Depuis jeudi 10 avril, les députés se penchent sur une proposition de loi interdisant la culture du maïs transgénique. La partie n’est pas gagnée pour le groupe socialiste de l’Assemblée nationale, à l’origine du texte : en février dernier, le Sénat a voté une motion d’irrecevabilité UMP de la proposition de loi du sénateur socialiste Alain Fauconnier, qui avait pour but de sécuriser juridiquement l’interdiction du maïs MON 810. Quelles seraient les conséquences d’un nouveau rejet ? Eléments de réponse avec Jean-Christophe Pagès, président du comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies, une instance indépendante de consultation sur la question des OGM.
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Le gouvernement devrait proposer une réforme au niveau européen afin que le pouvoir de décision de mettre en culture des plantes OGM revienne à chacun des Etats. (Crédit : Shutterstock)
JOL Press : Si la culture du maïs OGM n’est pas interdite, doit-on s’attendre à ce que ce dernier soit très utilisé ?
Jean-Christophe Pagès : Si une autorisation est donnée, sauf en cas de mesures d’accompagnement spécifiques eu égard à des contraintes liées à la coexistence en particulier, tout agriculteur serait libre d’adopter la culture.
En France, ce serait essentiellement les régions touchées par la Sésamie et la Pyrale, le sud-ouest principalement. En 2007 environ 22000 hectares avaient été cultivés.
JOL Press : L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a affirmé, à plusieurs reprises, que la culture de ce maïs présente des risques de résistance par les insectes ravageurs et sur la mortalité des insectes non cibles, comme les papillons et les abeilles. Quelle serait l’ampleur de cet impact en cas de mise en culture ?
Jean-Christophe Pagès : La culture de ce maïs doit être accompagnée de la mise en place de zone refuge afin de prévenir l’émergence de ravageurs résistants.
Il n’y a, à ce jour, en Europe ni aux Etats-Unis, pas de résistance en champ avérée pour la Sésamie et la Pyrale. Les mesures prises peuvent donc être considérées comme pertinentes.
Concernant les abeilles, il n’y a aucune donnée d’effet sur la mortalité. La question qui a été posée concernait la commercialisation des produits de l’apiculture et la nécessité de les étiqueter. Pour les papillons, là aussi il n’y a pas de donner avérées en champ.
Il n’y a donc pas d’alerte de l’Autorité européenne de sécurité des aliments sur ces deux questions mais des recommandations de pratiques et de commercialisation.
JOL Press : Est-il à redouter, qu’au-delà des potentiels problèmes environnementaux, la culture du maïs OGM crée un conflit d’intérêt socio-économique avec d’autres filières agricoles – comme l’apiculture ?
Jean-Christophe Pagès : A ce jour, aucune altération environnementale grave n’a été liée au MON 810. La question de l’impact sur l’apiculture est en effet essentiellement liée aux questions commerciales.
Il faut, en premier lieu, retenir que les abeilles ne visitent pas le maïs comme source de pollen, ces visites sont donc rares et c’est la raison pour laquelle il est possible de retrouver des pollens de maïs dans les ruches.
Pour le miel, le pollen n’a pas à être caractérisé avant commercialisation.
JOL Press : En 2008 et 2012, le gouvernement a pris un arrêté pour interdire une variété particulière de maïs transgénique, le MON810. Cette fois, en revanche, on passerait d’une interdiction au cas par cas à une interdiction générale. Qu’en penser ?
Jean-Christophe Pagès : Je ne pense pas que cela soit possible en Europe, où le cas par cas est la règle.