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Les rebelles syriens contrôlent le nord-ouest du pays

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Un conflit qui dure

Les rebelles syriens contrôlent désormais de vastes étendues de territoires, au nord-ouest du pays, le long de la frontière avec la Turquie. Ils arrivent également à se procurer de l’armement plus efficace. Une évolution de la situation qui souligne l’échec de la diplomatie dans un conflit où la force a pris le dessus.

Cela fait maintenant quinze mois que le soulèvement syrien tente de faire tomber le régime du président Bachar al-Assad, dont la famille dirige le pays depuis plus de 40 ans.

Lors de leurs voyages dans des villes et villages au sud-ouest et au nord d’Alep (la plus grande ville du pays), les journalistes de Global Post ont vu des dizaines de chars incendiés, des véhicules blindés et des jeep endommagées, jonchant les routes. De nombreux endroits étaient dépourvus de service de police ou de troupes gouvernementales.

Des « hommes libres » prêts à tout

Les patrouilles de rebelles armés circulent, tandis que de nombreuses écoles dans la province portent le drapeau à rayures vertes de la Syrie, celui de l’ancien parti Baas. Un symbole de la révolution.

« Nous avons libéré la majeure partie de la campagne d’Alep. Notre prochain objectif sera la ville d’Alep elle-même », a déclaré Abou Omar, un commandant de la Brigade Nord des « Hommes Libres », une unité alliée à l’Armée Syrienne Libre.  « Nous contrôlerons bientôt toutes les villes et les villages de la frontière turco-syrienne. Cela signifie que nous pouvons désormais obtenir un meilleur soutien et des armes plus efficaces ».

La brigade nord des « Hommes Libres »  aidée par un groupe de transfuges de l’armée syrienne, a pris le contrôle de la base militaire de Daret Ezzah. Ils ont ainsi pu s’emparer de canons anti-aériens, et les ont détruits un à un. Les rebelles ont ensuite diffusé les images du massacre de 25 personnes, qui selon eux était des Shabiha, une milice qui supporte Bachar al-Assad.

Le mois dernier, la journaliste de Global Post, Tracey Shelton, effectuait un reportage sur les rebelles de la ville d’Idlib, qui tentaient de repousser un assaut des tanks du régime sur Ariha. Ces derniers avaient lutté pour arracher le contrôle de la ville en mai. Depuis le mois d’octobre, les rebelles basés dans les collines du Jebel Zawiya subissent les attaques des troupes gouvernementales, qui n’ont pas encore réussi à les déraciner.

Un équipement de plus en plus efficace

À Armanaz, à 20 kilomètres au nord-ouest d’Idlib, les rebelles ont enfin réussi à chasser les forces de Bachar al-Assad le 20 juin dernier, « après des semaines d’affrontement », explique un soldat de la « Brigade des Martyrs » – un groupe armé qui se compose de douze bataillons, et qui coordonne des centaines d’hommes à travers le nord de la Syrie.

« Au cours des dernier mois, nous avons mis la main sur des missiles antichars. Nous pouvons détruire en quelques jours le même nombre de tanks qu’avant en plusieurs mois », explique Abou Mohammed, un agriculteur de 25 ans qui a rejoint les rebelles après que ses deux frères ont été tués par les troupes du régime Assad.

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Une expansion continue

Un reporter du journal McClatchy a pu visiter les bases rebelles du sud de la rivière Oronte. Le conflit avance peu à peu près de Qerdaha, ville natale de Bachar al-Assad, situé à 20 kilomètres des montagnes de Haffa, où les rebelles avaient pris le contrôle avant d’être chassés par un bombardement qui a largement détruit la zone.

« L’ASL (Armée syrienne libre)est en pleine extension dans la région », déclare Ibrahim, 26 ans, un autre fermier qui a rejoint la révolution, et qui combat à Deir Jammal, au nord d’Alep. Son beau-frère a lui aussi été tué en avril durant une manifestation. Ibrahim installe désormais des mines entre les oliviers dont il s’est occupé toute sa vie : « Nous sommes des centaines de combattants, mais je suis sûr que s’il y a un abri sûr à la frontière turque, des milliers de soldats du gouvernement partiront en défection ».

