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Conseil de sécurité: les enjeux de la présidence française

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Syrie, Mali, Liban, nucléaire iranien, conflit israélo-palestinien… La diplomatie mondiale connaît rarement de trêve estivale et, en plus, la « malédiction d’août » veut qu’en ce mois, réputé calme, surgissent les crises les plus inattendues…

La présidence du Conseil de sécurité de l’ONU, que s’apprête à prendre la France ne s’annonce pas de tout repos. A la présidence de l’instance exécutive des Nations-Unies, les 15 membres – dont cinq permanents, la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie – se succèdent par ordre alphabétique pour une durée d’un mois. Un mois qui sont l’occasion pour le pays en poste de maîtriser l’ordre du jour des débats et, ainsi, de faire avancer les dossiers qui lui sont chers.

Priorité des priorités : comment contourner les vetos russes et chinois pour une solution en Syrie ?

Alors que le « conflit » en Syrie – soulèvement virant à la guerre civile – dure depuis mars 2011 et que le nombre des victimes vient de franchir la barre des 20 000 morts, l’immobilisme des Nations Unies paraît déjà, aux yeux de certains, coupables – et n’est pas sans rappeler les morbides faux-pas de la guerre en Bosnie-Herzégovine dans les années 90.

A trois reprises, au cours des derniers mois, le Conseil de sécurité s’est retrouvé contraint par un veto de deux membres permanents, la Russie et la Chine, derniers soutiens – aux motivations divergentes – du régime de Bachar al-Assad.

La France entend profiter de sa présidence pour enfin contourner l’opposition de la Russie et de la Chine et tenter de convaincre Moscou et Pékin de la nécessité d’arrêter les massacres et d’envisager l’avenir politique du pays. Lundi 30 juillet, Laurent Fabius a annoncé qu’il souhaitait convoquer une réunion du Conseil à l’échelon ministériel lors de laquelle il se fait fort de faire converger tous ses homologues sur une position commune permettant de mettre un terme aux massacres et d’engager une transition à la tête du pays. Déjà, il a apporté une fin de non-recevoir aux appels à des livraisons d’armes lancées par l’opposition, les « rebelles » de l’Armée syrienne libre – tout en reconnaissant que certains pays de la région, comme le Qatar ou l’Arabie saoudite, s’en chargeaient allégrement.

Faut-il maintenir des observateurs et des casques bleus en Syrie ?

Au cours de ce mois d’août, le Conseil de sécurité devra décider du sort des observateurs de la Mission des Nations Unies en Syrie (Misnus). Ces trois cents casques bleus, dans l’impossibilité de conduire leur mission, y avait mis un terme à leur activité le 16 juin. Leur mandat a été renouvelé le 20 juillet pour 30 jours, un moyen de permettre un retrait dans l’ordre mais aussi de conserver quelques forces à Damas, qui pourrait éventuellement recevoir des renforts si tel en était finalement décidé.

Comment éviter une contagion de la crise syrienne au Liban ?

La France, pourvoyeur historique de casques bleus au sein de la Finul (Force intérimaire des Nations Unies au Liban) et deuxième contributeur (1000 soldats français sur 12 000 au total, venus de 32 pays), devra soumettre au Conseil de sécurité la question du renouvellement du mandat de la force internationale, dont le mandat arrive à expiration le 31 août.

En 2011, ces casques bleus ont été la cible de deux attaques du Hezbollah, allié de Damas. Mais, la crainte d’une extension du conflit syrien au Sud-Liban, en particulier à la frontière avec Israël, devrait pousser à la reconduction de son mandat. Un retrait  de la Finul, déployée dans le pays du Cèdre depuis 1978, serait un mauvais signe envoyé à la région.

Comment veiller à ce que le conflit syrien ne s’étende en une confrontation régionale ?

En Israël, dans la crainte d’attaques chimiques venant de Syrie, les distributions de masques à gaz se poursuivent au rythme le plus soutenu possible. L’ONU doit donner des assurances à Israël pour éviter qu’elle n’intervienne au cas où celle-ci serait l’objet de provocations du Hezbollah, des milices palestiniennes ou de Damas directement – dans un scénario catastrophe.

Par ailleurs, la Turquie doit être aussi rassurée – et soutenue – alors qu’elle doit faire face à un flot de réfugiés constant sur toute sa longue frontière avec la Syrie. Les partenaires de Ligue arabe doivent être écoutés lorsqu’ils mettent en avant leurs points de vue empreints des spécificités régionales et confessionnelles. Et puis, enfin, le régime de Téhéran doit être dissuadé de s’engager, le cas échéant, dans toute aventure susceptible de dégénérer en un conflit majeur – sans, pour autant, qu’il puisse disposer de marges de manœuvre sur le dossier du nucléaire.

Faut-il envisager une intervention militaire au Mali ?

Après la Syrie et ses implications, le Mali sera l’autre dossier majeur de la présidence française du Conseil de sécurité. Objectif de cette intervention, appelée de ses vœux, notamment, par Alassane Ouattara, président en exercice de la Cedeao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) : libérer le nord du Mali désormais sous le contrôle de mouvements islamistes radicaux affiliés à Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) avant qu’il ne devienne un foyer du terrorisme islamiste international, une base arrière qui viendrait, là aussi, déstabiliser toute la région, du Maroc et de l’Algérie jusqu’au Nigéria.

La résolution 2056, votée le 5 juin à l’unanimité, fixait une première échéance au 31 juillet et Ban Ki-moon devait faire mardi 31 juillet un rapport au Conseil de sécurité avant qu’éventuellement une force d’intervention soit constituée. C’est une intervention lourde et politiquement sensible qui s’annonce. Ancienne puissance coloniale, la France a des intérêts et des valeurs à défendre dans ce pays et dans cette région.

Un Ambassadeur qui tweete…

Ce sont certains des sujets qu’aura à traiter l’ambassadeur de France aux Nations unies, Gérard Araud.  Le diplomate entend aussi mettre à profit le mois d’août pour mettre en valeur l’action de la France, notamment via Twitter – un compte @franceonu avec 15000 abonnés et un hashtag #PFCSNU – et sur Internet – http//www.franceonu.org.

A noter qu’en septembre, l’Allemagne succèdera à la France. Une occasion de plus pour Paris et Berlin de montrer l’étroitesse de leurs liens.

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