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Les parties ne lâchent rien, Genève 2 est au point mort

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Des manifestants anti-Assad défilent à Genève. (Olivier Borgognon / Shutterstock.com)

JOL Press : Le régime syrien s’entretient avec l’opposition depuis bientôt une semaine et, depuis quelques jours, à huis clos. Comment se sont déroulées ces réunions jusqu’à présent ?
 

Barah Mikaïl : Difficilement. Les deux parties avaient témoigné d’une grande méfiance lors de l’ouverture de Genève 2, mercredi 22 janvier, et il était alors difficile de discerner les éléments qui pourraient les réunir et permettre une initiation positive des négociations.

Par la suite, on est tombé dans l’incertitude quant à la possibilité, ou non, de voir ces négociations être lancées. In fine, le chef de la délégation de l’opposition a refusé d’être dans la même salle que la délégation gouvernementale. Face à cela, Wallid Mouallem, chef de la délégation syrienne, a également refusé de se rendre dans la salle et la menée des négociations a été laissée aux numéros 2 de chaque groupe par truchement de l’envoyé spécial de l’ONU, Lakhdar Ibrahimi.

Les deux parties devraient désormais entrer dans le vif du sujet et parler de l’établissement d’un gouvernement de transition. Cependant, force est de constater pour le moment que même sur les sujets qui ont déjà été abordés, notamment les problématiques humanitaires, les avancées ont été plutôt minces.

JOL Press : Les parties n’ont donc pour le moment rien lâché ?
 

Barah Mikaïl : Pour ce que l’on en sait,  pas vraiment. Même à la demande de l’opposition de permettre à une aide humanitaire d’entrer dans Homs, le gouvernement syrien n’a répondu que par son accord pour permettre l’évacuation de femmes et d’enfants.

Pour le moment, et selon les rapports qui nous parviennent, il semblerait que nous n’ayons même pas un embryon d’accord ou au moins de rapprochement des points de vue qui permette d’espérer quoique ce soit d’autre.

JOL Press : A ce jour, peut-on dire que cette conférence suive le trajet qui avait été désiré par les organisateurs ?
 

Barah Mikaïl : La question est déjà de savoir de quel objectif on parle. Je crois qu’il ne faut pas lire Genève 2 qu’à travers les seules requêtes de l’opposition syrienne. Et c’est pourtant une erreur qui est souvent faite. On pose régulièrement comme postulat que ce que veut l’opposition et ce que veulent ses soutiens, à savoir que le départ de Bachar al-Assad et la mise en place d’un gouvernement de transition aux conditions de l’opposition seraient les objectifs de Genève 2. On a alors tendance à oublier que les négociations se font entre tous les protagonistes et que chacune des parties a ses propres demandes.

Mais de toutes façons, si le critère est de savoir si Genève 2 suit le trajet de ce que veut l’opposition, alors nous sommes alors véritablement hors champ. Même chose si le critère est de dire que ce qui prévaut est de mettre sur la table ce que l’ensemble des protagonistes ont à négocier. Mais d’une manière ou d’une autre, il va de soi qu’on voulait tabler sur un succès de Genève 2, même minimal. Celui-ci ne sera sans doute pas garanti et la seule satisfaction que l’on pourra sans doute tirer sera d’avoir réussi à réunir les deux délégations.

JOL Press : Vu d’ici, et après l’élimination de l’Iran des négociations, nous avons eu l’impression que Genève 2 tournait à la faveur de l’opposition. Est-ce le cas ?
 

Barah MikaïlC’est une vision assez occidentale de la chose. Les Syriens déplorent le fait que l’Iran ait été écarté au dernier moment des négociations, mais si le régime s’était vraiment senti dans une position de faiblesse du fait de cette absence, il n’aurait tout simplement pas participé aux négociations.

Pour le gouvernement syrien, le critère principal réside dans la situation sur le terrain. Or ce dernier est en train de faire la différence, et les opposants ne sont pas en position favorable.

Il ne faut pas oublier non plus que de nombreuses pressions ont été faites tant sur le régime syrien que sur l’opposition. Cela n’a pas été vraiment repris dans la presse mais les Américains, et Robert Ford qui est encore officiellement ambassadeur en Syrie, se sont entretenus au préalable en Turquie avec certains représentants de l’opposition afin de les forcer à participer à Genève 2.

Dans la globalité, et malgré les apparences que d’aucuns cherchent à entretenir, je crois que le régime syrien reste encore en posture favorable. S’il y a un accord ou un début d’accord, la délégation gouvernementale syrienne ne signera qu’à des conditions qu’elle n’estimera pas périlleuses pour l’avenir du régime. S’il n’y a pas d’accord, le régime sera en mesure de dire qu’il a affiché sa bonne volonté et accusera l’opposition de n’avoir pas été assez souple.

Dans tous les cas de figure, je réfute l’affirmation selon laquelle la délégation gouvernementale syrienne aurait peur ou se sentirait seule ou isolée. Le régime syrien, et on le voit avec le seul fait de sa participation à Genève 2, sait qu’au pire, il n’aura rien à perdre de sa participation.

 

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press.

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