Site icon La Revue Internationale

Syrie: faut-il livrer des armes aux rebelles?

[image:1,l]

Fournir des armes aux rebelles syriens. Après deux ans de conflit, plus de 70 000 morts, et désormais plus d’un million de réfugiés, selon de récents chiffres de l’ONU, la France et le Royaume-Uni ont décidé de tenter, à leur manière, de trouver une issue au conflit syrien.

La France s’engage

Partant du postulat de base que seule l’armée de Bachar al-Assad bénéficie de soutiens militaires, les diplomaties française et britannique se sont désormais engagées à soumettre à l’Union européenne une levée de l’embargo sur la livraison des armes en Syrie.

« On ne peut pas accepter qu’il y ait ce déséquilibre actuel avec, d’un côté, l’Iran et la Russie qui livrent des armes à Bachar al-Assad et, de l’autre, des résistants qui ne peuvent pas se défendre, » a ainsi déclaré jeudi 14 mars Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, sur France Info.

« Nous souhaitons que les Européens lèvent l’embargo. Nous sommes prêts à soutenir la rébellion, donc nous sommes prêts à aller jusque-là. Nous devons prendre nos responsabilités, » a pour sa part affirmé François Hollande, lors de son arrivée à Bruxelles, à l’occasion d’un sommet européen.

La France et le Royaume-Uni se passeront de l’Union européenne

Depuis mai 2011, quelques semaines après le soulèvement syrien, l’Union européenne a adopté un embargo, interdisant la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation d’armes vers la Syrie, rebelles comme fidèles au régime.

La donne pourrait aujourd’hui changer et si la France et le Royaume-Uni veulent tenter de convaincre l’Union européenne, avant une réunion qui devrait se tenir avant le mois de mai, les deux pays sont également déterminés à passer outre.

Car pour Laurent Fabius, « on ne peut pas accepter qu’il y ait ce déséquilibre actuel avec, d’un côté, l’Iran et la Russie qui livrent des armes à Bachar al-Assad et, de l’autre, des résistants qui ne peuvent pas se défendre. »

Les rebelles syriens sont-ils vraiment désarmés ?

Par cette prise de position officielle, la France entend décrire le conflit syrien comme un théâtre sur lequel s’affronteraient une armée surpuissante, celle de Bachar al-Assad, et une armée d’insurgés, complètement désarmés et impuissants.

Cette armée d’insurgés se bat pourtant depuis maintenant deux ans, et a de nombreuses victoires militaires à son actif. Il a été maintes fois prouvé que les rebelles avaient eux aussi leurs soutiens militaires. L’Arabie Saoudite, le Qatar et également la Turquie ne sont pas inactifs sur le terrain et fournissent à l’armée des opposants à Bachar al Assad nombre d’armes et soldats.

C’est d’ailleurs ainsi que se sont constitués, sur le terrain, de nombreux groupuscules djihadistes qui soulèvent l’inquiétude des experts de la question syrienne.

Reproduire les erreurs de la Libye au Mali

Pour beaucoup, le désastre libyen est en train de prendre forme en Syrie. Il y a plusieurs mois, la France intervenait en Libye, fournissant armes et matériel aux rebelles soulevés contre Mouammar Kadhafi.

Ces armes sont aujourd’hui au Mali, dans les mains de ces mêmes djihadistes qui combattent contre l’armée française.

« Le but n’est pas de combattre des djihadistes au Mali pour fournir des armes aux djihadistes en Syrie, » avait ainsi déclaré, en février dernier, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders.

« Des livraisons d’armes risquent toujours de nourrir une course à l’armement et de provoquer une glissade vers une guerre par procuration, qui pourrait embraser toute la région, » a pour sa part affirmé, la semaine dernière, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle.

Une solution politique, des armes à la main ?

L’Union européenne est sceptique, il en est de même de la communauté internationale engagée en Syrie.

L’émissaire des Nations unies en Syrie, Lakhdar Brahimi, avait lui-même prié François Hollande, en septembre dernier alors qu’il était reçu à l’Elysée, de demander à ses « amis » saoudiens et qataris, de mettre un terme à leurs livraisons d’armes vers la Syrie.

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est également prononcé à de nombreuses reprises contre l’armement des insurgés.

Si solution politique il doit y avoir en Syrie, et ils sont encore plus nombreux à penser que cette option doit être, aujourd’hui plus que jamais, privilégiée, elle doit sans doute se faire sans armes.

Mais après deux ans d’une guerre sanglante, personne ne semble assez essoufflé sur le terrain pour se résoudre à accepter un quelconque dialogue avec compromis.

La guerre syrienne prendra encore sans doute son temps.

Quitter la version mobile