La nouvelle vient de tomber. France-Soir, c’est fini. Celui qui fut l’un des premiers quotidiens nationaux français, sous la houlette de Pierre Lazareff, vient de connaître une fin officielle, après quelques rebondissements : le Tribunal de Commerce de Paris a finalement prononcé lundi 23 juillet 2012 la liquidation du titre historique. Une seule offre en lice pour la reprise du titre était celle du groupe Lafont Presse, rejetée à l’unanimité par les salariés et les élus de France Soir. Fin de partie pour ce titre légendaire.
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La nouvelle vient de tomber. France-Soir, c’est fini. Celui qui fut l’un des premiers quotidiens nationaux français, sous la houlette de Pierre Lazareff, a appartenu à ces titres emblématiques qui ont eu leur heure de gloire dans les années 1950, avant de reculer et de subir de plein fouet l’arrivée de ses concurrents. Sous la houlette de son dernier repreneur, le Russe Alexandre Pougachev, France-Soir n’a finalement pas atteint ses objectifs de viabilité. Il était devenu le premier quotidien « papier » à passer à 100 % sur le Web, après une vague de licenciements. Placé en procédure de sauvegarde jusqu’à fin juin 2012, le site d’information avait été arrêté et la société mise en liquidation. LeTribunal de Commerce de Paris a finalement prononcé lundi 23 juillet 2012 la liquidation du titre historique. Une seule offre en lice pour la reprise du titre était celle du groupe Lafont Presse, rejetée à l’unanimité par les salariés et les élus de France Soir. Fin de partie pour ce titre légendaire..
Clandestinité : l’ère des fondateurs
France-Soir fut fondé par Robert Salmon et Philippe Vianney en 1944 à la Libération. Il est l’héritier du journal clandestin Défense de la France, créé en 1941 par les mêmes Robert Salmon et Philippe Vianney, figures de la jeunesse résistante. Le premier numéro de « France-Soir-Défense de la France » paraît le 7 novembre 1944. Philippe Vianney est un ancien chef des maquis FFI de Seine-et-Oise, tandis que Robert Salmon siège notamment au Comité parisien de Libération et dans le Mouvement de Libération nationale.
France-Soir crée Le Journal du Dimanche
Dès 1946, France-Soir fusionne avec la filiale du groupe Hachette, Publi-France, dont le fondateur avait été rédacteur en chef de Paris-Soir. En 1948, France-Soir crée un supplément hebdomadaire, Le Journal du Dimanche, qui deviendra indépendant quelques années après et qui reste aujourd’hui un journal important du paysage médiatique français.
L’âge d’or avec Pierre Lazareff
Pierre Lazareff arrive tout droit des États-Unis où il dirigeait depuis l’Office of War Information les émissions à destination de l’Europe sous occupation nazie, pour rejoindre la rédaction de France-Soir. En 1949, lors du rachat par Hachette, il est nommé directeur général et gérant de la société éditrice. Pierre Lazareff est le rouage central du journal : pionnier, il cherche sans cesse à dynamiser le titre. Une attitude de recherche permanente qui fera de lui, en 1959, le créateur de la première émission de télévision, Cinq colonnes à la une. À sa mort, en 1972, « Pierrot les bretelles », comme le surnommait le milieu, reçoit un hommage unanime. Aussi son nom est-il donné à un square, rue Réaumur, face aux locaux historiques de France-Soir.
France-Soir devient un « grand »
Le cap du million d’exemplaires est franchi dès 1953 dans la foulée des premiers événements des guerres de décolonisation. Pendant la guerre d’Algérie, le quotidien va voir son tirage culminer à 1,5 million d’exemplaires, particulièrement au moment des attentats de l’OAS et du putsch des généraux (1 115 700 exemplaires par jour).
Le succès au rendez-vous
Cette période correspond à l’âge d’or du journal qui se forge une excellente réputation dans les années 1950, notamment grâce à ses grands reporters, futurs romanciers à succès, tels Joseph Kessel, Philippe Labro ou Lucien Bodard. Son succès repose sur son dynamisme, une information sans cesse renouvelée (7 éditions par jour), et son accessibilité : beaucoup d’images percutantes et surtout, un prix très bas.