Tensions grandissantes avec la Turquie

Dans la journée du lundi 2 juillet 2012, 85 soldats syriens, dont au moins un général et quatorze officiers, ont fui dans le sud de la province turque de Hatay, ont signalé les agences de presse du pays.

Les victoires des rebelles au nord-ouest de la Syrie faisaient écho à la dernière conférence de Genève, censée organiser « un plan de transition politique » en Syrie, qui s’est soldée par un échec.

Le plan en question ne contenait pas d’appel explicite au retrait de Bachar al-Assad, la seule condition que demandaient les rebelles pour ensuite engager les discussions, était de former un gouvernement d’unité nationale.

Ces derniers tirent en revanche profit des tensions grandissantes entre la Turquie et le Président syrien. Ankara a ainsi brouillé six F16 syriens le weekend dernier, en réponse à la présence d’hélicoptères à sa frontière. La Turquie s’est engagée à traiter fermement toute incursion militaire syrienne.

Une tension qui intervient après qu’un avion de reconnaissance turque, égaré dans l’espace aérien syrien, a été abattu par le système de défense (fourni par les Russes) de l’armée de Bachar al-Assad. Recep Tayyip Erdogan a d’ailleurs fait déployer des troupes et des batteries de missiles anti-aériens à la frontière.

Les Etats-Unis suspectés d’aider les rebelles

Le journal londonien du Sunday Times a rapporté le témoignage de diplomates de la région, qui pensent que les Russes ont joué « un rôle clé » dans l’interception et la destruction du jet turc.

Alors que la Russie continue d’armer le régime de Bachar al-Assad, une série de rapports récupérés par les médias américains suggèrent que des officiers de la CIA auraient opéré secrètement pour coordonner la livraison d’armes aux rebelles. Des armes, elles-mêmes payées par les États du Golfe, comme le Qatar ou l’Arabie saoudite.

Les membres du Conseil de l’opposition Nationale Syrienne, ont récemment déclaré que des véhicules turcs leur livraient des armes antichars à la frontière. Une information rejetée par Ankara.

Les chefs rebelles espèrent qu’Ankara va maintenant relâcher le contrôle sur les armes circulant à travers sa frontière vers la Syrie. « Pendant longtemps, la Turquie n’a pas voulu nous livrer des armes spécialisées, comme les canons anti-aériens ou les missile antichars », souligne Abou Omar. « Depuis quelques jours, les dirigeants de l’ASL en Turquie m’ont dit que cela avait changé. »

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La guerre totale est déclarée

Après des affrontements sans précédent entre la garde présidentielle et les rebelles, à quelques kilomètres du palais de Bachar al-Assad, le dirigeant syrien a déclaré que le pays était en « guerre totale ». Les pertes humaines s’élèvent desormais à 15 000 morts, d’après certains groupes de droits de l’homme.

Lorsqu’il a perdu le contrôle de la partie nord-ouest rurale du pays, le régime a mis l’accent sur le bombardement des grandes villes comme Idlib et Rastan. Les forces gouvernementales syriennes semblent de plus en plus s’appuyer sur la puissance aérienne pour frapper les zones tenues par l’opposition. Les hélicoptères de combat de Bachar al-Assad ont pilonné ce week-end Saraqeb, une ville stratégique située sur la route principale qui traverse Idlib.

« Avant, le régime utilisait des chars et des troupes d’élite pour essayer de reprendre le contrôle de Idlib. Mais aujourd’hui, nous dominons le combat terrestre, et eux le domaine aérien », ajoute Abou Mohammed, de la Brigade des Martyrs. Les journalistes de Global Post ont d’ailleurs vu des douzaines de camions militaires transportant des chars et des blindés vers Alep.

La perte d’une partie de la ville d’Alep, véritable capitale commerciale de la Syrie, qui accueille les riches businessmans sunnites (qui ne se sont pas encore retourné contre le régime Alaouite) serait considérée comme un désastre stratégique pour Bachar al-Assad.

Global Post/Adaptation Henri Lahera pour JOL Press

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