Hillary Clinton achève, vendredi 2 décembre, un voyage en Birmanie. Première secrétaire d’État américaine à visiter le pays depuis 1955, elle est convaincue du potentiel de ce pays. Alors que les diplomates de l’ère Bush parlaient de la Birmanie comme du « règne de la peur », le président Barack Obama y voit des « étincelles de progrès ». C’est un pays brisé par deux fléaux, la tyrannie de la junte militaire et les lourdes sanctions occidentales, qu’Hillary Clinton a découvert cette semaine.
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Les États-Unis veulent faire confiance à la Birmanie
Le président américain a envoyé Hillary Clinton pour cette courte mission – inimaginable il y a quelques mois encore – qui pourrait bien renverser la rivalité américano-birmane maintenant que la nation ne se trouve plus sous domination chinoise.
« C’est un appui de taille pour le gouvernement birman » déclarait Jim Della-Giacoma, directeur de l’International Crisis Group pour l’Asie du Sud-Est.
« C’est une véritable opportunité pour construire de nouvelles relations stratégiques avec les États-Unis […] Mais pour que cette relation fonctionne, les Birmans vont devoir donner quelque chose en retour. »
Les traces persistantes d’une dictature
[image:2,s]Ce que les Américains veulent de la Birmanie est clair : la libération des 1 600 prisonniers politiques, la restauration de la liberté commerciale et la fin de la guerre civile qui ravage les jungles birmanes.
Les États-Unis fondent leurs repères politiques sur Aung San Suu Kyi, la fille du fondateur de la Birmanie, assassiné en 1947. Pendant son voyage de trois jours qui s’achève le 2 décembre, Hillary Clinton rendra visite à cet emblème de la démocratie.
« Notre objectif est aussi de nous assurer que les réformes sont toujours en cours » déclarait Aung San Suu Kyi lors d’une interview par Skype pour le Conseil pour les Relations Internationales, peu de temps avant l’arrivée d’Hillary Clinton sur le sol birman. « Je pense que ses objectifs sont les mêmes. »
Sur le papier, au moins, la Birmanie n’est plus dirigée par la plus longue dictature militaire au monde. Les élections de 2010, clairement truquées, ont donné le pouvoir à un parti politique construit à partir d’anciens militaires loyalistes et d’anciens généraux.
Un renouveau inattendu
Pourtant, ce régime, soutenu par l’armée, a donné naissance à de nouvelles réformes qui ont étonné les observateurs internationaux de la Birmanie.
La presse est désormais plus libre d’aborder les sujets tabous de la pauvreté et des dissidents. Le nouveau Parlement peut également autoriser des manifestations, à condition d’en avertir les autorités cinq jours à l’avance. (Les dernières protestations, en 1988 et en 2007 s’étaient terminées en bains de sang.)
La Birmanie demeure, néanmoins, un état dans le désarroi le plus total. Plus d’un tiers du peuple birman vit dans une extrême pauvreté, selon l’ONU, qui estime que le salaire mensuel par personne est de 27 $.
Le nouveau gouvernement est attendu pour restaurer l’économie birmane. Mais pour ce faire, il devra négocier la fin des lourdes sanctions économiques imposées par les États-Unis, l’Union européenne, le Canada, l’Australie et les autres puissances occidentales.
La Birmanie attend un geste américain
La classe dirigeante semble croire que la visite d’Hillary Clinton réglera vite ce problème. Nay Zin Latt, homme d’affaires et conseiller présidentiel, lors d’une interview exclusive pour Bloomberg déclarait que les relations avec l’Occident « se sont améliorées rapidement et que les sanctions allaient être levées… ce n’est qu’une question de temps. »
Mais la Birmanie n’aura sans doute pas sa première franchise McDonald’s en 2012. L’interdiction des relations commerciales avec la Birmanie est imposée par le Congrès américain. Les politiciens américains ne seront sans doute pas prêts à faire des efforts, pour un pays méprisé, en pleine année électorale.
« Ne vous attendez pas à ce que les sanctions américaines soient levées de sitôt » écrivait Ernest Bower, directeur du programme Asie du Sud-Est au Centre d’Études Stratégiques et Internationales. « Les étapes se franchiront progressivement et cela pourrait prendre des années avant que la confiance ne soit reconstruite et le progrès confirmé. »
Cependant, l’administration Obama peut commencer à délayer certaines sanctions, en autorisant, notamment, des prêts de la Banque Mondiale ou du Fonds Monétaire International, les premiers prêteurs pour les nations en pleine tourmente.
L’omniprésence de la Chine
[image:3,s]Pour le moment, l’économie birmane est sous la coupe de la Chine, qui représente 70 % des 20 milliards d’investissements étrangers dans le pays en 2010-2011. Les Chinois noient la Birmanie sous d’énormes projets destinés à pomper de l’énergie pour la rediriger vers la partie continentale de la Chine. Pékin espère également transformer la côte birmane en un port d’accès chinois vers l’océan Indien.
La visite d’Hillary Clinton est-elle organisée uniquement pour donner aux États-Unis un pied en Birmanie avant que la Chine ne s’y installe complètement ? « Notre approche de la Birmanie n’a rien à voir avec la Chine » déclarait Mark Toner, un porte-parole du Département d’État. « Cela ne concerne que la Birmanie. »
L’arme nucléaire pour la Birmanie ?
Hillary Clinton est aussi attendue pour donner certaines indications concernant le présumé programme d’armement nucléaire birman.
Plusieurs déclarations antérieures suggèrent que la Birmanie serait de mèche avec la Corée du nord afin de développer un véritable arsenal nucléaire. Un ancien directeur de l’Agence pour l’Énergie Atomique, Robert Kelley, déclarait à Global Post l’année dernière que ce programme existait probablement. Cependant, « les moyens de fabrications sont extrêmement pauvres… J’aurais pu acheter leur matériel dans une quincaillerie » ajoutait-il.
L’administration Obama, embarrassée par des accusations selon lesquelles un engagement de haut niveau avec un régime « totalitaire » est prématuré, choisit bien ses mots. Lors de leurs déclarations, Barack Obama et ses diplomates parlent d’une « étincelle de démocratie ».
Mais Hillary Clinton a exprimé le désir de voir ces étincelles « se transformer en un véritable mouvement pour un changement qui sera bénéfique pour les Birmans. » Mais ces réformes ne dépendront sans doute que de ces généraux birmans, reconvertis en politiciens.
Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press