Site icon La Revue Internationale

Quel avenir pour le désormais incontournable Qatar?

[image:1,l]

Le Qatar s’est imposé en quelques décennies comme un pays incontournable, au point d’être devenu omniprésent sur la scène économique internationale. Ses investissements parfois controversés dans des secteurs très différents n’ont pas manqué de faire réagir les médias, mais l’émirat semble bien décidé à devenir un pivot central de la géopolitique mondiale.

Dans Le Qatar Aujourd’hui, la singulière trajectoire d’un riche émirat, Mehdi Lazar s’attache à retracer le parcours de l’État qui n’était connu au début du XXe siècle que pour ses perles. Le rôle tenu par les hydrocarbures, et notamment le gaz naturel, dans l’économie qatarie semble à terme devenir un risque. Mehdi Lazar apporte certaines réponses à cette limite à long terme de l’émirat, assurant que pour survivre, l’État devra passer par la diversification de ses activités, chose qu’il a déjà commencé depuis plusieurs années.

Le Qatar aujourd’hui décrit également la société qatarie, méconnue car trop souvent éclipsée par l’aura médiatique de l’émirat. Pourtant, les prochains défis du Qatar seront aussi sociaux, et le pays devra trouver un équilibre entre société de consommation et structures sociales traditionnelles.

Extraits de Le Qatar aujourd’hui, de Mahdi Lazar (Éditions Michalon)

Ambitieuse, opportuniste ou chaotique. Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier une politique étrangère qui surprend et interroge. Mais loin d’être erratique, cette politique étrangère – et la diplomatie qui en découle – répond en fait à des fondamentaux plutôt anciens et se traduit selon des paradigmes invariants. Diversification des sources de sécurité, médiations et protection du territoire par une puissance extérieure sont en effet quelques paradigmes qui permettent de lire la politique étrangère du Qatar.

La politique étrangère du Qatar est souvent qualifiée de politique «tous azimuts», de politique paradoxale, confuse ou opportuniste. En réalité, cette politique varie, il est vrai, mais au fil des changements géopolitiques de la région du Golfe et des rapports que le petit émirat entretient avec ses grands voisins que sont l’Arabie saoudite et l’Iran. Mais généralement, le Qatar cherche à trouver un équilibre dans ses politiques qui ne lui aliène ni l’un, ni l’autre.

Depuis le début des années 1990, lorsque des changements géopolitiques ont forcé le Qatar à repenser sa place dans la région, l’émirat a poursuivi une politique étrangère dynamique qui a permis à son influence stratégique de dépasser largement sa dimension géographique et démographique. Ce faisant, il n’est pas devenu un « paradoxe géopolitique et une anomalie géoéconomique », mais plutôt une anomalie géopolitique. En effet, l’émirat cultive des relations avec l’Iran et Israël, au grand dam des autres pays arabes.

Ce fut, dès l’accession au trône de l’émir en 1995, l’un des premiers exemples traduisant le désir du Qatar de se différencier de la politique conventionnelle de la région. Plus récemment, le Qatar a mis à profit ses énormes ressources financières tirées du gaz, sa puissance médiatique due à Al-Jazeera et ses nombreuses connexions avec des groupes et des leaders islamistes pour s’imposer comme leader régional dans le contexte des «printemps arabes».

Le Qatar a abandonné sa politique précédente, qui consistait à servir de médiateur neutre dans les conflits régionaux, en apportant un clair soutien aux mouvements de protestation en Libye et en Syrie. Cette rupture récente n’est pas du tout dans la tradition diplomatique qatarie et tranche assez clairement avec les paradigmes stratégiques de l’émirat, car la péninsule était jusqu’alors connue pour ne pas s’engager dans un camp et pouvoir discuter avec toutes les parties engagées dans un conflit. Certaines de ses politiques ont justement exaspéré les États-Unis. Ainsi, lors d’une visite au Qatar en 2009, John Kerry avait déclaré: « Qatar cannot be an ally of America on Monday that sends money to Hamas on Tuesday ».

_________________________

Mehdi Lazar est géographe et spécialiste du Qatar. Il est chercheur associé au laboratoire Géographies-cités et docteur de l’université Panthéon-Sorbonne.

Le Qatar aujourd’hui, la singulière trajectoire d’un riche émiratMichalon (21 mars 2013)

Quitter la version mobile