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Après douze ans de négociations, un accord est signé avec l’Iran sur le dossier nucléaire

Tout commence en 2002 lorsqu’un dissident iranien, Alireza Jafarzadeh, révèle la construction, dissimulée par Téhéran, d’un site d’enrichissement d’uranium à Natanz et d’une installation d’eau lourde à Arak. Ces dissimulations conduisent les Américains à accuser les autorités iraniennes de mettre au point secrètement « des armes de destruction massive », dans un contexte post-attaques terroristes du 11 septembre 2001. Au bout de deux ans, les négociations s’enlisent. Face aux blocages, les Iraniens perdent patience et relancent leur programme nucléaire. L’élection du très nationaliste président Mahmoud Ahmadinejad, en 2005, achève cette tentative de rapprochement. En 2006, l’ONU adopte sa première résolution prévoyant des sanctions contre l’Iran. Cinq autres suivront.

Ce texte vise à limiter l’enrichissement d’uranium et la production de plutonium. Pour ce faire, la centrale à eau lourde d’Arak sera modifiée pour ne pas avoir la capacité de produire du plutonium à vocation militaire. Importante nuance par rapport aux négociations de l’ère 2003-2005 : il n’est plus question de démanteler le programme nucléaire iranien, mais bien d’empêcher le développement clandestin d’un programme nucléaire militaire. En échange, les sanctions économiques à l’encontre de l’Iran seront levées graduellement, notamment les avoirs gelés à l’étranger qui représentent près de 150 milliards de dollars (environ 135 milliards d’euros).

Il est de batailles de longue haleine. La signature des accords encadrant le développement du programme nucléaire iranien est une de celle-ci. Malgré les embûches rencontrées, le président Obama remporte son premier succès diplomatique majeur sur la scène internationale. L’accord conclu entre l’Iran et les grandes puissances est un « moment historique » et un « nouveau chapitre d’espoir » s’ouvre, a déclaré mardi Mohammad Javad Zarif, lors d’une conférence de presse. Il faudra toutefois convaincre en interne, qu’il s’agisse de la frange la plus radicale des gardiens de la révolution islamique où des républicains les plus bellicistes au Congrès américain afin que ce premier pas puisse se solder par une désescalade militaire au Moyen-Orient.

Avec une inflation de 15 % et un chômage proche des 20 %, l’Iran était à bout de souffle, et ces nouvelles ont été accueillies par les liesses des habitants du pays de 77 millions d’habitants. Les premières sanctions pourront être levées à partir du premier semestre 2016 si Téhéran respecte ses engagements. En cas de violation de l’accord, elles pourront être rétablies et cela pendant quinze ans. L’ouverture économique du pays pourrait avoir des conséquences sur les libertés individuelles. Pascal Boniface, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) estime que « la répression aura moins d’espace ». « La société civile va au fur et à mesure conquérir plus d’espace et grignoter des libertés que le pouvoir ne veut pas pour l’instant lui accorder et qu’il justifie par des menaces extérieures. »

Principal adversaire à la conclusion d’un accord avec l’Iran, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a estimé qu’il s’agissait d’une erreur grave aux conséquences historiques d’une ampleur considérable. « L’Iran va obtenir un sauf-conduit vers les armes nucléaires. Beaucoup des restrictions qui devaient l’empêcher de s’en doter vont être levées », a-t-il déclaré. Lors d’une brève allocution en anglais devant la presse, Benjamin Netanyahu a semblé remettre sur la table l’option militaire en affirmant : « Israël n’est pas lié par cet accord avec l’Iran, car l’Iran continue à vouloir notre destruction. Nous saurons toujours nous défendre. »

Forts d’une grande influence politique, économique et militaire, les Pasadarans craignent aujourd’hui que la levée progressive des sanctions ne se traduise par un affaiblissement de leur pouvoir conjuguée à une normalisation du pays. Or les Pasdarans ont été affaiblis au cours des derniers mois par une série d’échecs. En Irak, l’avancée conjuguée des Pasdarans, des milices chiites et des forces gouvernementales est paralysée depuis le printemps par la pugnacité de Daech. Les pertes humaines iraniennes ont été très importantes dans la vallée du Tigre. Washington espère que le compromis ouvrira la voie à une coopération renforcée avec l’Iran notamment face au groupe Etat islamique qui a conquis de vastes territoires en Syrie et en Irak il y a un an. Le réchauffement prévisible des relations Irano(-russo)-américaines présage néanmoins un premier revers pour l’État islamique, dont l’expansion militaire ne peut être bloquée que par une collaboration entre le deux camps.

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