Site icon La Revue Internationale

Kurdistan: le PKK, grand gagnant de la lutte contre l’État islamique?

[image:1,l]

Un militant du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan. Les combattants portent généralement un keffieh et un treillis kaki. (Crédit photo : Sadik Gulec / Shutterstock.com)

Au Kurdistan irakien, la lutte continue entre les djihadistes de l’État islamique (EI) et les combattants kurdes – les peshmergas – qui tentent de repousser l’incursion des extrémistes sunnites sur le territoire. 

Avec l’aide des armées occidentales, qui ont commencé cet été à leur livrer des armes, les Kurdes ont réussi à reprendre la ville de Makhmour, à 50 kilomètres d’Erbil, la capitale du Kurdistan. La ville était aux mains des islamistes.

Mais les peshmergas ne sont pas les seuls Kurdes à s’être engagés avec fermeté contre les djihadistes de l’EI. La branche armée du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, a elle aussi pris position dans le conflit. Son objectif est le même : éliminer les djihadistes qui entendent imposer leur vision radicale de la charia, la loi islamique, et menacent de faire voler en éclat les fragiles frontières de la région autonome kurde.

Liste noire

Le PKK, groupe d’idéologie marxiste-léniniste formé à la fin des années 70 par Abdullah Öcalan – aujourd’hui en prison – est en opposition armée avec la Turquie depuis trente ans. Le gouvernement turc accuse le groupe autonomiste d’être responsable de la mort de plus de 5 000 civils.

Placé sur la liste noire des organisations terroristes de plusieurs pays, dont les États-Unis, la Turquie et l’Union européenne, le Parti travailliste kurde a entamé depuis deux ans un processus de paix avec Ankara.

L’expansion des djihadistes sunnites en territoire irakien a poussé le groupe, qui étend son influence aux régions kurdes de Turquie, de Syrie, d’Iran et d’Irak, à prendre les armes contre l’EI. Après avoir mené une opération début août dans le Sinjar, une région à l’ouest de l’Irak proche de la frontière syrienne, le PKK s’est lancé dans la reprise de Makhmour. Il est également en première ligne dans la région de Kirkouk, à l’est du pays, prêtant main forte aux peshmergas.

Projet de société

« Le déploiement de combattants du PKK dans le nord de l’Irak face aux djihadistes est un fait inédit », écrit Allan Kaval, envoyé spécial pour Le Monde depuis Erbil. « Il est la conséquence, presque mécanique, de l’enracinement de l’organisation [kurde] en Syrie depuis deux ans », notamment via le parti politique kurde syrien, le PYD (Parti de l’union démocratique).

« Cet embryon d’État qui se développe sur un territoire non contigu se veut porteur d’un projet de société mettant l’accent sur l’égalité des sexes, l’intégration des minorités religieuses et une certaine forme d’autogestion locale », indique M. Kaval.

Comme les peshmergas, les combattants du PKK accueillent ainsi dans leurs rangs de nombreuses femmes, en treillis, kalachnikov à la main, pleinement engagées dans la lutte contre les djihadistes.

Futur allié des Occidentaux ?

Dans un reportage réalisé par Vice News, qui a rencontré certains de ces combattants, les « guérilleros » du PKK expliquent qu’ils tentent d’empêcher les insurgés islamistes de mettre la main sur des villages non-arabes : « beaucoup de ces villages abritent des minorités, comme les Yézidis et les Shabaks, considérés comme des infidèles et persécutés par l’État islamique ». Le PKK apparaît ainsi aux yeux de certaines populations irakiennes comme un rempart contre les djihadistes.

Les Occidentaux vont-ils devoir s’allier aux combattants du PKK, bien armés pour lutter contre l’organisation de l’État islamique ? Rien n’est encore sûr. Mais certaines voix, en Europe et Outre-Atlantique, se font entendre pour rayer le Parti des travailleurs du Kurdistan de la liste des organisations terroristes, et des pétitions circulent pour faire libérer Abdullah Öcalan.

Divisions

Malgré les tentatives du PKK de redorer son image, celle-ci reste néanmoins ternie, y compris au Kurdistan irakien. Les faits d’armes du groupe et son alliance de circonstance avec les peshmergas n’effacent pas les divisions qui existent entre le Parti des travailleurs et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) du président kurde Massoud Barzani, qui ne voit pas d’un bon œil les ambitions régionales du PKK.

Quitter la version mobile