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Le G20 de Saint-Pétersbourg peut-il résoudre la crise syrienne?

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A partir de jeudi 5 septembre, les dirigeants des 20 pays les plus industrialisés du monde se réunissent à Saint-Pétersbourg, à l’invitation de Vladimir Poutine, dont le pays préside le G20 cette année.

Tous les observateurs de la crise syrienne seront réunis

« Le G20 a été créé pour résoudre les problèmes économiques et financiers » et la Syrie « ne figure pas à l’agenda du sommet de Saint-Pétersbourg », déclarait le ministre russe des Affaires étrangères.

Et pourtant, bien que la crise syrienne et l’éventualité d’une intervention occidentale ne soit pas au programme de cette réunion, il paraît désormais certain que le menu du G20 russe sera modifié au profit de discussions diplomatiques sur le fond et sans doute houleuses sur la forme.

Durant ces deux jours, sera réuni un panel très représentatif des avis divergents sur la question syrienne. Dans un premier clan, la Russie, la Chine ainsi que tous les pays en développement tels que le Brésil ou l’Inde représenteront les partisans d’une non-intervention et d’un règlement diplomatique de la crise syrienne.

Les Etats-Unis, la France et, en second plan après le vote négatif de la Chambre des communes, le Royaume-Uni représenteront les partisans d’une action forte et punitive contre le régime de Bachar al-Assad, accusé d’avoir utilisé des armes chimiques lors d’une attaque dans la banlieue de Damas, le 21 juillet dernier.

Enfin, les pays arabes, Arabie Saoudite et Qatar en tête, seront de ceux qui appelleront à une intervention armée, sans pourtant pouvoir la diriger.

Et si la Russie et les Etats-Unis se rapprochaient

Au cœur de cette réunion, deux acteurs de poids se confronteront particulièrement. Les Etats-Unis et la Russie n’ont pas caché le refroidissement de leurs relations diplomatiques et Barack Obama et Vladimir Poutine ne devraient pas se rencontrer durant ces deux jours en Russie.

C’est oublier la récente prise de position de Vladimir Poutine au sujet d’une éventuelle participation à l’intervention occidentale, si l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar al-Assad était véritablement prouvée. Dans une interview accordée à une télévision publique russe, le président syrien a en effet annoncé que si étaient fournies des preuves concrètes et irréfutables sur l’utilisation d’armes chimiques et sur l’origine de l’attaque du 21 juillet dernier, et si le Conseil de sécurité de l’ONU avalisait une opération armée, la Russie pourrait également se ranger dans le camp interventionniste.

Un discours qui, s’il peut apparaître comme un tournant, ne l’est sans doute pas autant qu’il n’en n’a l’air et c’est également l’avis de la Syrie qui a immédiatement réagi en affirmant, par la voix de son vice-ministre des Affaires étrangères Fayçal Moqdad, que la position russe à l’égard de la Syrie reste « inchangée ».

Ne surtout pas parler de Syrie

Au jour de l’ouverture du G20, les camps sont donc les mêmes et semblent retranchés sur leurs positions.

Dans ces conditions, le G20 pourrait-il aboutir à un dépassement des clivages existants et à l’apparition d’un consensus ? Un G20 est-il réellement le lieu pour ces discussions ?

La réponse semble positive pour Vladimir Poutine qui a récemment affirmé que la réunion du G20 était « un bon terrain » pour discuter de ce genre de problèmes. Pourtant, comme il l’a rappelé dans son interview à la télévision russe, cette réunion ne peut se soustraire à l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU, pas même si elle rassemble les 20 pays les plus industrialisés de la planète – et à des faux-airs de super-Conseil de sécurité de l’ONU.

Mais parler de la Syrie serait-il vraiment une bonne idée ? Pas vraiment, répondent en chœur de nombreux observateurs. Les Etats-Unis et la Russie semblent embarqués dans une phase de guerre tiède et le moment n’est sans doute pas idéal pour remuer le couteau dans la plaie.

« Je ne vois pas sur quoi ils pourraient se mettre d’accord », explique Serguaï Karaganov de la faculté d’économie et de politique internationale de Moscou au Nouvel Observateur. Pour cet expert, il faudrait même que les invités de ce G20 s’abstiennent d’évoquer la question syrienne « sinon elle divisera tellement le sommet qu’il ne donnera pas grand-chose ».

Sera-t-il possible d’ignorer la Syrie quand une intervention se prépare ? En apparence sans doute, mais peut-être pas durant les réunions bilatérales et il y a fort à parier que l’entretien de Barack Obama avec son homologue français, tous deux leaders du groupes des interventionnistes, fera de la Syrie une priorité.

La crise économique rattrape les pays émergents

Il faut dire également que, outre la Syrie, les sujets de conversation ne manqueront pas et que les pays en développement se chargeront bien de rappeler à ces mêmes interventionnistes que le G20 est avant tout une réunion économique et que cette édition a de nombreux problèmes à régler.

Qu’il s’agisse de la crise économique qui commence à toucher les pays en développement ou de la lutte contre l’évasion fiscale, la liste est longue de ces ambitions que s’est fixé Saint-Pétersbourg.

Car là est l’origine de cette réunion créée en 1999 à la suite de la crise asiatique de 1997-1998 afin d’inciter les pays du G7 ainsi qu’un ensemble de pays émergents, à se rencontrer régulièrement pour échanger leur points de vue sur la régulation de l’économie mondiale afin d’améliorer son fonctionnement.

Car tous ces pays représentent environ 90% du produit national brut mondial et 80% du commerce mondial ainsi que les deux tiers de la population mondiale.

L’économie mondiale ayant besoin de beaucoup d’attention et la plupart de ces pays ne s’intéressant que peu à l’avenir proche de la Syrie, il est donc probable que les discussions à 20 tournent et retournent encore la crise économique mondiale pour trouver plans de relance et espoirs de croissances. Sera-t-il alors question de Syrie ? Sans doute très peu.

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