L’examen de la réforme de l’immigration, ardemment souhaitée par Barack Obama, a commencé au Sénat américain. Celle-ci prévoit notamment la régularisation de plus d’une dizaine de millions de clandestins, pour peu qu’ils puissent répondre à des conditions drastiques, et un renforcement de la « sécurisation » de la frontière avec le Mexique. Michelle Mittelstadt, directrice de la communication du Migration Institute Policy, think-tank américain indépendant et non partisan qui étudie les mouvements et politiques migratoires à travers le monde, nous aide à décrypter les enjeux du projet de loi.
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Que pensez-vous du projet de loi ?
Michelle Mittelstadt : Ce projet témoigne d’un effort audacieux pour réformer le système migratoire américain, très rigide depuis de nombreuses décennies (le système migratoire actuel reste peu ou prou le même que celui mis en place par le Congrès en 1965, à peine ajusté en 1990 !).
Le projet montre la prise de conscience par ses rédacteurs qu’une régularisation, pour être effective, doit être aussi étendue que posible. Une régularisation qui laisserait de côté un nombre significatif de clandestins ne ferait que perpétuer le problème de l’immigration illégale.
Le processus de régulation serait régi par des conditions très strictes. Cela ne risquerait-il pas, au bout, du compte, de limiter grandement la portée de la réforme ?
Michelle Mittelstadt : Ce projet de loi est un compromis : les Etats-Unis légaliseront des millions de clandestins, travailleurs et respectueux des lois, mais, en échange, le chemin vers la régularisation sera long et requérra des efforts de la part des candidats. Précisions toutefois que, si la régularisation sera effectivement un processus qui s’inscrira dans la durée, c’est bien tout de suite que la vie des clandestins s’améliorera. Ils ne seront en effet plus expulsés et pourront travailler légalement – ce qui les aidera évidemment pour postuler à de meilleurs postes ou pour terminer de se former, par exemple.
Ce qu’ont à l’esprit les hommes politiques et les citoyens américains, c’est que les Etats-Unis doivent s’attaquer au problème de l’immigration illégale d’une manière qui ne favorise pas la création d’une nouvelle vague. Or ils pensent qu’imposer un long processus de régularisation découragera les personnes de venir illégalement aux Etats-Unis.
Les détracteurs de la réforme soutiennent que régulariser onze millions d’immigrés illégaux aurait un impact négatif sur la dette nationale. Qu’en pensez-vous ?
Michelle Mittelstadt : Les sortir de la clandestinité et leur permettre ainsi d’occuper une place dans la société, de payer des impôts, d’accéder à des emplois mieux rémunérés et à l’éducation bénéficiera en fin de compte à tout le monde. La plupart des coûts que les clandestins génèrent sont déjà supportés par le Etats-Unis- à travers les les hôpitaux, les écoles, etc. La réforme permettra de profiter de bénéfices encore non exploités.
Les opposants au projet dénoncent une « amnistie ». Cette réforme va-t-elle encourager à entrer clandestinement aux Etats-Unis ?
Michelle Mittelstadt : Une amnistie, ce serait légaliser les clandestins sans rien leur demander en retour. Or le projet de loi prévoit de leur faire payer une amende, d’apprendre l’anglais et l’éducation civique et d’attendre de nombreuses années avant de pouvoir demander la nationalité. La régularisation de 1986 fut une amnistie puisque rien ne fut exigé des immigrés illégaux en échange ; la réforme sur laquelle doit se pencher aujourd’hui le Congrès américain, à l’inverse, repose sur le principe de donnant-donnant.
Qui sont les immigrés illégaux aux Etats-Unis ?
Michelle Mittelstadt : L’immense majorité vient de l’Amérique du Sud – avec près des trois quarts en provenance de Mexico et de l’Amérique centrale. Ils viennent principalement aux Etats-Unis pour y trouver du travail et de meilleurs conditions de vie pour eux et leurs familles. Ils travaillent typiquement dans le bâtiment, les emplois manufacturiers à faible valeur ajoutée, l’agriculture… Si vous n’êtes pas régularisé, vous ne pouvez bien sûr pas être avocat, professeur, ou occuper tout autre emploi qui nécessite une licence.