Après une semaine d’émeutes dans la banlieue de Stockholm, le calme revient peu à peu dans la capitale suédoise. Les affrontements entre les jeunes et la police laissent maintenant place aux interrogations des habitants. Pourquoi une telle vague de violence ? Éclaircissements de Bo Malmberg, professeur au département de géographie humaine à l’Université de Stockholm.
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Stockholm, nouveau théâtre de violences urbaines?
Après cinq nuits de violences, le calme est partiellement revenu ce week-end dans la banlieue de la capitale suédoise. Bilan de ces violences urbaines : une centaine de voitures incendiées, des écoles, des commissariats et des centres culturels endommagés, et une trentaine de personnes interpellées.
Ces émeutes auraient été provoquées par la mort d’un homme de 69 ans, le 13 mai dernier à Husby. Il a été tué par la police alors qu’il brandissait une machette.
Quelques jours après l’incident, deux cent personnes se sont rassemblées dans cette banlieue située au nord de Stockholm pour dénoncer la violence de la police. Mais avant cet incident, la tension était déjà palpable dans ces quartiers défavorisés: des observateurs soulignent même que cette banlieue était sur le point d’exploser.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la capitale suédoise est le théâtre de violences urbaines. Déjà en 2010, une centaine de jeunes avaient attaqué un commissariat à Rinkeby, autre quartier pauvre de Stockholm.
Hausse des inégalités sociales
Selon Bo Malmberg, professeur au département de Géographie humaine à l’université de Stockholm, le problème est lié à la hausse des inégalités dont souffrent ces quartiers immigrés : « Le taux de pauvreté en Suède a augmenté rapidement depuis 2005, notamment en raison de la politique du gouvernement. Et les banlieues sont parmi les plus touchées » explique-t-il.
« Les personnes avec un revenu élevé ont bénéficié d’une baisse du taux d’impôsition sur le revenu, de l’abolition de taxes foncières (taxes sur les valeurs maison) et de subventions en espèces pour les services à domicile (nettoyage, etc). Les personnes avec de faibles revenus ont, au contraire, subi une réduction des prestations et ont été frappés par une augmentation du taux de chômage, » souligne le professeur.
Une société de plus en plus divisée
Face à ces violences, « les Suédois se sentent concernés. Beaucoup d’entre eux dénoncent les inégalités croissantes des revenus. La droite populiste accuse, pour sa part, le niveau élevé d’immigration, » explique Bo Malmberg.
« On a une société qui devient de plus en plus divisée et où le fossé se creuse, à la fois socialement et économiquement, » explique au Point Rami Al-khamisi, co-fondateur de Megafonen, une organisation qui représente les jeunes des banlieues de Stockholm.
Exclusion sociale
Ces heurts remettent en question le modèle d’intégration des immigrés dans un pays qui a accepté 44.000 demandeurs d’asile en 2012. « L’intégration des immigrés en Suède est lente. Les immigrés passent de nombreuses années à apprendre le suédois et à bénéficier d’une éducation secondaire. C’est seulement après sept ou huit ans qu’ils arrivent à s’intégrer dans la société et à s’insérer sur le marché du travail, » indique le professeur Bo Malmberg.
La Suède doit-elle repenser son modèle social?
La Suède et la ville de Stockholm, en particulier, ont souvent été présentées comme des exemples à suivre en terme de modèle social, mais il existe des zones où la pauvreté est élevée, et ces zones ont souvent tendance à être oubliées : « Les riches préfèrent s’isoler des pauvres » explique Bo Malmberg, évoquant une ségrégation sociale et spatiale qui serait à l’origine de ces violences urbaines.
Plusieurs journaux suédois ont reconnu des failles dans leur traitement médiatique de la capitale suédoise : « Nous les médias, transmettons une fausse d’un Stockholm qui se termine à Stureplan [quartier riche au centre de la ville]. L’image d’une population qui réussit, boit du vin blanc et prend le taxi. Du coup, la municipalité libérale n’a pas besoin de prendre ses responsabilités. Les inégalités peuvent augmenter, du moment qu’elles n’augmentent pas à Stockholm, » a expliqué au quotidien Libération le journal Aftonbladet, proche du parti-démocrate.