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Syrie: la proposition russe offre une vraie porte de sortie à l’Occident

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Le Congrès américain avait à peine commencé à se réunir pour aborder la question d’une frappe américaine en Syrie, Barack Obama s’apprêtait à rentrer en campagne durant trois jours pour convaincre les Américains de la légitimité d’une frappe en Syrie, que tombait cette proposition russe de dernière minute, qui pourrait bien changer le cours du conflit syrien.

Quelques jours après la clôture d’un G20 peu concluant en termes de diplomatie et d’entente russo-américaine sur le dossier syrien, les Russes, par la voix du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ont proposé à l’Occident le placement des armes chimiques syriennes sous contrôle international avant destruction. Les Etats-Unis semblent d’ores et déjà intéressés par cette offre tandis que la Syrie a également donné un premier accord de principe pour que les Nations Unies se chargent de cette sensible mission. Explications avec Xavier Moreau, directeur d’un cabinet de conseil en Russie, auteur de « La Nouvelle Grande Russie » et collaborateur du site internet Realpolitik.tv

Pourquoi les Russes proposent-ils désormais le placement des armes chimiques syriennes sous protection internationale avant destruction. Quelle stratégie derrière cette offre ?
 

Xavier Moreau : Avec cette proposition, les Russes ont trois objectifs distincts. Le premier est de reprendre l’initiative dans ce conflit, en faisant une proposition que les Etats-Unis seront obligés de considérer.

Le deuxième est de remettre les Nations Unies au cœur de la résolution du conflit.

Et finalement, le troisième est de permettre aux Etats-Unis et à la France de ne pas perdre la face, dans le cas où les deux pays renoncent à leur frappe « punitive ».

Quelles peuvent-être les conditions offertes à l’Occident comme à la Syrie pour éviter une intervention armée ? La proposition russe cache-t-elle quelque chose ?
 

Xavier Moreau : La diplomatie russe ne cache rien, et ce depuis le début. Les principes qu’elle invoque sont clairs : c’est-à-dire le recours au conseil de sécurité de l’ONU et le respect du droit international.

Concrètement, cette mesure sera vraisemblablement appliquée par l’envoie d’un comité de spécialistes, dont la composition inclura entre autres, des Russes, des Américains et des Français, peut-être également des casques bleus qui seront déployés pour sécuriser les sites.

Pour la Syrie, cette opération n’a que peu d’inconvénients. Les armes chimiques sont « le nucléaire du pauvre » et constituent une arme de dissuasion.

L’utilisation d’une telle arme dans les combats que mènent actuellement l’armée arabe syrienne n’a aucun intérêt tactique. Ce sacrifice ne lui coûtera donc pas et lui permettra d’en finir avec la rébellion.

Pourquoi les Russes ne font-ils cette offre que maintenant ? Est-ce en raison de l’imminence d’une décision américaine quant à une intervention internationale ?
 

Xavier Moreau : La raison principale est sans doute que les Russes ont compris que Barack Obama et François Hollande étaient désormais contraints d’intervenir à moins de perdre la face sur les scènes nationales et internationales. Vladimir Poutine leur offre une porte de sortie honorable. La publication du rapport des inspecteurs de l’ONU devrait également justifier d’une annulation des frappes.

Les Américains semblent donc accueillir avec bonne volonté cette proposition, à l’heure où le Congrès est réuni pour débattre d’une intervention internationale. Est-ce aussi une manière pour les Etats-Unis de sortir de l’impasse de cette intervention, après que Barack Obama ne soit pas parvenu à constituer une coalition internationale ?
 

Xavier Moreau : Le problème principal pour Barack Obama n’est pas de constituer une coalition internationale, mais d’avoir une action efficace sur le terrain à moindre frais.

Son état-major lui a sans doute expliqué qu’un bombardement « punitif » n’aurait aucune efficacité tactique, mais risquait en revanche de mettre le feu aux poudres dans la région. La capacité d’intervention de l’armée américaine est limitée à l’emploi de missiles « Tomawak », qui est la seule variante garantissant une absence de perte humaine du côté américain.

L’armée arabe syrienne n’a pas besoin de détruire tous les avions américains ou français. Quelques-uns suffiraient pour déstabiliser les gouvernements français et américains.

En plus des pertes humaines, comment expliquer à la population à qui l’on demande des efforts financiers colossaux, que l’on est prêt  à perdre des Rafales à plus de 100 millions d’euros l’appareil, pour soutenir des rebelles islamistes ?

Cette ouverture de dernière minute lancée par la Russie est-elle le révélateur d’une nouvelle donne internationale ? Les « gendarmes du monde » sont-ils en train de changer de camp ?
 

Xavier Moreau : La Russie ne prétend pas être le gendarme du monde. Elle souhaite en revanche mettre fin à l’unipolarité issue de la guerre froide. Elle souhaite que les conflits soient réglés au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU et limiter ainsi le recours à la force armée.

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