A chaque Tour de France, les critiques se déchaînent sur le dopage qui gangrènerait le cyclisme professionnel. L’épreuve aurait perdu tout intérêt sportif, tant les coureurs seraient dopés. Dès lors, on préfère se concentrer sur de « vrais sports », des sports propres. Mais ceux-ci ne sont-ils pas tout simplement moins contrôlés ?
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Cyclisme, athlétisme : des boucs émissaires ?
Le cyclisme souffre d’une mauvaise image, et en particulier lors du Tour de France, en matière de dopage. Il faut dire que presque chaque nouvelle édition de la Grande Boucle apporte son lot d’affaires, de contrôles positifs et de suspensions médiatisées. Des stars du vélo, comme Lance Armstrong et Alberto Contador, sont notamment dans l’œil du cyclone. De quoi ruiner le moral de bien des amateurs de cyclisme, et de dégoûter téléspectateurs et journalistes sportifs de tous horizons. Chaque année, le traitement médiatique de ces affaires est extrêmement complet, détaillé, scrupuleux et le ton est parfois largement vindicatif. Toutefois, la multiplication des affaires n’est-elle pas la preuve de l’existence d’une véritable lutte anti-dopage ?
L’athlétisme, également, a connu et connaît toujours son lot de scandales et d’indignations, avec de très grands champions contrôlés positifs et déchus. On pense par exemple au dopage avéré de Marion Jones ou de Tim Montgomery, ou bien aux fortes suspicions autour de la retraite soudaine de Florence Griffith-Joyner, qui correspond chronologiquement et de manière assez opportune au renforcement des mesures anti-dopage. Là encore, qui dit beaucoup de cas décelés dit beaucoup de contrôles.
Ces sports ne payent-ils pas médiatiquement les efforts, réels, qu’ils ont consentis pour lutter contre le dopage ? Au contraire, les médias ne devraient-ils pas se concentrer sur ces sports à la réputation blanche comme neige, mais qui n’ont en réalité comme seul « mérite » que celui de ne pas contrôler les athlètes qui le pratiquent ?
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Tennis : une lutte pour le moins conciliante
Le tennis est le premier d’entre eux. Sport élégant, sport de gentlemen, il jouit d’une cote de popularité assez forte, et peu de ses grands champions sont impliqués de près ou de loin dans des affaires de dopage.
Et pourtant, si l’on compare la vitesse et l’engagement d’un match entre Rafael Nadal et Novak Djokovic à n’importe quelle finale de Grand Chelem d’il y a une quinzaine voire une dizaine d’années, il y a de quoi hausser les sourcils. Certes le matériel a évolué, certes la qualité de l’entraînement des joueurs a progressé, mais est-ce vraiment tout ? Les vélos aussi sont plus légers. Les tenus des athlètes plus aérodynamiques. Ça n’empêche personne de hurler au dopage. Alors pourquoi ce silence dès qu’il s’agit du tennis ?
En réalité, s’il n’y a pratiquement aucun grand joueur de tennis convaincu de dopage, c’est tout simplement que les contrôles sont ineptes. Quantitativement tout d’abord. En 2011, on a assisté à un peu plus de 200 contrôles antidopage hors-compétition dans le milieu du tennis professionnel, de la part de la Fédération Internationale de Tennis (ITF). Un nombre incroyablement faible. Dans le même temps, l’Union Cycliste Internationale effectuait pour sa part pas loin de 6000 contrôles hors-compétition.
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Enfin, qualitativement, les contrôles laissent là encore à désirer. La Fédération, toujours prompte à protéger les joueurs, concentre ses « efforts » sur les tests en compétition. Tests bien sûr attendus et anticipés par tous les athlètes. De plus, les produits recherchés n’ont souvent rien à voir avec ceux qui sont probablement utilisés par les joueurs. Quant au docteur Stuart Miller, chargé par l’ITF de la lutte anti-dopage, il confie au New York Times qu’il considère que les joueurs de tennis n’ont ni le besoin ni l’envie de se doper. Nul doute qu’avec de tels molosses à leurs trousses, les tricheurs doivent avoir bien du mal à trouver le sommeil.
