Vitali Klitschko, boxeur de renom en Ukraine, s’est illustré sur la place Maidan, au cœur de Kiev, pendant les manifestations qui ont conduit à la fuite du président Viktor Ianoukovitch en février. Après avoir un premier temps annoncé sa candidature à l’élection présidentielle du 25 mai, il a ensuite préféré se concentrer sur l’élection municipale qui a lieu le même jour, briguant ainsi la mairie de Kiev. Un rêve qui ne date pas d’hier…
Extrait de « Les combats des frères Klitschko » de Leo G. Linder, Editions du Moment, 2014.
[image:1,l]
Vitali Klitschko sur la place Maidan à Kiev, lors du soulèvement de la population contre le président Ianoukovitch, novembre 2013. (Crédit photo: S’J / Shutterstock.com)
L’Ukraine tout entière est aux pieds des deux boxeurs professionnels, plusieurs fois champions du monde, Vitali et Vladimir Klitschko. Des entreprises locales les choisissent volontiers pour représenter leurs marques, la presse les encense et les Ukrainiens les incitent à s’engager dans la vie politique. Le journaliste allemand Leo G. Linder – les Klitschko sont aussi très populaires Outre-Rhin –, s’est lancé sur leurs traces. Il a parlé avec les deux frères, leurs compagnes, amis et entraîneurs pour tenter d’en apprendre plus sur la vie de ces personnages et découvrir la source de leur aura.
Extrait de Les combats des frères Klitschko de Leo G. Linder, Editions du Moment, 2014 :
« De son côté, Vitali ne reste pas sans rien faire. Une vie d’homme d’affaires ne serait pas pour lui. Malgré tout son amour pour sa femme et ses trois enfants, il ne serait pas heureux, dans la durée, entre quatre murs, même avec eux. Il reste une boule d’énergie. Il doit bouger. Il a toujours combattu sur plusieurs fronts à la fois.
Il aime la boxe, parce qu’il y est possible de réaliser l’impossible, comme l’a déclaré Evander Holyfield. Peut-on dire la même chose de la politique ? Il veut le vérifier par lui-même. En décembre 2005, il se fait élire président du groupe électoral PRP (Parti des réformes). Il se présente sous cette étiquette aux élections municipales du 26 mai 2006, avec succès. Il arrive, avec 29 % des voix, en deuxième position devant le maire sortant, mais devancé par Leonid Tchernovetski qui obtient, lui, 34 %. Quatorze sièges sont attribués à son groupe au conseil municipal. Visiblement, des centaines de milliers de Kiéviens peuvent s’imaginer un Klitschko à la tête de leur ville.
[image:2,s]Tout d’abord, il se donne l’objectif de combattre la corruption dans l’administration municipale. Brader, ou même offrir, des bâtiments publics serait une pratique courante. Selon la rumeur, les élus distribuent à leur guise des biens immobiliers appartenant à la ville à des protégés ou parents. Un jour, quand des membres du clan de Klitschko ont occupé le podium pour protester contre une décision douteuse de la majorité, les partisans du maire en sont venus aux mains. Brouhaha furieux. Bousculade. Dans la confusion, quelqu’un s’attaque à Vitali et le renverse. Quand ce dernier se relève, on distingue sur son visage que ne pas répliquer lui coûte un véritable effort. D’un petit geste, il signifie à l’« agresseur » ce qu’il aimerait lui faire, puis se retire. Le conseil municipal n’est pas un ring.
Au vu de ce genre de scènes, on pourrait tenir Vitali pour l’homme de la situation. Mais étrangement, lui non plus n’a pas forcément intérêt à remédier au désordre qui règne. La discipline de parti étant aléatoire, il ne peut pas compter vraiment sur le vote de ses alliés. Après quelques mois à peine, six d’entre eux ont déjà quitté la faction. Rien là d’inhabituel, les transfuges sont nombreux dans la classe politique ukrainienne. Tous les partis subissent des fluctuations notables. Il ne s’agit pas ici de convictions politiques ou de communauté d’intérêts, mais de profit personnel. Comment progresser rapidement ? Où gagne-t-on le plus ? La fiabilité n’existe pratiquement pas. Ainsi, aucune idée ou projet ne peut s’imposer sans parler de se réaliser.
Pourtant, Vitali Klitschko est à nouveau candidat en mai 2008 pour représenter sa faction aux élections municipales. Cette fois, 18 % des voix lui font gagner la troisième place. Il entre au conseil municipal avec quinze élus. Aussitôt, cinq d’entre eux quittent son groupe pour un autre. Peut-être n’est-il pas assez rôdé dans les affaires pour se constituer une équipe de gens fiables ? Ou peut-être n’est-il pas suffisamment présent à Kiev ? Et ne lui manque-t-il pas un peu de l’éloquence, de la force de persuasion, nécessaire pour développer un parti ? Quoi qu’il en soit, face au nouveau vainqueur Tchernovetski, il paraît impuissant.
Mais, en réalité, faut-il vraiment lui souhaiter une victoire électorale ? La position de maire, avec toutes ses obligations, risque de se révéler un front de trop pour lui. D’ailleurs, lui-même rêve maintenant d’un autre terrain de jeu que la mairie de Kiev… »
Extrait publié avec l’autorisation des Editions du Moment
———–
Leo G. Linder est auteur, réalisateur et producteur indépendant pour différentes chaînes de télévisions nationales allemandes. Il a écrit une quarantaine de livres.