Christopher « Chris » Christie, jeune gouverneur du New Jersey, a été choisi par le Parti républicain pour être le « keynote speaker » de la Convention Nationale républicaine qui a commencé le 27 août. A ce titre, il sera chargé de délivrer le principal discours de l’évènement. Une consécration pour cette étoile montante du parti, que certains, déjà, voyaient bien à la Présidence.
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Keynote speaker : la confirmation d’un espoir républicain
Certes, Chris Christie ne sera pas candidat à l’élection présidentielle. Il ne sera même pas candidat à la Vice-Présidence, Paul Ryan ayant été choisi par Mitt Romney. « Il n’est pas encore temps », avait-il répondu à ses partisans qui le pressaient de se déclarer candidat à l’investiture républicaine. Mais l’homme, un procureur de 49 ans, qui n’est rentré que récemment en politique, est l’un des plus grands espoirs du Parti républicain.
Pour preuve, c’est lui qui a été choisi pour délivrer le « keynote speech » de la Convention Nationale Républicaine, qui a débuté le 27 août, à Tampa. Ce discours est censé insister sur le point de politique considéré comme majeur par le candidat. Il doit, en somme, développer le cœur de la campagne et du programme de Mitt Romney. Une tâche essentielle. L’élocution est considérée comme le moment le plus important de la Convention, avec, bien sûr, le discours d’acceptation du candidat officiellement désigné.
C’est pourquoi les partis n’envoient pas n’importe qui pour délivrer ce fameux discours. On peut diviser ces keynote speakers en deux catégories : soit il s’agit d’une figure de proue du parti, reconnue et écoutée, ce qui donne une force particulière au moment, soit on envoie au feu une étoile montante, de laquelle on attend beaucoup à l’avenir et à laquelle on veut donner une visibilité nationale.
C’est incontestablement dans cette seconde catégorie que l’on peut placer Chris Christie. Tout comme d’ailleurs, à la Convention Nationale Démocrate de 2004, un certain Barack Obama. Relatif inconnu jusqu’alors, son discours, resté célèbre et intitulé « The Audacity of Hope », dans lequel il porte aux nues le rêve américain et insiste sur le sens de la générosité et du partage de l’Amérique, l’avait propulsé sur le devant de la scène. Avec la réussite future qu’on lui connaît aujourd’hui.
Pas un politicien, mais un homme très politique
A la différence de Paul Ryan, Chris Christie n’est pas un professionnel de la politique. Là où le candidat Vice-Président avait commencé sa carrière au sein du Parti républicain pour ne plus le quitter, le parcours du keynote speaker est sensiblement plus « complexe ». Malgré un engagement dans la politique du Comté de Morris, dans le New Jersey, où son franc-parler lui avait déjà valu des procès en diffamation, c’est au poste de procureur que l’homme a bâti l’essentiel de sa vie professionnelle.
Diplômé de l’école de droit de l’Université de Seton Hall en 1987, il rentre au barreau du New Jersey la même année, comme avocat, d’abord. Il se construit alors un solide réseau dans l’American Bar Association, une association professionnelle de membres du barreau.
Il devient Procureur fédéral de l’Etat du New-Jersey en janvier 2002. A l’époque, certains crient au scandale, arguant que seuls ses liens avec l’un des plus proches conseillers du président George W. Bush, Karl Rove, ont déterminé sa nomination, aux dépends de candidats plus expérimentés. Mais Chris Christie fait vite taire ces critiques, en lançant une vaste croisade contre la corruption publique : 130 officiels sont condamnés durant son mandat pour… 130 procédures lancées. Efficacité maximale.
Ce bilan flatteur est toutefois terni par plusieurs accusations. On lui reproche d’avoir systématiquement favorisé ses amis et sympathisants dans l’attribution de postes, mais également de contrats d’expertise lors de certains procès. Ses méthodes, parfois à la limite de la légalité et très relativement respectueuses des libertés individuelles, ont également fait débat.
On l’accuse par ailleurs d’avoir lancé des procédures à des moments opportuns, afin de déstabiliser les Démocrates : en 2006, une procédure est lancée contre Robert Menendez, candidat à la sénatoriale, accusé d’avoir loué sa maison à une organisation qui était subventionnée à l’échelle fédérale grâce à son intervention. Pour justifier cette procédure, deux mois avant l’élection, Chris Christie affirme se baser sur un article datant de… 1994. La manœuvre, si manœuvre il y a, ne sera toutefois pas payante, Robert Menendez ayant été élu.
L’ascension fulgurante d’une « grande gueule » de la politique
Fin 2008, il démissionne de son poste. Avec, en ligne de mire, l’élection gouvernatoriale du New Jersey, qui a lieu en janvier 2009. Aucun Républicain n’a réussi à remporter cette élection depuis 12 ans. Il obtient facilement le ticket républicain et s’oppose au démocrate Jon Corzine, gouverneur en poste et ancien sénateur de l’Etat. Celui-ci est particulièrement affaibli : peu populaire, il est considéré comme corrompu par les électeurs. L’émergence d’un candidat indépendant, Chris Daggett, achèvera de consumer sa défaite politique : Chris Christie est élu avec 48,5% des voix, contre 44,9% à son rival. Une très faible marge pour ce genre d’élections, mais le résultat est là.
Durant son mandat, il s’illustre particulièrement par ses mesures chocs contre l’endettement endémique de l’Etat du New-Jersey. Ce conservateur fiscal a ainsi procédé à des coupes radicales dans le budget de l’Education ou dans celui des aides locales, le tout sans recourir à des hausses significatives en matière d’imposition.
Avec des résultats financièrement convaincants. Son franc parler séduit également, et lui octroie une certaine notoriété : en 2010, lors du passage de l’ouragan Irene, il avait interpellé au cours d’une conférence de presse les gens qui refusaient de suivre l’ordre d’évacuation. En substance, il leur avait ainsi ordonné de « moins s’occuper de leur bronzage » et de « foutre le camp de la plage ».
Ainsi, selon un sondage publié en août 2012, 55% de ses administrés se déclarent satisfaits de la façon de Chris Christie exerce son mandat. Mais son caractère outrancier et ses mesures radicales séduisent au-delà de l’Etat, si bien que, dans les rangs républicains, il se murmurait que le gouverneur du New Jersey pourrait bien se présenter à la présidentielle. Ce ne fut pas le cas, mais ce n’est, n’en doutons pas, que partie remise : un sondage publié à la mi-août révèle ainsi que la majorité (relative) des électeurs républicains du New Hampshire, Etat clé lors des primaires des deux camps, souhaiteraient que Chris Christie obtienne le ticket républicain en 2016.