Des inégalités entre pays
Quelques pays, la France et les Etats-Unis notamment, tentent bien de compenser les manquements de l’ITF par le biais de leur propre agence de lutte antidopage. Mais cela crée un véritable déséquilibre par rapport aux joueurs issus de pays aux fédérations au moins aussi conciliantes que l’ITF, comme l’Espagne ou encore la Chine pour ne pas les citer.
Surtout que l’ITF refuse désormais la moindre ingérence de ces agences sur des tournois se tenant sous la juridiction théorique de celles-ci, depuis que certains joueurs, dont Rafael Nadal, aient hurlé au scandale suite à un contrôle inopiné mené par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) lors de l’édition 2009 de Roland-Garros.
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Ces disparités entre pays sont également valables dans la plupart des autres sports, l’AFLD étant par exemple bien plus vindicative que nombre de ses équivalents étrangers.
Football : l’omerta
Mais le tennis n’est pas le seul sport où la lutte anti-dopage se contente d’un rôle figuratif. Et le football notamment, n’est pas en reste. Récemment, la suspension pour dopage du défenseur ivoirien de Manchester City, Kolo Touré, est passée complètement inaperçue, du moins dans les médias généralistes. L’homme n’est pourtant pas un joueur mineur évoluant dans un championnat de seconde zone.
Là aussi, on retrouve de très faibles contrôles, tant en termes de quantité que de qualité. Avec les mêmes mécanismes mis en place par la FIFA que par l’ITF. Et Jiri Dvorak, médecin de la FIFA lors du Mondial 2012, a tenu des propos du même acabit que ceux de Stuart Miller, considérant pour sa part que le dopage favorise surtout l’endurance, endurance bien entendu inutile dans la pratique du football…
Pourtant, une enquête de l’AFLD en 2009, encore elle, a démontré que plus de 20% des footballeurs testés étaient positifs au DHEA, un produit interdit par l’Agence Mondiale Antidopage. Celle-ci a indiqué à l’AFLD que ces tests, faits à base de prélèvements capillaires, n’avaient aucune valeur juridique…
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En cause sont souvent cités les intérêts financiers, médiatiques et sportifs sans comparaison possible avec les autres sports. Ainsi, la presse française a curieusement tendance à ignorer que le Calcio italien était profondément englué dans le dopage au cours des années 1990. Le pourquoi est tout de suite plus clair lorsque l’on sait que bien des Français champions du monde en 1998 évoluaient dans ce championnat. Les sponsors des joueurs, les clubs, les médias sont autant de barrières à l’établissement d’une réelle lutte antidopage dans le football. Et là encore, la lutte est laissée au bon vouloir des agences nationales. Avec à terme, les mêmes disparités et injustices entre pays.
Autres sports
En figure de proue des sports jugés irréprochables sur le plan éthique et moral figure le rugby, et ses valeurs d’honneur, de combativité et de respect, qui contrastent tant avec celles de ces « sales gosses » de footballeurs. Pourtant, le monde de l’Ovalie est loin d’être épargné par le fléau du dopage. Dans ce sport où la puissance physique est si importante, la prise de créatine et autres stimulants musculaires serait très courante. Récemment, le Sud-Ouest de la France a été frappé par la détection de cancers chez de jeunes joueurs de rugby dopés à l’aide de produits peu recommandables tandis que Djibril Camara a écopé de six mois de suspension pour avoir manqué de transmettre sa localisation à l’AFLD.
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Dans d’autres disciplines, comme le culturisme ou le baseball, le dopage était implicitement accepté par les Fédérations, et les contrôles ne pouvaient même pas prétendre être médiocres, tant ils étaient inexistants. Mais des rapports accablants ou même des séries de décès suspects commencent – progressivement – à changer la donne.