Le futur du cinéma espagnol est sombre. Déjà confronté à l’augmentation de la piraterie, l’industrie cinématographique ibérique doit face aux mesures d’austérité appliquées par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy: depuis le mois de septembre dernier le cinéma subit la hausse de la TVA culturelle, qui est passée de 8 % à 21 %, le taux le plus élevé de la zone euro. Plus de 110 salles obscures ont dû fermer leurs portes depuis 2012 et le budget des aides publiques à la production a diminué de moitié. Le point sur la situation avec Borja de Benito Porto, responsable de la communication de la Fédération des cinémas d’Espagne (FECE).
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JOL Press : Quelles sont les principales difficultés que rencontre l’industrie du cinéma espagnol aujourd’hui ?
FECE: La situation est compliquée, pas seulement dans l’industrie cinématographique: tous les secteurs culturels sont touchés pendant la crise. Les dépenses concernant les loisirs et la culture sont en baisse en raison des problèmes économiques que rencontrent les familles espagnoles. L’Espagne compte 6 millions de chômeurs et les taxes sont en hausse. Les gens continuent de consommer des biens et des services culturels, mais à une fréquence plus faible. Par exemple, celui ou celle qui allait au cinema ou au théâtre deux fois par semaine avant la crise, ne s’y rend plus qu’une fois toutes les deux semaines aujourd’hui.
L’industrie cinématographique espagnole doit actuellement faire face a deux problèmes majeurs: l’absence de loi pour lutter contre le piratage – fléau en Espagne – et la hausse de la TVA culturelle, la plus élevée de la zone euro.
JOL Press: Durant la cérémonie des Goyas, les réalisateurs ont appelé le gouvernement à prendre des mesures pour soutenir le cinéma espagnol. A combien s’élèvent les aides publiques et quelles sont les autres sources de financement ?
FECE: Les aides publiques pour la production d’un film avoisinent les 50 millions d’euros. C’est 50% de moins qu’il y a deux ans. Les autres sources de financement peuvent provenir d’investisseurs privés, des télévisions, de co-productions, ou bien du système de crowfounding : une bonne alternative en temps de crise pour les courts métrages, les documentaires, les films indépendants mais ce n’est pas un système qui peut être utilisé pour tous les films.
JOL Press: Quelle sera selon vous l’évolution de la situation du cinéma? Peut-on imaginer davantage de collaborations avec les Etats-Unis et l’Amérique latine ?
FECE: Le futur des productions espagnoles repose sur un marché mondial: c’est déjà ce que font les réalisateurs comme Alejandro Amenabar, Pedro Almodovar, J. Bayona, Rodrigo Cortes, lorsqu’ils font la promotion de leurs films autour du monde, mais aussi des films d’animation espagnols comme Tad l’explorateur, ou Planet 51.
JOL Press: En temps de crise, quel est le rôle de la culture? Renforcer le lien social entre les gens ?
FECE: En période de crise, au lieu de procéder à des coupes budgétaires ou d’instaurer de nouvelles taxes dans le secteur de la culture, les gouvernements devraient faciliter l’accès à la culture: c’est un échappatoire pour bon nombre de gens pendant la crise. Des espaces comme les théâtres, les cinémas, ou les musées permettent aux gens de se réunir, de passer du temps avec leurs amis et leur famille, de partager quelque chose en commun, et de fuir le temps d’une séance de cinéma ou d’un spectacle, les mauvaises nouvelles relayées dans les journaux et à la télévision. La culture est le trait d’union entre les citoyens d’un pays.
Propos recueillis par Louise Michel D.