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En Syrie, la Russie défend avant tout un principe de souveraineté

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Les Russes auraient pris la décision d’envoyer en Méditerranée orientale un navire anti-sous-marins ainsi qu’un croiseur équipé de missiles. Dans le même temps, différentes rumeurs circulent quant aux intentions de la Russie pour agir en faveur d’une non-intervention en Syrie.

Quelles sont les véritables intentions de la Russie dans cet acharnement syrien ? Les réponses de Mikhail Gamandiy-Egorov, journaliste pour La Voix de la Russie.

La Russie prend position aujourd’hui et plus que jamais contre une intervention armée en Syrie. Derrière cette ligne de conduite, que défend Moscou ?

Mikhail Gamandiy-Egorov : La Russie adopte une position en matière de politique internationale qui s’applique dans le respect de la souveraineté des Etats. Moscou considère donc qu’un conflit interne doit être réglé soit par les forces en présence dans le pays, soit au niveau des Nations Unies.

Si le règlement d’un conflit se décide en dehors du cadre des Nations Unies, la Russie l’interprète comme une violation du droit international, comme lors de l’invasion de l’Irak en 2003. A l’époque, le Conseil de sécurité de l’ONU n’avait pas donné son accord à cette intervention, la France, la Russie et la Chine y étaient opposés et pourtant, cette intervention a quand même eu lieu.

Bien entendu, les relations économiques étroites qu’entretiennent la Russie et la Syrie sont anciennes et solides et participent à ce soutien mais sur ce point, la Russie défend avant tout un principe de non-ingérence, principalement lorsque l’ONU n’a pas donné son aval.

Les Russes ont semble-t-il commencé à déplacer des navires en Méditerranée, pourraient-ils s’engager dans un conflit armé ?
 

Mikhail Gamandiy-Egorov : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a été très clair sur ce sujet, la Russie ne compte s’engager dans aucun conflit armé. Mais il faut aussi comprendre qu’en cas de toute tentative d’intervention unilatérale, la Russie ne jouera pas le simple rôle d’observateur. Il y a aussi différents moyens d’être engagé. Avant tout, Moscou appelle aujourd’hui les Etats occidentaux et les autres pays engagés dans la crise syrienne – notamment le Qatar, l’Arabie saoudite et Israël – et qui appellent à une intervention armée à réfléchir deux, voire trois fois avant d’agir.

La Russie s’était déjà engagée contre l’intervention en Libye, arguant un dépassement du mandat des Nations Unies. Et pourtant, l’intervention avait eu lieu. Est-on aujourd’hui dans la même situation ?
 

Mikhail Gamandiy-Egorov : A l’époque, la Russie et la Chine n’avaient pas utilisé leur droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui rend la situation sensiblement différente. Mais le scénario libyen a été une forme de leçon pour la Russie et la Chine qui ont constaté qu’un mandat de l’ONU pouvait être outrepassé de la pire des manières. Car si au départ, le mandat qui a été donné aux pays qui sont intervenus ne visait qu’à protéger la population civile, nous avons rapidement assisté à l’organisation de la chute d’un régime et d’un chef d’Etat qui dérangeait.

La Russie ne veut pas que cette situation se répète et qu’il y ait une intervention unilatérale mais souhaite que le mandat des Nations Unies soit respecté, quel qu’il soit, dans son intégralité.

Craint-elle également que les djihadistes, largement présents sur le territoire syrien depuis le début du conflit, ne fuient vers la frontière russe où la population est majoritairement musulmane ?
 

Mikhail Gamandiy-Egorov : Bien entendu, la Russie s’inquiète des djihadistes qui, de la Syrie, peuvent à tout moment se déplacer vers les frontières issues de l’ancien empire de l’Union soviétique. Mais cette inquiétude doit être partagée par les Occidentaux car les djihadistes qui combattent aujourd’hui en Syrie, sous différents noms et différentes organisations – qui font parler d’eux en pratiquant des décapitations filmées devant mineurs, sans parler de ce rebelle qui s’est fait connaître en mangeant le cœur d’un soldat de l’armée syrienne – sont, dans une certaine mesure, des citoyens européens qui ne comptent pas s’arrêter là.

Aujourd’hui ils sont en Syrie, et demain ils organiseront volontiers des attentats à Washington, Londres, Paris ou Berlin.

Les djihadistes de Syrie doivent être l’inquiétude de tous.

Avez-vous l’impression que le phénomène islamiste en Syrie n’est pas pris au sérieux ?
 

Mikhail Gamandiy-Egorov : J’estime que les pays occidentaux jouent avec le feu, comme en Libye. La leçon libyenne n’avait pas été bien comprise. Beaucoup de djihadistes avaient combattu contre Mouammar Khadafi et lorsque ce dernier est mort, la charia s’est installée dans certaines zones du pays où l’on a assisté à des massacres inhumains et sans jugements d’Africains subsahariens, ou au meurtre barbare de l’ambassadeur américain à Benghazi.

En principe, ces événements auraient dû être une leçon acquise, et pourtant, les Occidentaux jouent toujours avec le feu. Ces djihadistes ne voient nullement l’Occident comme un allié, si ce n’est un allié temporaire..

La Russie craint-elle alors que le conflit, s’il éclatait, ne se généralise dans tout le Moyen Orient ?
 

Mikhail Gamandiy-Egorov : C’est la position du ministère des Affaires étrangères russe. Il y a quelques jours, Sergueï Lavrov l’a justement mentionné, toute tentative d’ingérence dans le conflit syrien aujourd’hui ne ferait qu’empirer la situation à l’intérieur de la Syrie et résonnerait dans tout le Moyen Orient. Les conséquences peuvent être catastrophiques et n’excluent pas une guerre généralisée, surtout dans un contexte actuel de vives tensions entre les différents pays de la région.

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