Après avoir assister à la chute de la candidate Marina Silva, les Brésiliens se préparent à un duel d’entre-deux tours serré entre la présidente sortante Dilma Rousseff et son adversaire Aécio Neves. Jusqu’au 26 octobre, les deux candidats proposeront aux électeurs deux programmes opposés pour un même objectif : la relance de l’économie.
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L’entre-deux tours de la présidentielle brésilienne surprend encore ceux qui s’attendaient à un duel inédit entre la présidente sortante Dilma Rousseff et l’écologiste Marina Silva qui, ayant bondi en un temps record dans les sondages, s’est effondrée aussi rapidement lors du premier tour du scrutin.
Une candidate surprise et douée
Au deuxième tour, qui se déroulera le 26 octobre prochain, les Brésiliens assisteront à un duel beaucoup plus traditionnel qui opposera la gagnante du premier tour, Dilma Rousseff, en sa qualité de candidate du parti des travailleurs, et le social-démocrate Aécio Neves, arrivé en deuxième position avec 34,71% des voix.
Avec 20,99% des voix, Marina Silva n’aura donc pas confirmé les tendances des sondages, qui lui prédisaient un grand avenir dans cette campagne présidentielle. Pourtant, les premiers jours de campagne de celle qui n’était au départ que la colistière du candidat Eduardo Campos ont permis de rassembler un grand nombre de mécontents.
« Marina Silva est une candidate compétitive », affirmait ainsi Gaspard Estrada, analyste politique spécialiste des relations entre la France et l’Amérique latine dès l’annonce de l’entrée de Marina Silva dans la course, à la suite du décès d’Eduardo Campos. « Elle a le profil et endosse le tailleur du candidat idéal par rapport aux paramètres de l’élection, dont la plupart des Brésiliens attendent des changements. Environ 70% de la population souhaite un changement au sein du gouvernement », ajoutait-il encore.
Aécio Neves, le deuxième homme
Si les Brésiliens ont été des enthousiastes des premiers jours, la donne a cependant vite changé. « Au fil des débats et des attaques, elle a dû prendre position et a peu à peu perdu des pans entiers d’électeurs aux demandes desquels elle ne répondait pas », explique Alfredo Valladão, professeur à Sciences Po pour Libération.
« Il faut voir aussi qu’elle appartient à un petit parti, qu’elle n’avait pas de base politique et qu’on a mis en doute sa compétence pour gouverner », ajoute encore cet expert.
Face à elle, Aécio Neves a incarné le véritable « deuxième homme ». « Dans les débats et il s’en est plutôt bien sorti », analyse Alfredo Valladão. « Il a projeté l’image de celui qui veut changer, qui n’est pas velléitaire et a les moyens de ce qu’il avance ».
A-t-il ses chances au second tour ?
Il est désormais difficile de savoir quelles sont réellement les chances de ce candidat surprise au second tour du 26 octobre prochain.
Comme le rappelle Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques, « l’enjeu principal de ces élections n’a pas porté sur l’éthique mais principalement sur l’économie, le social et (un peu moins) la sécurité ».
Or jusqu’au 26 octobre, les candidats partent avec les mêmes armes, dans la mesure où la candidate perdante à appeler son électorat à voter pour Aécio Neves.
Ne reste désormais qu’à convaincre les électeurs. « Pour la présidente sortante Dilma Roussef, cela passera par sa capacité à convaincre les classes moyennes qu’elle est capable de relancer la croissance. Aecio Neves devra, lui, rassurer les électeurs des classes populaires qu’en aucun cas il ne va remettre en question les acquis sociaux obtenus ces dernières années », estime Jean-Jacques Kourliandsky.
« Aécio Neves présente un programme précis pour sortir le Brésil de la crise dans laquelle il s’enfonce : récession, inflation, baisse des prix des matières premières, licenciements… », explique Alfredo Valladão pour Libération. « On peut penser que Neves a de l’espace pour gagner des voix auprès de ceux qui réclament un nouveau gouvernement, alors que les électeurs qui ont peur du changement ont déjà voté Rousseff au premier tour ».
Objectif : la reprise de la croissance
Alfredo Valladão prévient néanmoins, « la campagne d’entre-deux-tours s’annonce très dure, avec des programmes de télé menteurs et des accusations ad hominem. Ça peut être très sale ».
Ne reste désormais plus que quelques jours aux candidats pour faire leurs preuves dans ce scrutin à hauts risques et l’accent sera donné sur l’économie.
« Quel que soit le président élu à la suite du second tour, organisé le 26 octobre prochain, son défi essentiel sera de retrouver le chemin de la croissance », explique ainsi Jean-Jacques Kourliandsky.
« Un tel ralentissement de l’économie et de la croissance ne peut que générer de profondes insatisfactions sociales », ajoute-t-il. Or si les candidats, « tous deux économistes de formation », rappelle Jean-Jacques Kourliandsky, proposent deux programmes opposés pour relancer la croissance, « il est clair que le vainqueur aura une obligation de résultat, sous peine d’être sanctionné dans quatre ans par les Brésiliens en âge de voter », conclut-il.