Traversée du désert
Les ventes commencent à décliner dès les années 1960 malgré quelques rebonds épisodiques – celui du 9 novembre 1970 où le quotidien atteint une diffusion de 2 264 000 exemplaires à l’occasion la mort de De Gaulle. En 1969, France-Soir supprime son célèbre bandeau, « le seul quotidien vendant plus d’un million d’exemplaires ! » La mort de Pierre Lazareff précipite le déclin du journal qui voit ses ventes s’effondrer. Jusqu’en 2006, les repreneurs se succèdent, multiplient les « liftings », suppriment les emplois, passent au format tabloïd. Peine perdue, les ventes demeurent en berne.
L’épisode des caricatures de Mahomet
France-Soir revient sur le devant de la scène en 2006 à l’occasion de la diffusion des très polémiques caricatures de Mahomet reprises du journal danois Jyllands-Posten. Cette polémique va créer des remous au sein de la rédaction et ne profite finalement pas à l’audience du journal, mais déstabilise plutôt son positionnement qui se veut à l’époque plus convivial.
Alexandre Pougatchev entre en scène
En proie à d’importantes difficultés financières, France-Soir est repris d’abord par l’homme d’affaires Jean-Pierre Brunois, peu au fait du métier, dont les thématiques favorites s’alignent, aux yeux de ses visiteurs, sur un cahier manuscrit… Brunois revend le titre au jeune milliardaire russe Alexandre Pougachev, fils d’un nouveau riche russe bientôt en délicatesse avec Poutine, en 2009. Depuis, le journal a changé deux fois de formules en moins de deux ans, la dernière se voulant résolument « plus claire, plus aérée et plus moderne ». Néanmoins, il peine à reconquérir son audience. L’objectif de ces nouvelles formules est d’allier modernisme et populaire afin d’atteindre au plus vite les 100 000 exemplaires.
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Le pari raté du numérique
Après 70 millions d’euros d’apports en compte courant, l’apprenti papivore jette l’éponge : il décide d’abandonner l’édition papier pour essayer de retrouver un équilibre en ligne. Mais à part une effusion sociale et l’économie d’impression qui vont redonner un peu de temps à l’aventurier russe, Alexandre Pougatchev n’en finit plus de jouer les bailleurs de fonds : las, celui-ci jette l’éponge en juin 2012.
Fin de partie
Placé en procédure de sauvegarde jusqu’à fin juin 2012, le site d’information a été arrêté et la société mise en liquidation. Le tribunal de commerce de Paris a finalement prononcé lundi 23 juillet 2012, la liquidation du titre historique. Une seule offre était en lice pour la reprise du titre, celle du groupe Lafont Presse, rejetée à l’unanimité la semaine dernière par les salariés et les élus de France Soir. Fin de partie pour ce titre légendaire décidément moribond.
Citations
« Lu aussi bien au Quai d’Orsay que chez Renault », formule de Pierre Lazareff.
« Faites comme tout le monde, lisez France-Soir », slogan des années 1950.
Anecdote
Au début, France-Soir et Paris-Soir sont souvent vendus ensemble, les vendeurs portent même une seule casquette avec les noms des deux journaux. Un jour, un fait-diversier présente son papier à Lazareff : « Un ouvrier chute d’un toit et se tue ». Lazareff rouspète, prend son crayon, biffe le titre : « Il tombe du toit : une veuve, deux orphelins ».
Référence
France-Soir apparaît dans À bout de Souffle de Jean-Luc Godard, lorsque le héros (incarné par Jean-Paul Belmondo) en fait la une.
Bibliographie
La photo à la Une : Paris-Soir, France-Soir, Philippe Labarde et Didier Pourquery, Ed. Association Paris-Musées : démonstration de la place prépondérante que France-Soir a occupée sur le terrain de la photo d’actualité. Un voyage au cœur des archives photographiques de Paris-Soir et de France-Soir en 110 000 images sur la période 1920-1967.
Chemin faisant : Tome 2, L’épopée France-Soir, suivie d’Au temps des loisirs, Robert Salmon, Ed. Little Big Man : le parcours de Robert Salmon à France-Soir, un portrait de l’un des acteurs majeurs de l’histoire, modeleur de l’identité du journal.
En bref
Pays : France
Périodicité : quotidien
Format : berlinois
Genre : généraliste
Diffusion : 77 106 ex. (2010)
Date de fondation : 1944
Date de liquidation : 2012
Dernier propriétaire : Alexandre Pougatchev
Site web : www.francesoir.fr
Dernière adresse : 4 rue Léon Jost, 75017 Paris