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Les rebelles syriens traitent bien leurs prisonniers

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Une cellule, une chaîne et… des frites 

D’une cellule de prison s’est fait entendre un léger claquement de porte. Le combattant rebelle, Abou Reach, a accepté de laisser son groupe de résistants, qui se reposait dans ses quartiers, pour y répondre.

A l’étage, à l’intérieur, Ahmed Hasseba était assis. Une chaîne allait de sa jambe gauche et remontait jusqu’au plafond de sa petite cellule bétonnée. Il était affalé sur un matelas fin muni d’une couverture. Une gourde d’eau et une assiette non entamée de frites étaient posées à ses pieds. Sa tête était penchée en avant, ses yeux mouillés et désespérés. La peur dominait.

La valeur monétaire des prisonniers

Alors que des pays arabes alliés à leur cause, comme l’Arabie Saoudite, continuent de contribuer au financement des armes lourdes de l’Armée Syrienne Libre, des prisonniers comme Hasseba ont aussi un rôle à jouer. Presque tous les prisonniers capturés par les rebelles sont rapidement échangés avec le gouvernement ou les familles contre de l’argent, un argent qui leur sert à acheter des petites armes.

Ainsi, les prisonniers se sont révélés être une ressource importante pour les rebelles. Pour le gouvernement, qui ne cesse de subir des désertions, rallier des soldats sympathisants ou des hommes des milices payés à sa cause semble être une priorité.

Pour les « traîtres » des shabiha, le minimum vital… 

Lorsque Reach est entré dans la cellule, Hasseba l’a imploré, disant qu’il avait mal à la gorge et à la jambe. Abou Reach lui a tapoté l’épaule de manière rassurante et lui a dit qu’il apporterait des médicaments le lendemain. L’homme a éclaté en sanglots et a plaidé son innocence. Reach est sorti de la pièce et a fermé la porte à clef.

« Shabiha, » a-t-il murmuré avec dédain, en référence aux milices du gouvernement vêtues de leur uniforme, que beaucoup en Syrie accusent de commettre la pire des violences du régime.

Deux autres prisonniers partageaient la cellule située à côté de celle d’Hasseba. Cette pièce était longue et étroite avec un matelas épais et une couverture qui en occupaient la moitié de la surface. L’autre partie était du béton nu. Ces hommes-là n’étaient pas enchaînés mais la porte était cadenassée. L’un des prisonniers avait un bandage sur la tête, une blessure – nous confia-t-il – qu’il avait contractée lors de sa capture. Il avait aussi été identifié comme membre des shabiha.

Le commandant de l’Armée Syrienne Libre, Asad Ibrahim, a dit que les shabiha était des milices civiles financées par le régime dans le but d’attaquer et de tuer des civils. Ce sont les forces shabiha qui sont à l’origine du récent massacre de Houla, selon les résistants. Ici le terme shabiha est plus craché que prononcé, montrant le degré de dégoût que ceux qui tuent les leurs pour de l’argent inspirent aux Syriens.

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… mais jamais d’abus 

Hamza Fatahallah, un membre du groupe rebelle en charge de ces prisonniers, a expliqué que les membres des shabiha étaient généralement enlevés une fois qu’une enquête menée par les rebelles les avait identifiés comme tels. Malgré la colère violente des combattants rebelles envers ces hommes, rien dans ce camp n’indiquait d’abus. Ils avaient l’air de recevoir la nourriture et le traitement médical nécessaires.

« On les traite dans le respect des préceptes de l’Islam, » a expliqué Fatahalla.

Les prisonniers « respectables » mieux traités 

Le troisième prisonnier, le dénommé Ibrahim Wanoose, un chauffeur travaillant pour l’armée du gouvernement qui a été capturé par le groupe après un accident de voiture, il y a deux mois. Les membres de l’armée et des forces de sécurité du régime sont souvent capturés pendant des affrontements, raconte le commandant. Mais le cas de Wanoose est différent.

« On a trouvé Ibrahim dans un village proche du lieu de l’accident, » dit-il. « Il avait des blessures à la tête et à la jambe, donc nous lui avons amené un médecin pour le soigner. C’est un sous-officier. Je pense qu’il n’a tué personne. C’est un homme bien. »

Wanoose est un alaouite, la minorité chiite qui est sur-représentée dans le gouvernement syrien. Les deux autres prisonniers étaient des sunnites, de la même confession que les hommes qui constituent le bataillon rebelle.

« Ils me gardent comme atout dans leurs négociations pour relâcher leurs propres prisonniers. J’attends la réponse des autorités, » a confié Wanoose, l’air penaud, sa tête toujours penchée.

Les rebelles ont l’air d’être plus respectueux envers Wanoose, parlant toujours de lui comme d’« un homme bien. » A chaque fois que les autres prisonniers quittaient leur cellule, ils étaient toujours escortés les yeux bandés. Wanoose, quant à lui, pouvait marcher librement. Mais, malgré les tapes se voulant amicales et rassurantes, Wanoose semblait de plus en plus abattu.

Le plus insoutenable : l’attente de son sort 

Les autres prisonniers allaient et venaient. Pour Hasseba, le groupe a reçu 500$, nous a dit Fatahallah. De temps à autres, les prisonniers peuvent être directement échangés avec des armes. Le groupe a déjà reçu dans le passé deux fusils Kalashnikov pour un seul prisonnier.

« On les renvoie chez eux pour une petite somme d’argent, à condition qu’ils ne retournent pas sous les ordres du régime, » a souligné Fatahallah.

Parfois, les prisonniers décident de joindre le camp adverse des rebelles. Fatahallah, lui-même un déserteur de l’armée, a dit que quelques prisonniers avaient rejoint leurs rangs et « effectué de nombreuses opérations [contre le régime] avec succès. »

Les négociations sont aussi souvent des simples trocs de prisonniers, afin de récupérer les activistes détenus par le régime.

« Une fois, on a attrapé un mercenaire. Il était très proche du régime. Plus tard, on a réussi à négocier la libération de 15 civils en échange de lui seul, » nous a raconté Fatahallah.

Un accord similaire était en cours pour relâcher Wanoose. Mais, jusqu’à maintenant, le régime n’avait pas voulu négocier pour un sous-officier. Pendant ce temps, Wanoose était contraint d’attendre.

Quand on lui a demandé en privé son espoir pour le futur de la Syrie, il a répondu, « Si je suis relâché, je retournerai dans mon village, pas à l’armée. Je suis un homme simple. J’espère simplement que les hommes bons domineront et auront de l’autorité en Syrie. »

Global Post / Adaptation Annabelle Laferrère – JOL Press

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