On ne respecte plus rien, pas même la trêve dite « des confiseurs »… Le Landerneau politico-médiatique est en émoi alors que bruissent les premières rumeurs de remaniement ministériel du quinquennat de François Hollande.
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À des remaniements ministériels, le président de la République est libre de procéder aussi souvent qu’il lui convient, mais cet outil stratégique est loin d’être neutre politiquement : c’est un message adressé tant au monde politique qu’à l’opinion publique et, comme tous les messages, il convient pour son auteur de l’envoyer au bon moment.
La rumeur d’un prochain remaniement ministériel, dans les premières semaines de 2013, suscite bien des interrogations : n’est-ce pas trop tôt ? Quelle pourrait être la teneur du message adressé ?
Rares sont les remaniements au cours d’une première année de mandat
Christophe Barbier, le directeur de la rédaction de L’Express, est à l’origine de cette rumeur. Selon lui, un remaniement interviendrait dans les premières semaines de janvier. Le Journal du Dimanche, pour sa part, se demandait en Une, dimanche 23 décembre, si le gouvernement passerait l’hiver…
Dans les deux cas, un vaste changement de casting gouvernemental est prédit avant le terme de la première année passée par François Hollande à l’Élysée.
Hormis le remaniement – le plus souvent technique – qui suit les élections législatives, un mois après le second tour de la présidentielle, les présidents de la Vème République ont rarement procédé à des changements de grande ampleur au cours de leur première année de mandat. Seul précédent notable, en novembre 1995, avec le gouvernement Juppé II, constitué par Jacques Chirac et son Premier ministre en pleine crise sociale – et resté célèbre pour l’éviction de 8 des 12 femmes ministres ou « Juppettes »… Ce remaniement tactique ne visait qu’à confirmer, à travers une équipe resserrée, la stratégie d’un Premier ministre « droit dans ses bottes », selon sa propre expression. Le désaccord politique qui pouvait agiter la majorité avait été désamorcé trois mois auparavant par la démission d’Alain Madelin, ministre de l’Économie partisan d’une « autre politique ».
Le calendrier politique ne plaide pas en faveur d’un remaniement prochain
2013 sera une année décisive quant au devenir de l’économie française : fin 2013, c’est l’échéance qu’a posée le président de la République pour juger des premiers effets de sa politique économique et sociale. De plus, c’est une année sans élection qui pourra être entièrement consacrée à l’action gouvernementale avant deux nouvelles années électorales en 2014 – municipales et européennes – et en 2015 – cantonales et régionales.
Si le remaniement est une arme dont dispose la présidence de la République pour reconquérir l’opinion, elle ne fonctionne qu’utilisée avec parcimonie. Lors du précédent quinquennat, Nicolas Sarkozy a préféré avoir recours à échéance régulière à des mini-remaniements. À agir ainsi, peut-être s’est-il privé d’un atout politique non négligeable.
Si le remaniement, c’est maintenant : pour quoi faire ?
La composition du gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait frappé par son caractère profondément « hollandiste ». Si l’équipe gouvernementale est ouverte aux différentes sensibilités de la majorité et, en particulier, du parti socialiste, les postes-clés sont détenus par les plus fidèles soutiens de François Hollande. Il apparait peu probable que le président de la République renonce à ce principe alors même qu’il aborde la séquence sans doute la plus cruciale de son gouvernement. Au contraire, on imagine qu’il songe plutôt à renforcer ce principe.
L’heure n’est ni au changement de ligne politique ni à l’ouverture – à la gauche de la gauche ou au centre. Quel intérêt aurait François Hollande à changer de ligne politique alors qu’il vient, il y a deux mois à peine, de solliciter un délai d’au moins un an avant d’être jugé sur son action ? Aucun. Quel intérêt aurait-il à faire rentrer ou sortir « à froid » des représentants de la gauche de la gauche ou, au contraire, à intégrer un François Bayrou désormais si peu représentatif ? Aucun. Bien que malmené dans les sondages, le président de la République dispose, à l’heure actuelle, des moyens parlementaires pour conduire sa politique.
Si les Verts bougonnent – et hésitent sur leur positionnement politique -, il n’aurait pas forcément à gagner de leur radicalisation et d’une rupture avec François Hollande. Si Arnaud Montebourg a dû avaler quelques couleuvres, a été désavoué sur les nationalisations temporaires et mis en cause dans l’affaire du rachat de Hersant Médias par Bernard Tapie, son intérêt est sans doute de demeurer au gouvernement pour tenter de faire prévaloir ses idées et se forger, au moins, un début de bilan. L’heure des recompositions tactiques n’est pas encore venue.
Un remaniement a minima ou un réajustement technique
François Hollande pourrait toutefois être tenté de procéder à quelques ajustements techniques pour remplacer quelques figures amochées – mais il veillera alors à ce que cela n’apparaisse pas comme des sanctions et les remplacera par des alliés politiques très proches.
Dans la ligne de mire, Pierre Moscovici – trop discret selon certains et qui quitterait sans doute Bercy s’il décrochait la présidence de l’Eurogroupe – et Christiane Taubira – affaiblie physiquement, elle serait nommée au Conseil constitutionnel en mars. L’avenir de Jérôme Cahuzac serait aussi posé – UBS oblige… mais, il y a fort à parier que François Hollande tentera de le sauver.
Parmi les possibles renforts de l’équipe gouvernementale, quelques jeunes pousses du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. On pense à Guillaume Bachelay ou Olivier Faure. Le nom de Pascal Lamy, ancien commissaire européen, revient souvent, mais celui-ci ne quittera la présidence de l’OMC qu’en septembre prochain.
Et puis, bien sûr, il reste le cas Ségolène Royal… Elle retrouverait le gouvernement – et un poste digne de son rang – en s’installant place Vendôme au ministère de la Justice, un poste régalien garantissant une certaine indépendance. La présidente de la région Poitou-Charentes jouit d’une forte popularité mais cela ne saurait garantir que la nomination de la mère des quatre enfants du Président soit bien perçue par l’opinion publique.
Une chose est sûre – même si rien n’est jamais sûr en politique -, les jours de Jean-Marc Ayrault à Matignon ne sont pas encore comptés. Dans ces conditions, tout remaniement de grande ampleur parait peu probable, a fortiori en début d’année. En revanche, d’ici un peu moins d’un an, à partir de septembre 2013, l’heure des choix pourrait être venue pour François Hollande.