Le favori à l’élection présidentielle mexicaine, Enrique Peña Nieto tente de se défendre d’attaques à tout venant. Mais la playmate qui anime le débat lui vole la vedette, suivie de près par un outsider politique, vers qui tous les regards se tournent : Gabriel Quadri. Le débat présidentiel au Mexique semble peu à peu perdre en crédibilité.
[image:1,l]Beaucoup s’accordent sur le fait que le rendez-vous politique a été clairement dominé par la plantureuse playmate, animatrice du débat opposant Enrique Peña Nieto (du Parti Révolutionnaire) à Gabriel Quadri (écologiste libéral). La voluptueuse présentatrice s’est dandinée devant les candidats dans sa robe au renversant décolleté, et a littéralement éclipsé la rencontre entre les deux politiciens, malgré ses brèves trente secondes d’antenne. Quant aux deux espoirs de la politique mexicaine, ils semblaient être sous le charme et ne parvenaient pas à détacher le regard de la jeune femme, chargée de distribuer la parole à chaque candidat.
Un nouvel espoir
Pour ceux qui ont visionné ce débat présidentiel du 6 mai, un fait encore plus marquant a eu lieu : Gabriel Quadri, un écologiste méconnu du grand public, s’est imposé au cours de cet échange. L’élection présidentielle du 1er juillet prochain s’annonce critique pour le Mexique, qui cherche à redonner une impulsion à sa croissance économique alors que la montée des prix et la stagnation des salaires suscitent un mécontentement général. Un double challenge pour le pays qui est également confronté à un problème d’insécurité lié à la guerre des cartels, délaissée par le gouvernement sortant.
Une nouvelle configuration
Ce premier débat présidentiel ne changera en rien l’issue du scrutin, qui sera certainement en faveur du leader de l’opposition, Enrique Peña Nieto, membre du Parti révolutionnaire institutionnel. Néanmoins, la forte impression laissée par Gabriel Quadri lors de ce débat donne un nouvel élan au petit parti qu’il représente, lui-même associé au très puissant syndicat national unifié des enseignants, réputé savoir susciter la polémique et avoir le pouvoir de faire basculer une élection.
Porté par le soutien des syndicats
Gabriel Quadri est soutenu par le Parti Nouvelle alliance, mené en majeure partie par la présidente du syndicat des enseignants, Elba Esther Gordillo, une des femmes les plus influentes de la politique mexicaine. Probablement la plus controversée, aussi. Elle revendique que son ralliement au parti de la majorité lors des élections de 2006, aurait fortement permis au gouvernement en place aujourd’hui, d’accéder au pouvoir.
L’intervention de Gabriel Quadri dans le débat présidentiel n’était pas censée être remarquée. Celui qui s’est auto-proclamé libéral ne réalisait pas plus d’1% dans les sondages, et n’attirait pas les foules : son discours au Forum économique mondial, tenu à Puerto Vallarta le mois dernier, n’avait réuni qu’une douzaine de personnes.
Élever le débat et marquer les esprits
Pourtant, devant les caméras du World Trade Center de Mexico, il a profité de la chance qui s’offrait à lui et s’est distingué du reste des politiciens présents. Alors qu’ils essayaient tous de s’envoyer des piques, l’outsider réussit à s’élever au-dessus du débat et à parler d’autre chose : de politique.
Enrique Peña Nieto, lui, s’est défendu comme il le pouvait. Il a déclaré par la suite que ses concurrents étaient venus munis de « couteaux aiguisés ».
Un combat de coqs
Josefina Vazquez Mota, membre du Parti Action nationale, l’a attaqué sur la dette faramineuse qu’il a laissée dans un État du Mexique, en raison d’un usage de faux, pour obtenir un emprunt colossal. En guise de défense, Enrique Peña Nieto a répondu que sa détractrice avait été absente bien trop souvent au Congrès. Andres Manuel Lopez Obrador, qui représente un trio de partis de gauche, et qui avait failli emporter l’élection de 2006, s’en est, quant à lui, pris aux médias mexicains, qu’il estime partisans du candidat favori. Une chaîne mexicaine, TV Azteca, a pris la décision de ne pas diffuser le débat, pour lui préférer un tout autre programme : un match de football.
L’outsider dénonce la politique actuelle
Gabriel Quadri se cantonna lui à la politique. Il pointa du doigt les subventions accordées en faveur des firmes de combustibles, leur reprochant d’être plus coûteuses que les programmes en faveur des plus démunis, et insista sur la nécessité d’une protection environnementale.
Twitter aidant, le candidat est devenu la dernière tendance. Mais les tweets tournaient surtout l’évènement en ridicule : certains disaient qu’ils voteraient pour la playmate, d’autres qu’il faudrait plutôt voter pour Antonio Lopez de Santa Anna, un homme politique mexicain qui exerça onze fois la fonction de président du Mexique au 19ème siècle, une sorte de Napoléon.
Un débat politique creux
Les organisateurs du débat ont rapidement présenté leurs excuses pour l’accoutrement « discutable » de l’assistante. Les médias internationaux en ont fait leurs choux gras, au lieu de se concentrer sur l’élection déterminante pour l’avenir du Mexique. « Le fond du débat était tellement vide que la playmate a fait meilleure impression que les candidats », déclara Aldo Muñoz Armenta, professeur de Sciences politiques à l’Université nationale autonome du Mexique.
Une ascension immédiate
Un sondage réalisé par le journal El Universal à la suite du débat, indique qu’Enrique Peña Nieto est considéré en tête de cet échange politique à 31.6%, contre Gabriel Quadri à 18.4%.
Un avis que Carlos Marin, du quotidien mexicain Milenio, ne semble pas partager. Selon lui, l’outsider aurait mené le débat, mais qu’il n’en demeure pas moins « condamné à rester à la dernière place ». Le plus important reste encore qu’il obtienne 2% des suffrages, ce qui permettrait au Parti Nouvelle alliance d’être indemnisé en tant que parti politique. Gabriel Quadri voit déjà sa cote augmenter : un sondage lui attribue 3.2% des voix, soit une hausse de 50% par rapport à de précédents sondages.
Dans ses spots publicitaires, le candidat demande toujours à ses partisans s’il peut compter sur eux. Après sa participation remarquée au débat, la réponse sera probablement oui.
Global Post / Adaptation Amélie Garcia – JOL Press