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Genève 2: vers un maintien durable de Bachar al-Assad au pouvoir?

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Après plusieurs mois d’attente, la conférence de Genève 2 devrait se dérouler le 23 novembre prochain. Elle devrait réunir le régime syrien et l’opposition à la même table. Pourtant, certains membres de l’opposition sont très réticents à y participer. Pourquoi ?
 

Barah Mikail : L’opposition est désunie sur cette question. Deux arguments ont été avancés. L’un concerne la possible participation de l’Iran aux négociations et l’autre concerne le rejet de la possibilité que cette conférence se tienne sans avoir mis à l’ordre du jour le départ de Bachar al-Assad du pouvoir.

Outre ce petit éclatement de l’opposition syrienne – qui montre d’ailleurs une grande fragilité dans son positionnement – nous voyons l’expression d’un aveu de faiblesse de la part des opposants. Nous assistons encore à une certaine attente de la part de groupes de l’opposition envers leurs parrains américains, afin que ces derniers prennent la décision d’exclure Bachar al-Assad pour les mettre à la tête d’un nouveau régime en Syrie.

Incontestablement, et particulièrement depuis l’attaque chimique du 21 août dernier, beaucoup d’opposants ont été frustrés et déçus de voir que les pas dessinés par les Etats-Unis semblaient aller dans le sens d’une garantie de longévité supplémentaire au régime de Bachar al-Assad.

A ce stade du conflit, il est donc encore possible d’envisager une résolution politique qui maintiendrait le président Bachar al-Assad ?
 

Barah Mikail : Je crois que Bachar al-Assad est parti pour durer. Sauf circonstances imprévues, le président syrien décidera de se maintenir à travers les apparences de légalisation de son pouvoir.

Ce n’est plus un secret, il prévoit l’organisation de nouvelles élections en 2014, auxquelles il se présentera.

Dans la situation actuelle, Bachar al-Assad insistera sur la force de son positionnement – je crois qu’il reste l’homme fort du pays –, sur le fait qu’il n’y a pas d’alternatives à son pouvoir. À partir de là, il organisera des élections auxquelles il ne permettra qu’à un partie restreinte de ses opposants de participer. À l’issue, il pourra dire qu’il aura remporté haut la main ces élections. C’est le scénario que je vois se dessiner pour le moment.

La situation sur le terrain donne-t-elle l’avantage au régime ou à l’opposition ? Cet avantage aura-t-il son importance durant les négociations ?
 

Barah Mikail : Si Bachar al-Assad n’était pas en position de force, je ne crois pas que les Etats-Unis auraient délaissé leur rhétorique menaçante au profit d’une conférence. Une partie du territoire syrien échappe à la mainmise du régime et de l’armée, mais dans le même temps, d’autres parties du territoire demeurent totalement sous contrôle. Je parle notamment de la région côtière, maintenue par le régime.

On a souvent entendu que le régime ne contrôlait que 30 % du territoire syrien et que son contrôle ne se concentrait que sur les zones à majorité alaouite, tout est faux. Il est vrai qu’au nord, à la frontière avec la Turquie et l’Irak, il y a une grande partie qui échappe à Bachar al-Assad mais, dans la globalité, il se maintient.

En outre, l’armée syrienne, malgré les défections, est une armée qui continue à se tenir et à défendre une position voulue par le régime. Il y a donc une position de force du régime sur le plan militaire, sur le plan gestionnaire et également sur le plan politique puisque Bachar al-Assad demeure la personne forte contre laquelle personne n’a réussi à faire émerger une alternative.

L’acceptation par Bachar al-Assad du démantèlement de son stock d’armes chimiques participe-t-elle également à cette position avantageuse face à la communauté internationale ?
 

Barah Mikail : Le président syrien a tout de suite accepté de participer au démantèlement de ses armes chimiques et pour l’instant il semble respecter la procédure. Il se dit donc qu’il a fait son devoir et sait également qu’il a un soutien et des garanties russes sur son pouvoir. À partir de là, il semble demander à la communauté internationale de montrer ce qu’elle est capable de faire si vraiment elle tient à la résolution de ce conflit.

Que peut-on donc attendre de Genève 2 ?
 

Barah Mikail : Ne nous attendons pas à ce que Genève 2 résolve la situation en Syrie. Même si – hypothèse improbable – l’opposition parvenait à s’unifier, et à définir avec le régime les modalités d’une transition politique, d’autres enjeux qui échapperont sans doute à Genève 2 ne seraient toujours pas réglés.

Je parle notamment des djihadistes et des islamistes qui sèment le chaos dans les zones dans lesquelles ils se trouvent. Je parle également du fait que les principaux soutiens de ces formations islamistes – Arabie saoudite et Qatar, notamment – se verraient difficilement changer de posture et arrêter leur soutien à ces formations, car cela signifierait leur échec face à Bachar al-Assad.

Pour toutes ces raisons, je crois qu’au mieux, on aura un début d’accord sur les modalités d’une transition politique en Syrie qui inclurait un maximum d’opposants à l’action de Bachar al-Assad. Je ne pense pas qu’on puisse aller plus loin puisqu’il paraît impossible de concilier les demandes de l’opposition avec celles du régime.

Pensez-vous que cette conciliation soit possible à long terme ?
 

Barah Mikail : Un jour peut-être. Mais pour l’instant, absolument pas. Je crois qu’on a même tort de vouloir trop se concentrer sur l’aspect interne de la confrontation entre Bachar al-Assad et ses opposants. Certes les réalités de terrain ont leur importance, mais dans le même temps, ce qu’il convient de voir, ce sont les modalités de confrontation entre différents pays engagés dans le conflit syrien, l’Iran, la Russie et le Hezbollah libanais d’un côté, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie de l’autre.

Tous ont trouvé leur positionnement en Syrie. Baisser la nature de leur soutien pourrait commencer à changer les choses et à alléger la portée des conflits. Cependant, nous sommes loin d’un tel changement et cette guerre par procuration en Syrie se poursuivra.

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