Des bureaux de vote vides et un candidat quasiment élu d’avance. L’élection présidentielle iranienne, qualifiée de « mascarade » par de nombreux observateurs, s’apprête à se dérouler dans le silence du boycott de nombreux électeurs. Explications de Karim Pakzad, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
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Qui pour succéder à Mahmoud Ahmadinejad en Iran ? La question sera tranchée mercredi 13 juin, à l’issue de l’élection présidentielle.
Mais si, des huit candidats en lice, aucun ne s’est arrogé une réputation de favori pour le moment, une chose est sûre, le vainqueur aura été soigneusement choisi par le régime islamique.
Pour ne pas retomber dans le piège de la révolte populaire de 2009, la république islamique a décidé d’éliminer tous les candidats gênants, avant le scrutin. Une stratégie qui ne laisse pas les Iraniens indifférents et pour Karim Pakzad, expert de la question iranienne à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), cette année, les Iraniens n’iront pas voter.
Dans quel état d‘esprit les Iraniens vont-ils voter. Ont-ils encore confiance dans les urnes ?
Karim Pakzad : Les fraudes massives des élections de 2009 et la répression brutale qui l’a suivi a fait perdre au régime islamique le peu de légitimité qu’il avait encore auprès de la population. Bien entendu, ce constat ne prend pas en compte la base électorale du régime qui peut encore compter sur une assise qui représente entre 10 et 15% de la population. Cette frange de la population fera toujours tout pour défendre le régime et approuver l’élimination des opposants politiques.
Ce sentiment a-t-il été renforcé par l’annulation de certaines candidatures par le Conseil des gardiens de la constitution ?
Karim Pakzad : Les Iraniens auraient pu retrouver cette confiance si le candidat Rafsandjani avait eu le droit de se présenter. Mais ce dernier était dangereux. sans être un vrai démocrate et réformateur, c’est une personnalité pragmatique qui aurait pu être utile pour l’Iran qui connait une situation économique, sociale et politique désastreuse, conséquence de la politique gouvernementale et des sanctions internationales. Il a été soutenu cette fois par les réformateurs et aurait réuni une large part de l’électorat des classes moyennes, des jeunes, qui avaient encore l’espoir de changer l’Iran.
Le Conseil des Gardiens de la Constitution, en agissant ainsi, cherche-t-il à éviter un soulèvement post-électoral comme en 2009 ?
Karim Pakzad : Si Hachemi Rafsandjani avait été candidat, il aurait sans doute gagné et le guide aurait encore perdu son contrôle total sur l’exécutif. Si, comme en 2009 le peuple s’était soulevé contre les fraudes constatées, l’usage de la force aurait été inévitable. Et justement, le régime islamique fait tout pour éviter le moindre mouvement de foule. Déjà plusieurs membres de l’équipe de M. Rouhani, candidat proche des réformateurs ont été arrêtés
Peut-on néanmoins s’attendre à une réplique de 2009 ? Les Iraniens pourraient-ils de nouveau se soulever contre le régime ?
Karim Pakzad : Non. Les Iraniens, la jeunesse notamment, ne croient plus en un éventuel printemps iranien. L’Iran n’est ni l’Egypte, ni la Tunisie. Le régime islamique est fondé sur un appareil répressif sans commune mesure et dans lequel aucune manifestation de ce genre ne peut être tolérée.
Quel que soit le résultat, peut-on croire que l’élection d’un nouveau président changera la donne au niveau international, qu’il s’agisse de la Syrie ou du dossier nucléaire ?
Karim Pakzad : Les conditions économiques et financières de l’Iran sont catastrophiques. Les sanctions internationales ont fait tomber une chape de plomb sur le pays qui ne peut plus subvenir à ses besoins. L’Iran a perdu 50 milliards de dollars de revenus pétroliers en 2012.