Christian Ciganer-Albeniz constate que même si les Français ont exprimé selon lui un vote de sanction des institutions, il n’en reste pas moins qu’en s’attaquant au bouc émissaire de la Finance et des élites, ils sont en train de renforcer le pouvoir bureaucratique, celui-là même qu’ils entendent critiquer. Comment la France va-t-elle pouvoir éviter de s’enfoncer dans le chaos budgétaire? Christian Ciganer-Albeniz en appelle à l’union nationale, unique recours selon lui, pour que la France préserve son intégrité et son indépendance.
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Au soir de ce premier tour des élections présidentielles, il flotte sur la France comme un parfum de déjà-vu.
La Finance accusée à tort
Au-delà du score des deux qualifiés pour le second tour, les médias ont particulièrement mis l’accent sur le niveau très élevé du Front National.
Certes, il s’agit là d’une grande première sous la Vème République, mais le plus marquant reste pour beaucoup d’entre nous, l’exceptionnel signal que plus de 50% des électeurs nous ont adressé.
Ils n’acceptent plus qu’une minorité puisse dicter sans concertation les règles qui vont leur être appliquées pour les années qui viennent.
Ce phénomène fut certainement, à tort, imputé aux dérives de la Finance. La Finance sans visage, qui a ruiné le contribuable lorsqu’elle était en difficulté et qui, aujourd’hui dicte sa conduite aux pays. La Finance qui fit tomber plusieurs gouvernements européens pour mieux asseoir sa souveraineté sur les Etats endettés et donc vulnérables.
Il y a les riches et aussi ces patrons voyous sans scrupules qui pillent les entreprises pour mieux les délocaliser, dès que la rentabilité n’est plus au rendez-vous.
Mais pour moi, il y a un message qui est clair et que malheureusement peu de journalistes se sont hasardés à commenter, celui d’un vote de rejet des partis dominants, qui se résume au choix d’une tendance politique.
Et pourtant, une autre lecture est indispensable pour pouvoir appréhender l’évolution de notre société française pour les mois et les années qui suivront ce scrutin.
Un vote de contestation anti-euro ?
La question qui se pose depuis le 22 avril, est le devenir de l’Europe dans sa configuration actuelle, des différents traités qui ont été signés et de son fonctionnement.
Nos concitoyens se sont prononcés majoritairement contre l’euro, la technocratie bruxelloise, les plans d’austérité que nos dirigeants envisagent de leur imposer et plus généralement, contre tous les symboles de ce pouvoir qu’ils ne reconnaissent plus comme légitimes.
Le constat est sans appel : plus d’un français sur deux, si l’on totalise les voix de l’extrême gauche, de l’extrême droite et les abstentionnistes, ont manifesté dans les urnes leur rejet d’une gouvernance qu’ils ne comprennent plus et qui les a méprisés depuis trop longtemps pour ne pas être sanctionnée.
Le paradoxe de ce résultat est qu’il va se traduire par le renforcement de ce pouvoir technocratique que les Français pourtant n’acceptent plus, parce qu’il n’a pas trouvé sa légitimité dans le suffrage universel.
Ne nous trompons pas, il ne s’agit pas là, comme certains médias veulent nous le faire croire, d’une réaction de contestation sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy ou sur la volonté d’alternance qui pourrait s’avérer naturelle, mais d’un sentiment beaucoup plus profond.
Le clivage entre bureaucratie et aspirations démocratiques
Le peuple de France dans sa majorité ne se reconnaît plus dans ceux qui le gouvernent, il ne supporte plus de subir la baisse constante de son pouvoir d’achat, les réglementations tatillonnes qui réduisent chaque jour de plus en plus les libertés individuelles et l’autisme chronique des responsables politiques, eux-mêmes otages d’un système qui les a déspossédé de leur pouvoir.
Finalement, en voulant exprimer leur réprobation, les électeurs français s’apprêtent en réalité à remettre leur destin entre les mains de ceux contre lesquels ils se sont révoltés dans les urnes. Car, en désavouant leur classe politique, ils s’empêchent de lui donner les moyens de reconquérir une marge de manoeuvre, nécessaire si celle-ci veut échapper à la toute puissance des bureaucraties diverses.
Comme dans toutes les périodes de crise, le risque existe de succomber aux réflexes communautaires, avec les dérives qui s’en suivent, comme nous l’a déjà montré hélas l’Histoire.
L’enjeu de notre indépendance nationale
Or, notre pays emprunte chaque mois 150 milliards sur les marchés pour pouvoir faire face aux dépenses publiques sans cesse en augmentation.
Pour la première fois de son histoire, l’Agence France Trésor émettra le 16 mai prochain pour 30 milliards d’obligations, ce qui va constituer pour le prochain président, une première épreuve dont les conséquences peuvent s’avérer catastrophiques si elle n’est pas réussie.
Notre indépendance est donc aux mains de nos créanciers et nous ne pourrons plus longtemps repousser à demain les réformes qui doivent sans attendre être faites, au risque de voir le FMI à Paris avant la fin de l’année.
Pour préserver notre autonomie, nous devons nous doter d’un pouvoir politique fort, consensuel et légitime.
Seul un gouvernement de coalition nationale pourrait nous permettre d’apporter une réponse à tous ceux qui voient poindre dans notre pays les prémices du chaos et du désordre.
Nous devons nous unir plutôt que de nous diviser, car les circonstances ne nous laissent pas d’autre choix.
L’unité nationale comme seule option politique
Nos responsables politiques doivent mettre entre parenthèses leurs querelles et leurs ambitions, pour que la France puisse faire face aux difficultés, qu’elle va devoir affronter dans les mois à venir.
Aucun des deux candidats qui restent en lice au soir du premier tour ne peut compter sur une majorité suffisante, pour ne pas voir ses marges de manœuvres contestées. Tant de promesses irréalisables ont été faites au cours de cette campagne, que le réveil risque fort d’être difficile.
Jean Jaurès disait : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots ». Or, depuis le début de cette campagne, nous assistons à un festival de mots, car aucun des candidats traditionnels ne pourra changer les choses sans accepter de mettre en péril sa fragile majorité.
Il y a une forme de fatalité et de résignation dans les programmes qui ont pour la plupart été conçus dans les mêmes sphères administratives et techniques.
Nous devons refuser cette situation qui, comme le prouve la crise gouvernementale que traversent les Pays-Bas depuis quelques jours, ne pourra que nous conduire dans une impasse. Nous nous devons d’agir pour unir nos forces dans ce dernier combat pour préserver notre identité. Mais de cela les Français ont-ils conscience ?