L’opérateur aéroportuaire allemand Fraport a signé en décembre dernier un accord de 1,2 milliard d’euros portant sur la location et l’exploitation de 14 aéroports régionaux grecs. C’était la première grande privatisation du pays depuis l’arrivée au pouvoir du parti Syriza, qui s’était engagé à mettre en place un fonds de privatisation en échange d’un troisième programme d’aide européenne. Un bon début, mais qui n’est pour l’instant pas suivi par d’autres initiatives de cette envergure, le gouvernement Tsipras trainant la patte. Le secteur maritime en sait quelque chose.
Privatisation des aéroports, pour le reste on repassera
Fraport et son partenaire grec, Copelouzos, un producteur d’énergie, vont payer pendant 40 années environ 23 millions d’euros par an pour la location des aéroports, dont ceux de Corfou et de Santorin, hauts lieux du tourisme grec. Fraport et Copelouzos se sont également engagés à investir 330 millions d’euros d’ici 2020 pour la rénovation des sites.
Pour Stergios Pitsiorlas, président de l’Agence de privatisation, « la signature du contrat de cession de 14 aéroports régionaux est une évolution importante et un signe pour l’économie grecque, qui gagne pas à pas la confiance des marchés et reprend la voie de la croissance ». En effet, les créanciers de la Grèce ont interprété cette série de privatisations comme un signe que le gouvernement Tsipras était véritablement prêt à mettre en place les réformes auxquelles il s’est engagé.
Cependant, Athènes n’a jusqu’à présent levé qu’environ 3,5 milliards d’euros de recettes de privatisations depuis 2010 alors que l’objectif initial était de 50 milliards. Or, la situation économique de la Grèce reste fragile et la probabilité d’un faux pas est élevée. Le budget 2016 a par exemple été adopté grâce au vote de seuls 153 députés sur 300, tous membres de la coalition au pouvoir. Il faut dire que le budget est « rude », selon les termes du ministre des Finances, Euclide Tsakalotos. Il prévoit une croissance zéro en 2015 et une contraction de 0,7 % en 2016. Le texte prévoit également 5,7 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques et deux milliards de hausses d’impôts.
La tâche du gouvernement ne pourrait être plus délicate. Il doit faire face à d’intenses pressions en faveur d’un assouplissement de l’austérité, mais doit en même temps respecter les engagements pris auprès de ses créanciers. Car il ne faut pas oublier que la cession des 14 aéroports n’était que le premier pas d’une série de privatisations prévues d’ici la fin de l’année. Sur la liste on trouve une part du port du Pirée, les sociétés de gestion de l’eau d’Athènes et de Salonique et le projet de mise sur le marché de 49 % du réseau électrique.
Les armateurs grecs rongent leur frein
Or, ces privatisations doivent être effectuées. Non seulement parce que le gouvernement grec s’y est déjà engagé, mais aussi et surtout parce qu’elles permettront à l’économie grecque de retrouver une croissance durable fondée sur les finances publiques saines, une amélioration de la compétitivité, un taux d’emploi élevé et une stabilité financière. Le secteur maritime, une des principales sources de richesse en Grèce, en est le meilleur exemple. Tout comme la privatisation des aéroports régionaux a permis au gouvernement de récupérer des fonds importants, la privatisation des ports du Pirée et de Thessalonique permettra au secteur naval de prendre une plus grande importance dans la relance économique du pays.
Selon un rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), les armateurs grecs possèdent la plus importante flotte de commerce au monde avec, en 2014, plus de 3 800 navires pour plus de 258 millions de tonnes de port en lourd représentant plus de 15 % des capacités mondiales. La marine marchande grecque, qui réalise près de 20 % du produit intérieur du pays, rapporte autant au trésor public que le secteur du tourisme. L’industrie navale représente 9 milliards de dollars et, en incluant tous les marchés liés à cette industrie, ce sont 17 milliards de dollars et 192 000 emplois qui sont en jeu. Pourtant, le secteur naval a jusqu’ici pâti de la politique de Syriza, qui souhaite mettre fin aux allègements fiscaux dont il bénéficie.
Certes, le gouvernement s’est enfin décidé à débloquer le processus de privatisation du Pirée, mais il a trop attendu et on ne compte plus que trois groupes internationaux prêts à investir, alors qu’ils étaient huit en 2014. Hélas, les caisses de l’Etat son vides et Athènes n’a plus les moyens d’assurer l’avenir du port. La compétition avec d’autres ports en Espagne, en Egypte, en Italie, en Turquie ou en France est de plus en plus forte. Dans ce contexte, seul un engagement fort et distinct du gouvernement pour attirer les capitaux permettra aux ports grecs de jouer leur rôle dans le redémarrage économique du pays.