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Pourquoi l’extrême droite espagnole ne décolle-t-elle pas?

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JOL Press : Aujourd’hui, qui représente l’extrême droite en Espagne ?
 

Xavier Casals : Aujourd’hui, deux forces en Espagne ont une présence institutionnelle – seulement au niveau local : ces deux forces sont la Plataforma per Catalunya [PxC] et España 2000, qui a son siège à Valence mais qui a quand même un élu dans la commune d’Alcalá de Henares, près de Madrid, où il y a tout de même plus de 200 000 habitants. La Plataforma per Catalunya a eu 65 905 voix aux dernières élections locales en Catalogne en 2011, soit 2,3% et 67 élus. Le parti España 2000 a eu 8 066 voix lors des élections de la Communauté valencienne [l’une des 17 communautés autonomes d’Espagne] soit 0,3% et 4 élus – et un autre à Alcalá de Henares.

La Plataforma est un parti populiste, très semblable à d’autres partis d’extrême droite en Europe. Parmi ses soutiens européens, il y a notamment le FPÖ [parti nationaliste autrichien], le Vlaams Belang [parti nationaliste flamand en Belgique] et elle a des liens avec la Lega Nord en Italie. La Plataforma soutient l’axe autonomiste et non indépendantiste de la Catalogne, alors que le débat porte maintenant sur l’indépendance de cette communauté autonome.

JOL Press : Quelles sont les grandes thématiques propres à l’extrême droite espagnole ?

Xavier Casals : L’opposition à l’islam, le « chauvinisme du bien-être », c’est-à-dire la volonté que les prestations de l’État-providence soit réservées aux Espagnols, et la défense des secteurs sociaux qui ont souffert du poids de la crise économique. La Plataforma per Catalunya a donc trouvé un vote populaire, notamment auprès des chômeurs, et a réussi à avoir un élu dans la ville de L’Hospitalet de Llobregat, une cité ouvrière située à côté de Barcelone et troisième ville de la Catalogne. España 2000 a un discours semblable, elle est aussi contre l’indépendance, revendique un nationalisme espagnol très fort, et imite ce que peut faire Aube dorée [le parti néo-nazi] en Grèce, lorsque les membres du parti distribuaient gratuitement des aliments à la population par exemple.

JOL Press : Pourquoi l’extrême droite espagnole n’est-elle pas parvenue à gagner du terrain pendant la crise ?
 

Xavier Casals : Pour différentes raisons. La première, c’est que l’Espagne, comme la Grèce et le Portugal, a connu la dictature anticommuniste qui a permis pendant les années Franco la diffusion de discours d’extrême droite archaïques, xénophobes et racistes qui n’avaient pas évolué depuis les débuts de la dictature. L’extrême droite était en effet une extrême droite nostalgique du passé et, après la mort de Franco, la société espagnole voulait allait de l’avant et ne pas regarder vers ce passé franquiste.

Les discours anti-immigration n’ont pas non plus beaucoup pris en Espagne, car le pays a été traditionnellement une terre de départ d’immigrants espagnols, partis en Allemagne, en France, en Suisse etc. C’était donc difficile, après cela, de tenir un discours anti-immigration. La société espagnole a aussi désiré pendant longtemps être présente au sein de l’Union européenne et s’est donc davantage ouverte.

JOL Press : Les déçus les plus à droite du Parti populaire (PP) pourraient-ils faire scission et créer une nouvelle extrême droite ?
 

Xavier Casals : Cela vient justement de se produire. Mi-janvier, une frange très conservatrice du PP a fait scission pour former un nouveau parti qui s’appelle Vox, dirigé par Alejo Vidal-Quadras, vice-président du Parlement européen. Vox souhaite l’abolition de l’État autonomique [État qui reconnaît que certaines entités sont plus autonomes que d’autres], la régénération démocratique, la défense de la famille (ce que le parti appelle « la politique de la vie »), et l’Espagne comme État-nation.

JOL Press : L’extrême droite espagnole pourrait-elle remporter quelques sièges aux élections européennes ?
 

Xavier Casals : Actuellement, l’extrême droite espagnole n’a selon moi pas beaucoup de chances de remporter des sièges pour ces élections. Elle est aujourd’hui extrêmement fragmentée et territorialisée et, contrairement à d’autres pays européens, il n’y a pas un grand parti national d’extrême droite, avec un leader suffisamment visible qui puisse unifier tous les courants extrémistes.

La concurrence de Vox peut également satelliser un vote extrémiste : le mystère continue de planer pour savoir qui peut soutenir ce nouveau parti. Il peut avoir les voix de protestation contre le PP mais aussi d’autres votes extrémistes de droite mécontents, par exemple, de la politique d’indépendance de la Catalogne. Mais pour l’instant, on ne voit pas de possibilité d’une véritable force d’extrême droite espagnole au Parlement européen.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Xavier Casals est un historien espagnol, spécialiste de lextrême droite en Espagne et auteur du livre Le Peuple contre le Parlement. Le nouveau populisme en Espagne, 1989-2013, Pasado Y Presente, 2013. Il tient également un blog sur le sujet.

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