Selon un rapport du British Medical Journal publié mardi, le taux de suicide masculin a fortement augmenté après 2008, dépassant largement la courbe des années précédentes. Pour les chercheurs, cette augmentation serait directement liée à la crise économique mondiale amorcée il y a cinq ans.
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Selon une étude publiée mardi 17 septembre par le British Medical Journal (BMJ), la crise économique qui touche la majorité des pays de la planète depuis maintenant cinq ans aurait un impact conséquent sur la hausse du taux de suicide, notamment chez les jeunes hommes.
Près de 5 000 suicides en plus en 2009
Menée sur 54 pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique, l’étude de la revue médicale britannique réalisée par des chercheurs des universités de Hong Kong, Oxford et Bristol, montre que la hausse mondiale de 37 % du chômage et la baisse de 3 % du PIB par habitant en 2009 a entraîné 4 884 suicides de plus cette année-là par rapport au nombre attendu en fonction des tendances des années précédentes (2000-2007).
L’augmentation du nombre de suicides touche essentiellement les hommes dans 27 pays européens et 18 pays d’Amérique (États-Unis, Canada, Mexique et Amérique latine). En 2009, le taux de suicide a ainsi augmenté en moyenne de 4,2 % en Europe et de 6,4 % en Amérique. Concernant les femmes, il n’y a pas eu de changement notable dans les pays européens ; dans les pays américains, l’augmentation du taux de suicide a été plus faible que chez les hommes (2,3 %).
Les jeunes hommes européens sont les plus touchés
Chez les Européens, la hausse la plus forte concerne les hommes de 15 à 24 ans (11,7 %), tandis que dans les pays d’Amérique, la plus forte augmentation du taux de suicide touche les hommes âgés de 45 à 64 ans (5,2 %).
« La hausse des taux de suicide nationaux chez les hommes semblait être associée à l’ampleur de l’augmentation du chômage, en particulier dans les pays ayant de faibles niveaux de chômage avant la crise », indique le rapport. « Les turbulences dans le secteur bancaire ont conduit à un ralentissement des marchés boursiers, à des faillites, des saisies de logements, et à la hausse du chômage », rappelle le BMJ.
Le chômage en ligne de mire
Le rapport s’est notamment appuyé sur les chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui estimait qu’en 2009 le nombre de chômeurs dans le monde avait atteint environ 212 millions, soit une augmentation de 34 millions par rapport à 2007. Un chiffre qui soulevait des inquiétudes sur l’impact de la crise sur la santé mondiale, notamment sur celle des populations pauvres et vulnérables.
De précédentes études menées lors de la crise économique de 1997 au Japon, en Corée du Sud et à Hong Kong avaient déjà pointé du doigt les effets d’une crise économique sur la santé – notamment mentale – des habitants. Ces pays avaient enregistré une augmentation de plus de 10 000 suicides par rapport à la tendance générale des années précédentes.
Des recherches antérieures ont en effet montré que les ralentissements économiques affectent en premier lieu les hommes en âge de travailler. Au cours de la crise économique russe du début des années 1990, par exemple, comme lors de la crise économique asiatique de 1997, le taux de suicide était plus important chez les hommes que chez les femmes, et plus fort chez les adultes en âge de travailler que chez les personnes âgées.
Une sous-estimation de la détresse émotionnelle
« Notre conclusion est susceptible d’être une sous-estimation du véritable impact global de la crise économique sur le suicide, notamment dans certains pays touchés comme l’Australie et l’Italie qui n’ont pas été inclus dans l’étude », précise encore le rapport.
« L’augmentation du nombre de suicides est seulement une petite partie de la détresse émotionnelle causée par le ralentissement économique. Les tentatives de suicide non mortelles pourraient être 40 fois plus fréquentes que les suicides, et pour chaque tentative de suicide, environ 10 personnes ont des pensées suicidaires », rappellent les chercheurs.