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Turquie: l’AKP autorise le port du voile dans les collèges et lycées

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Photo DR Shutterstock

En Turquie, une nouvelle mesure annoncée par le ministre turc de l’Éducation mesure suscite la colère des défenseurs de la laïcité. Le gouvernement AKP a autorisé, mardi 23 septembre, le port du voile islamique dans les collèges et lycées. « Tout le monde peut vivre sa vie comme bon lui semble (…). Nous avons décidé d’avancer vers une approche plus libérale dans l’enseignement au sujet d’un problème suscitant des inquiétudes depuis longtemps », a déclaré lundi 22 septembre, sur la chaîne privée NTV, le Premier ministre Ahmet Davutoglu, arguant que la levée de l’interdiction du port du foulard dans les administrations n’avait pas suscité de « conflits » en 2012.

Libéralisation du foulard

Deux ans plus tôt, Recep Tayyip Erdogan, alors chef du gouvernement turc, avait en effet aboli l’interdiction de porter le voile islamique dans le secteur public et dans les universités. « C’est une interdiction douloureuse qui a causé beaucoup de souffrances: elle est enfin terminée. Une ère sombre a pris fin » avait-t-il lancé à l’assemblée, dans le cadre de réformes destinées à « démocratiser le pays ». 

Il avait également exhorté les parlementaires à respecter la décision de ces quatre députées qui s’étaient présentées, têtes voilées, à une séance du parlement turc, en déclarant qu’il « n’y avait aucun règlement au Parlement qui l’interdise et chacun doit respecter la décision de nos sœurs à ce sujet ».

La Turquie condamnée pour « violation du droit à l’instruction »

Dans un pays laïc – depuis les réformes d’Atatürk, en 1923 – les Turcs sont de plus en plus nombreux à dénoncer la dérive « islamiste » du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002.

Une nouvelle loi rendant obligatoire l’éducation religieuse à l’école a poussé la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à condamner la Turquie pour « violation du droit à l’instruction ». Mais le Premier ministre turc voit dans l’enseignement religieux « une nécessité » pour éviter la radicalisation observée dans les pays voisins.

Dans le même temps, des familles de confession alévie protestent contre l’islamisation de l’école dans le pays :

« En Turquie, les écoliers qui entrent dans le système secondaire passent un examen d’entrée. Ils doivent donc faire des choix de filières et sont sélectionnés pour obtenir les filières qu’ils ont choisies, par un examen national (le TEOG). Le problème actuel concerne les 40 000 élèves qui n’ont pas obtenu leur choix et qui se retrouvent placés, par défaut et contre leur gré, dans des établissements confessionnels, les imam hatip lisesiler » explique Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble, chercheur associé à l’Institut Français d’Études Anatoliennes d’Istanbul et spécialiste de la Turquie pour qui il s’agit d’une « évolution de fond du système éducatif turc ».

Laïcité menacée ?

Assiste-t-on comme le dénoncent les défenseurs de la laïcité à une islamisation du système éducatif  ? Pour Jean Marcou, « l’éducation est l’un des enjeux de la confrontation entre les laïques et les conservateurs religieux, notamment depuis le ‘coup d’Etat post-moderne’ de 1997 ».

« Depuis 2010, il y a une nette tendance du gouvernement à vouloir faire de l’enseignement confessionnel, la norme. Elle s’observe dans cette dernière affaire des élèves placés d’office dans des lycées imam hatip. Elle s’était aussi illustrée, en 2012, dans la réforme d’ensemble du système éducatif (dite réforme du 4+4+4), qui en fait a modifié celle accomplie au moment du « coup d’Etat post-moderne », et qui apparaissait comme une sorte de réponse du berger à la bergère » poursuit Jean Marcou.

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