Petit à petit, les pays d’Europe de l’Est se débarrassent de la corruption, triste héritage de la période communiste. Ils doivent cependant se battre contre les oligarchies locales, parfois alliées des grandes multinationales.
La corruption continue de sévir en Europe de l’Est. C’est une des conclusions du dernier « Indice de perception de la corruption », publié par Transparency International en 2015. Un document qui évalue la perception de la corruption dans le secteur public de 168 pays. Les Etats obtenant une note élevée disposent d’une administration transparente, tandis qu’une mauvaise note « est le signe d’un recours systématique à des pots-de-vin, de l’absence de sanction en cas de corruption et d’une inadéquation entre les prestations de l’administration et les besoins de la population », explique l’ONG.
Pour 2015, les notes obtenues par les pays de l’Est sont parmi les plus mauvaises de la région eurasiatique. 29 pour la Russie, 28 pour le Kazakhstan, 27 pour l’Ukraine et 32 pour la Biélorussie, quand la moyenne régionale pour l’Union européenne et les pays d’Europe occidentale est de 67 points. Cependant, certains pays de l’ancien bloc soviétique s’en sortent mieux. C’est notamment le cas de la Lettonie (55 points), la Lituanie (61) et surtout l’Estonie, qui obtient une note égale à celle de la France (70 points).
Les résultats de l’index de corruption de Transparency International, le plus utilisé dans le monde, montrent que certains pays de l’ancien bloc communiste luttent contre la corruption alors qu’ils sont souvent associés aux pratiques les plus douteuses. Chacun se souvient en effet de la démission, le 17 juin 2013, de Petr Necas, premier ministre de la République tchèque (56 points dans le classement de Transparency International). M. Necas a été contraint de démissionner après l’arrestation de sa chef de cabinet ainsi que de plusieurs personnalités proches du gouvernement, tous accusés d’abus de pouvoir et de corruption.
En 2009, c’est le Premier ministre croate qui démissionne par surprise. Il sera placé en état d’arrestation l’année suivante pour corruption. Près de dix millions d’euros auraient été détournés par son parti, l’Union démocratique croate (HDZ). En 2011, Juta Strike, la responsable anticorruption la plus célèbre de Lettonie, a été contrainte de quitter le pays pour sa propre sécurité. Elle s’était fait de puissants ennemis après l’arrestation de deux employés de l’Agence anticorruption et l’emprisonnement des responsables des affaires de développement de la municipalité de Riga.
Le nombre des scandales est ainsi particulièrement élevé dans les anciens pays satellites de l’URSS, qui partagent un héritage peu glorieux. La corruption était en effet une composante quasi-naturelle de la vie sociale sous le régime communiste. Mais dans de nombreux pays de l’Est la situation évolue, parfois à une vitesse surprenante. C’est en particulier le cas de la Roumanie et la Bulgarie, qui ont adhéré à l’Union européenne en 2007. Depuis, les deux pays ont accompli des progrès importants dans la réforme des systèmes judiciaires et administratifs. Si des efforts restent à faire dans la lutte contre la corruption, la Bulgarie et la Roumanie sont aujourd’hui plutôt bien classées par Transparency International (41 et 46 points respectivement).
Le cas de la Lituanie est également intéressant. Le pays affiche un taux de croissance élevé et les Lituaniens bénéficient d’une baisse du prix de l’électricité, d’une augmentation des salaires dans le secteur public et d’une augmentation du salaire minimum. Mais ils devront continuer à se battre, en particulier contre une minorité riche et puissante qui aimerait voir les tarifs de l’électricité augmenter.
La Lituanie a en effet décidé de ne pas reconduire un contrat de 15 ans passé en 2002 avec la société Dalkia (filiale de Veolia) pour gérer le chauffage de la capitale, Vilnius, et de neuf autres municipalités. Le ministre lituanien de l’Energie, Rokas Masiulis, reproche à Dalkia de pratiquer des tarifs trop élevés et dénonce un contrat entaché de corruption. En effet, Rolandas Paksas, maire de Vilnius lors de la signature du contrat en 2002, est accusé d’avoir reçu de l’argent de Dalkia ainsi que du groupe de construction Rubicon, sous-traitant de la filiale de Veolia. Appartenant à une puissante oligarchie, le groupement rassemblait une série de fournisseurs locaux de chauffage et eau chaude pratiquant des tarifs prohibitifs.
Mais le petit Etat balte n’est pas le seul concerné par ce type de corruption. « Les hommes d’affaires, malheureusement, savent qui approcher et les officiels ne sont pas surpris de recevoir des pots-de-vin », déclarait Juta Strike à la radio lettonne avant d’abandonner son pays. Comme le constatait récemment The Economist, depuis la crise financière de 2008 « les gens ferment plus facilement les yeux. Les lanceurs d’alertes sont mal protégés. Les entreprises qui refusent de payer des pots-de-vin sont écartées au profit de concurrentes moins scrupuleuses ».
Les pays de l’Europe orientale sont déstabilisés par un système de fraudes en tous genres. Et les citoyens devront continuer à se battre s’ils veulent conserver leur liberté récemment acquise.