Lundi 2 avril, à Dakar, Macky Sall est investi 4ème président sénégalais. Il écrase son prédécesseur, Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis 2000, avec plus de 65% de voix. Une nouvelle page s’ouvre. Elle devrait débuter par la dissolution du Parlement et l’organisation d’élections législatives anticipées. Il sera au préalable question de la crise au Mali, en marge des cérémonies auxquelles assisteront de nombreux chefs d’État africains.
[image:1,l] La force des symboles. Macky Sall a décidé, selon ses propres déclarations, de réduire le protocole au strict nécessaire, conformément à la situation du Sénégal. Le nouveau président est convaincu de remporter l’adhésion de la majorité des Sénégalais en optant pour la sobriété.
Une investiture dans la sobriété
Des hôtes de marque vont rehausser de leur présence cette cérémonie de prestation de serment qui sera suivie de l’investiture du tout nouveau chef de l’État en tant que 4ème président de la République du Sénégal. Sont attendus à Dakar Alassane Ouattara, président de la Côte d’Ivoire et président en exercice de la CEDEAO, Jorge Carlos Fonseca, président des Iles du Cap-Vert et John Atta Mills, président du Ghana. La France sera représentée par son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, arrivé également à Dakar.
Macky Sall va prêter serment dans la salle des congrès d’un hôtel de Dakar qui a déjà accueilli par deux fois le Sommet de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI). En 2000, Abdoulaye Wade avait choisi le stade Léopold Sédar Senghor et ses 75 000 places pour la même cérémonie.
La crise malienne s’invite aux festivités
L’investiture de Macky Sall ne sera pas le seul évènement du jour. Au chevet du Mali, les chefs d’État de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CDEAO) ont prévu de se réunir en marge de la cérémonie pour aborder la crise politique qui menace l’unité du pays. Les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et d’Ançar Dine contrôlent depuis dimanche 1er avril le Nord du Mali. Les plus grandes villes de la région, Tombouctou, Kidal et Gao sont tombées, laissant dans le désarroi la junte au pouvoir dirigée par le capitaine Amadou Sanogo. Dépassé par les évènements, il a annoncé le rétablissement de la Constitution et des institutions de la République. Une décision précipitée par la CEDEAO qui avait exigée vendredi que l’ordre constitutionnel soit rétabli dans les 72 heures sous peine de fermer les frontières avec le Mali.
Portrait : qui est Macky Sall, ce nouveau président porteur de tant d’espoirs ?
«Mes chers compatriotes, à l’issue du second tour de scrutin de dimanche, les résultats en cours indiquent que M. Macky Sall a remporté la victoire ».
Sortie de la bouche d’Abdoulaye Wade, cette phrase a une saveur toute particulière pour Macky Sall. Qualifié d’«apprenti» par le vieux président, le nouveau chef de l’État sénégalais s’est frayé un chemin dans un paysage politique chaotique et imprévisible. Disciple passé à la dissidence, Macky Sall est un modèle en matière d’opportunisme et de plan de carrière. En moins de 12 ans, cet homme d’apparence débonnaire est passé de l’anonymat le plus complet à la magistrature suprême.
Premier ministre d’Abdoulaye Wade
Après un premier contact avec le monde politique via les organisations étudiantes maoïstes, le jeune Macky Sall prend fait et cause pour le candidat libéral, Abdoulaye Wade, principal opposant au président socialiste Abdou Diouf. Il poursuit en parallèle des études de géophysique et, poussé par ses contacts politiques, prend rapidement la tête de la PETROSEN, la société nationale du pétrole sénégalais.
Il devient ensuite Ministre des Mines et de l’Énergie. Remarqué à ce poste, il est promu Premier ministre lorsqu’en 2004 Abdoulaye Wade remercie Idrissa Seck. Il passe trois années à la tête du gouvernement, trois années durant lesquelles il se concentre sur les grands chantiers du pays. Cependant, les relations avec le président se détériorent rapidement, il est limogé en 2007, remplacé par Cheikh Hadjibou Soumaré. Député, il est élu président de l’Assemblée Nationale.
Vers la dissidence
C’est à ce poste que ses divergences avec Abdoulaye Wade finiront par éclater au grand jour. Lorsqu’il décide de convoquer Karim Wade, le fils du président, pour s’expliquer sur sa gestion des finances de l’ANOCI (Agence nationale de l’Organisation de la Conférence Islamique), Abdoulaye Wade y voit une attaque et n’apprécie pas. En représailles, il réduit le mandat de président de l’Assemblée Nationale de cinq à un an. Devant le refus de démissionner de Macky Sall, Abdoulaye Wade sort l’artillerie lourde : le poste de numéro 2 du parti est supprimé et un procès pour blanchiment d’argent est intenté contre lui ( procès qui débouchera sur un non-lieu ).
Face à ces sanctions politiques, Macky Sall décide d’abandonner tous ses postes officiels et passe à la dissidence. Il part battre la campagne et fonde l’APR Yakaar, une coalition libérale en vue de la présidentielle de 2012.
L’« apprenti » en campagne
Lorsqu’il devient clair que le président sortant compte se représenter, la course à la présidence se transforme en vendetta contre son ancien mentor. Lui qui a souvent été surnommé « l’apprenti » entend bien metre fin aux douze ans de règne de Wade.
Après deux mois de campagne houleuse, il se qualifie pour le second tour. Ironie du sort : lui qui avait cristallisé les critiques de l’opposition à l’époque où il était encore Premier ministre reçoit désormais le soutien des douze autres candidats, unis par leur volonté commune de tourner la page Wade.
Élu après un second tour sans véritable suspense, Macky Sall devient le quatrième président d’un Sénégal réconcilié avec la démocratie. À charge à présent pour lui de se consacrer, sans attendre, aux affaires publiques et de dépasser les vieilles querelles politiques.