence d’une majorité et la formation d’un gouvernement stable.

>>Retour à l’accueil du dossier : Législatives en Grèce: la colère ou la raison

Dans cette course à la majorité législative, tous les acteurs sont favorables à ce que la Grèce reste dans la zone euro. Seuls les moyens diffèrent.

L’extrême gauche d’Antonis Tsipras séduit massivement

Pour Antonis Tsipras, l’austérité n’est pas envisageable et le mémorandum imposé par l’Europe n’a pas lieu d’être.

« La première décision de notre gouvernement sera d’abroger le mémorandum et les lois qui en découlent. Je ne crois pas que le rejet du programme d’austérité signifierait une sortie de notre pays de la zone euro, » a-t-il assuré.

Non au mémorandum, oui à la relance de l’économie par la consommation. Le programme d’Alexis Tsipras prévoit une hausse des pensions de retraite, une augmentation du salaire minimum (751€ contre 586€ actuellement), la réduction de la TVA pour certains produits, une augmentation de l’allocation chômage à 461€, la création de 100 000 postes dans la fonction publique.

Un programme qui ne réjouit pas l’Europe qui n’est pas prête à sauver la Grèce à tous prix. Si Angela Merkel et François Hollande se sont dit favorables à davantage de souplesse et, notamment, à un étalement dans le temps les mesures de rigueur, le mémorandum ne peut certainement pas être remis en cause.

Mais pour Syriza, ce mémorandum est tout simplement inenvisageable. « Le Mémorandum est un texte qui conduit vers l’enfer, il a été annulé par le vote du peuple grec le 6 mai. […] il n’y a rien à négocier dans le Mémorandum car on ne négocie pas l’enfer. Si on veut maintenir une politique monétaire commune, on ne peut pas se contenter de punir les pays endettés et le résultat des élections législatives du 6 mai prouve que l’on ne peut imposer des choix politiques contre la volonté des peuples. Aucun peuple ne peut être conduit à une sorte de suicide volontaire. »

Alexis Tsipras a par ailleurs récemment annoncé qu’il refuserait catégoriquement tout gouvernement d’union nationale au lendemain des élections, déclarant mardi 12 juin, que la Grèce « a besoin d’une direction claire ».

Nouvelle Démocratie et le Pasok jouent sur la peur des Grecs

Si le Mémorandum est la seule chance de survie de la Grèce dans la zone euro, les partis traditionnels semblent alors être les seuls à pouvoir offrir ce salut. Mais, désavoués le 6 mai, ils ont dû modifier leur discours pour progresser à nouveau dans les sondages.

A droite, Antonis Samaras a joué la carte de la  coalition, amenant à lui l’extrême-droite du LAOS de Georgios Karatzaferis et l’Alliance démocratique de Dora Bakoyannis.

A gauche, Evangelos Venizelos du Pasok tente d’incarner une alternative à Alexis Tsipras. Tout en étant favorable au Mémorandum, Evangelos Venizelos promet de ne baisser ni les salaires ni les pensions de retraite et de combattre le chômage des jeunes. Selon lui, « les propositions de Syriza conduisent la Grèce en dehors du système économique mondial. »

En jouant sur la peur que provoque la pression européenne, les partis traditionnels pourraient réaliser un meilleur score que le 6 mai. Mais la concurrence de la gauche de la gauche, incarnée par Alexis Tsipras, est rude tant le jeune politicien semble parvenir à convaincre une Grèce lasse de s’entendre dire qu’elle est le canard boiteux de la famille européenne et qui s’imaginent qu’une sortie de la zone euro ne pourrait finalement pas être pire que d’avoir à affronter des décennies de rigueur.

Des sondages qui ne prédisent aucune majorité

Selon les derniers sondages, Syriza et Nouvelle Démocratie se partagent la première place. Une enquête réalisée par Public Issue donne Syriza gagnant avec 31,5% des suffrages, suivi de Nouvelle Démocratie (25,5%) puis du Pasok (13,5%), tandis qu’un autre sondage réalisé par l’institut MRB donne la première place à la Nouvelle Démocratie d’Antonis Samaras avec 23,9% des voix devant Syriza (22,5%) et le Pasok (21,6%).

Tous les instituts s’accordent pour penser que si les élections du 6 mai ont été un vote massif de contestation, les Grecs, qui subissent une grande pression extérieure, pourraient revoir leurs positions ce 17 juin.

« Le 6 mai dernier, 6 électeurs sur 10 ont voté pour un parti différent de celui pour lequel ils avaient voté deux et ans et demi auparavant. C’était un vote de protestation. Et selon nos sondages, 25% des électeurs voteront le 17 juin pour un autre parti que celui auquel ils ont donné leur voix il y a trois semaines, » estime Costas Panagopoulos, directeur de l’institut d’opinion ALCO.

« Pour les prochaines élections législatives, les enjeux seront différents. Et même si cela reste pour l’instant une hypothèse, je pense que l’on pourrait assister à une nouvelle répartition des forces qui devrait être encore plus surprenante, » déclare pour sa part Thanos Dokos, directeur général de la Fondation hellénique pour la politique étrangère et européenne (Eliamep).

Premiers résultats dans la nuit de dimanche à lundi.

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